Dans l'hiver installé, Dylan et son compagnon Alwoy, rescapé comme lui de l'évasion de Moutain Grove, trouvent refuge dans un ranch où la superstition est encore assez forte pour que l'on cloue le hibou sur la porte afin d'écarter le malheur. Pour qui faut-il craindre ? Pour les chevaux, comme le vieux Sanan qui risque d'être abattu parce qu'il est supplanté par le jeune étalon Kindie ?
Ou pour le fils prodigue Soje qui dilapide au jeu l'argent familial, échappe à l'autorité du père et risque de plonger le ranch dans le désastre ? Mais un domaine peut vaincre le malheur quand un vieil homme redevient fier de son fils ! (Raymond Perrin, Dylan Stark 2, Lefrancq, 1998).
La petite histoire... Il s'agit du premier livre publié sous le nom de Pierre Pelot : les précédents étaient tous signés de Pierre "Pélot", avec un accent.
Mollement, il acheva d'épandre le reste du ballot de paille, à petits coups de fourche, puis il se redressa. Un moment, il demeura ainsi, penché en avant, appuyé des deux mains sur le manche de l'outil et le regard inspectant la litière. C'était bien, bon et frais. A présent, ils pouvaient venir de la plaine enneigée, naseaux fumants et givrés, crinières folles ; ils pouvaient venir, avec leurs croupes hautes, musclées, leurs odeurs d'hiver. Ils seraient bien. On les attendait. L'écurie serait chaude et amicale, solide ; et le vent pouvait bien souffler alentour et buter dans les poutres.
Dylan laissa fuser un soupir, puis il alla porter la fourche au fond du bâtiment, dans un angle. Là encore il s'arrêta pour jeter un coup d'œil autour de lui. Il regarda les boxes alignés et égaux, clairs, bien pourvus chacun d'une épaisse litière de paille. Un reste de jour filtrait doucement par les lucarnes percées dans le mur. On pouvait voir flotter des poussières de paille et de foin.
Dans le fond, près de la porte, les trois chevaux s'occupaient calmement à dépouiller leurs crèches. Ils le faisaient l'un après l'autre, réguliers, les mâchoires allant au même rythme. Dylan les regarda un moment, rêveur, sans que rien sur son visage anguleux ne donne une idée de ce qu'il pensait. Il essuya machinalement la poussière qui maculait sa figure moite et se dirigea vers la sortie. Au passage, il tapota la croupe du grand cheval noir en murmurant quelques paroles douces et totalement indistinctes. L'animal seul parut comprendre, tournant vers l'homme sa grande tête fine et intelligente.
Dylan sortie de l'écurie, referma soigneusement derrière lui la lourde porte. Comme une cire qui durcit, le froid lui tomba sur les épaules et l'obligea à dérouler ses manches de chemises retroussées. Il passa rapidement sa veste et en releva le col. Il sentit soudain les muscles noués et lourds de ses bras, et c'était une bonne fatigue ; il se rendit compte qu'il n'avait pas quitté l'écurie de tout le jour, étalant la paille dans les boxes et remplissant les crèches. Un sourire apaisé erra sur ses lèvres épaisses.
Adossé à la porte, Dylan Stark le métis regarda la cour de la ferme, dans le froid et les paillettes de neige qui dansaient une folle sarabande. Il ne sentait plus ce froid venu du nord et des collines brunes, avec le vent. Il regardait la cour silencieuse, blanche, la cour déserte et blottie entre les écuries, la maison de ferme et les bâtiments de la bunker-house. Le troisième côté de ce carré irrégulier était ouvert à la plaine : par là viendrait la harde de chevaux et les cow-boys… Par là, Dylan était venu, lui et Alwoy, voici déjà un mois. Il se souvint, ce jour-là…
Ils avaient galopé sans cesse, depuis leur fuite du bagne, sans se soucier du froid et de la fatigue. Sans arrêt. Ce qui comptait, c'était mettre le plus grand nombre de miles entre eux et Moutain Grove. Il avait raconté son histoire à Alwoy, pourquoi il était entré au bagne : il lui avait dit que c'était uniquement pour venger ses parents tués par El Paso. El Paso était mort, à présent, il n'était plus rien qu'un souvenir gris, une douleur plate dans la tête de Dylan. Il avait tout dit à Alwoy, et ce dernier avait suivi.
Avec le peu d'argent que possédait Dylan, ils avaient acheté des vêtements et ils s'étaient nourris. Une chance : le complice de Mountain Grove avait bien soigné les chevaux ; pour une bouchée de pain, il avait même vendu le sien à Alwoy.
Sélection Grand Prix des Treize 1974.
Sélection Jeunes Lecture Promotion 1975.
Présélection 1000 Jeunes Lecteurs 1975.
Le couard, c'est celui qui, dans une situation périlleuse, pense avec ses jambes (Ambrose Bierce).
Page créée le vendredi 19 avril 2002. |