De retour au pays natal, à Jaspero, en Arkansas, Dylan ne
retrouve que ruines et deuil. Il ne songe d'abord qu'à venger son frère
disparu et ses parents dénoncés et tués par des guérilleros, mais il
s'interroge bientôt sur la couleur de Dieu. Est-elle blanche ou noire
puisqu'on peut empêcher un petit enfant noir de fréquenter l'école ?
Pour "ce petit garçon... aux yeux d'oiseau perdu... cette petite main
crispée sur la cuisse de l'homme... ces quelques cahiers serrés sous le bras
comme un vrai trésor à défendre", avec l'instituteur Dashiell Manton,
Dylan se laisse embarquer corps et âme dans "l'affaire Sodom",
celle d'un Noir courageux qui, fort de son bon droit, s'entête à conduire
son fils à l'école, au mépris de sa propre vie.
Pour lui, il accepte de différer le temps de sa vengeance. Le vieux Rakael, défenseur lui aussi de l'enfant, ne se relèvera pas, mais il aura le temps de donner son fouet au métis qui, lorsque justice sera faite, part définitivement vers le Nord, avec le Noir et sa famille. (Raymond Perrin, Dylan Stark 2, Lefrancq, 1998).
La petite histoire... Désormais, "c'est avec ce fouet que Dylan défendra les plus faibles, et cet accessoire lui devient aussi indispensable que l'était la winchester à canon scié de Joss Randall, le héros interprété par Steve Mac Queen dans Au nom de la loi, la célèbre série télévisée des années 50". (Raymond Perrin, Dylan Stark 2, Lefrancq, 1998).
Les braises avaient fumé, et puis elles étaient mortes. Alors, elles s'étaient tassées. Au matin, sous la rosée elles étaient devenues des cendres bien noires, bien brillantes. Les jours avaient suivi les jours, tous pareils, et pourtant de plus en plus chauds et longs, avec un soleil qui laissait prévoir plus de chaleur encore.
Les cendres s'étaient tassées. Elles étaient encore noires mais seulement par endroits : ailleurs, tout avait pris une teinte brune terreuse et rouillée.
De la ferme, il restait peu de chose : la cheminée de grosses pierres, massive et grise (c'étaient là, sur la pierre, que les cendres étaient encore noires) ; un morceau de mur appuyé à cette cheminée, et qui descendait en biais jusqu'au sol. Là il se perdait ; il se cachait entre les poutres calcinées pointant vers le ciel ; il se fondait dans l'amas de caillasses éparpillées à la place du plancher. Comme par miracle, on pouvait encore reconnaître la véranda ; c'était à se demander par quel hasard le feu ne l'avait pas touchée. Elle était séparée des ruines par une traînée vide et noire, avec ses planches mal jointes qui laissaient passer le gazon. Déjà, l'herbe repoussait aux alentours, et elle était très belle, très verte. Il y avait des ronces également, pointant l'épine vers les murs rasés, sur les pierre abattues. Bientôt, les ruines ne seraient plus ruines. Leur temps de témoin muet était presque dépassé. Bientôt il y aurait de l'herbe, et puis des arbustes qui pousseraient là. Le temps de la haine serait noyé, oublié. C'était au début d'août. Depuis plus d'un mois, un soleil torride rempli d'or et d'argent s'écrasait sur la terre et colorait tout de jaune et de blanc. C'est à peine si l'ombre avait droit de cité. Bien sûr, l'ombre était là, noire et bleue, collée à chaque pas, à chaque chose, présente et réelle. On la voyait accrochée au pas d'un homme ou d'une bête, on la voyait nichée dans les grottes de l'Ozark étincelant, ou étendue paresseusement au pied des rideaux d'arbres à opossums, mais on n'avait pas idée qu'elle eût pu apporter la fraîcheur. Au contraire, bleue et grasse comme elle l'était, elle ne tranchait avec le blanc aveuglant de la lumière que pour mieux montrer son inutilité.
Voilà comment c'était.
La vallée était étroite. Vers l'ouest, la verdeur se trouvait stoppée par un épais bois d'arbres à opossums - les fermiers nommant ainsi les pins d'Arkansas. Un bois sans forme qui se contentait de traîner. Derrière, tout de suite, la colline blanche s'élevait. Patiemment, étage par étage, palier après palier, la colline de pierre à chaux montait à l'assaut. Pour rien. Mais elle montait. Elle additionnait ses rangées de pierre, ses gradins successifs, de plus en plus petits, elle noyait toute sa fatigue dans un soleil éclatant, elle se saupoudrait d'arbustes et de buissons dorés, ça et là, parmi les grottes noires creusées dans la roche. Elle bouchait tout l'horizon de l'ouest à ceux de la vallée. Elle s'était donnée beaucoup de mal pour cette farce sans méchanceté ; mais elle y était parvenue. Elle avait triché un peu, s'était étalée jusqu'au sud en pointes sèches : des petits hoquets blancs et pointus noyés dans la verdure, au-dessus du bois, comme des hésitations ou des forces que l'on emmagasine pour le grand assaut. Ce n'était pas méchant, et la rivière qui suivait le bas du plateau, paresseuse au milieu des chênes, la rivière presque sèche sous le grand soleil, pardonnait. Elle faisait un petit détour de rien, râlant, bien sûr, quelques bouillonnements au passage, mais par pure habitude.
C'était bien, vraiment…
Grand Prix des Treize, 1967.
Fondé par l'Association des parents d'élèves de l'enseignement libre et l'Office chrétien du livre en 1966, ce prix (qu'on dit alors être le "Goncourt des Jeunes") est attribué par un jury composé de 13 personnalités représentatives de l'Église, de la Littérature, des Arts, des Sciences, de la Presse, de la Radio-Télévision, de la Famille. Trois jeunes de 11 à 14 ans en font partie (leur vote tient compte de l'avis de leur classe). Son objet est de "découvrir et diffuser un ouvrage comportant des références explicites à la Foi religieuse". Récompense : treize pièces d'or. Seront encore sélectionnés : Les Étoiles ensevelies en 1972, Le Hibou sur la Porte en novembre 1974, Je suis la mauvaise herbe en 1975.
Le couard, c'est celui qui, dans une situation périlleuse, pense avec ses jambes (Ambrose Bierce).
Il faut vivre dangereusement (André Malraux).
Quand je serai au bout de ma vie, vous sellerez mon vieux cheval, vous attacherez ma carcasse sur son dos, et vous nous placerez face à l'Ouest. Alors nous galoperons éternellement à travers la prairie que nous aimons. (Chanson anonyme).
Page créée le vendredi 11 janvier 2002. |