Articles parus dans la presse nationale
Bifrost, janvier 2004, Claude Ecken
Le Magazine littéraire, décembre 2003, Anne-Marie Koenig
L'Humanité, 23 octobre 2003, Guillaume Chérel
Télérama, 11 octobre 2003, Michel Abescat
Le Point, 10 octobre 2003, François Nourissier
Lire, octobre 2003, Christine Ferniot
Le Monde des livres, 26 septembre 2003, Josyane Savigneau
L'Express, 18 septembre 2003, Daniel Rondeau
Libération, 18 septembre 2003, Frédérique Roussel
Le Figaro littéraire, 11 septembre 2003, Olivier Delcroix
Journal du Dimanche, 24 août 2003, Hubert Prolongeau
Le Nouvel Observateur, 21-27 août 2003, Jean-Louis Ezine
Livres Hebdo, 4 juillet 2003, Jean-Maurice de Montremy
Articles parus dans la presse régionale
26 septembre 2003. Josyane SAVIGNEAU
Pierre Pelot et le trésor des mots
CONVERSATION Entre le début du XVII° siècle et la fin du XX°, l'écrivain vosgien construit un passionnant pont littéraire.
Qu'y a-t-il de commun entre Pierre Pelot, écrivain prolifique, un peu mystérieux, éclectique (science-fiction, romans noirs, histoires des origines de l'homme...), Lazare Grosdemange, un journaliste de la fin du XX° siècle, et Dolat, homme du XVII° siècle, fils d'une paysanne brûlée pour sorcellerie ? D'abord, le premier, Pelot, a inventé les deux autres, personnages de son énorme et passionnant roman, C'est ainsi que les hommes vivent.
Mais surtout, tous les trois sont des enfants des Vosges, où Pelot est né et dont il aime le climat rude, les mystères, les malédictions qui traversent les âges. Comme Eudora Welty (1909-2001), une des figures de son panthéon d'écrivains, était restée attachée à son Mississipi natal, Pelot n'a pas quitté sa vallée vosgienne qui est peut-être le héros véritable de ce livre-monde répondant à l'interrogation d'Aragon : Est-ce ainsi que les hommes vivent ? / Et leurs baisers au loin les suivent / Comme des soleils révolus.
"C'est un projet que j'avais depuis une vingtaine d'années, se souvient Pierre Pelot. J'avais envie d'écrire une histoire des hommes auxquels on ne demande jamais leur avis, qui font, eux aussi, l'Histoire, mais sans y comprendre rien. Un Quatre cents ans de solitude, en quelque sorte".
Il a attendu d'avoir passé le cap de la cinquantaine pour oser cette "plongée dans le passé", pour risquer "ce pont entre les siècles", puisque son livre se passe pour partie au début du XVII°, pendant la guerre de Trente Ans, et pour partie à la toute fin du XX° siècle, en 1999.
Une passion inaltérable
Guerre de Trente Ans... Plus de mille pages... On pourrait se croire dans un roman historique. Il y a un public très friand de cela. Mais il y a aussi des allergiques radicaux aux fresques historiques, aux sagas, et qui, pourtant, prendront un plaisir inattendu à la lecture de ces quelque 1000 pages. "Il est vrai que je n'ai pas voulu faire un roman historique, explique Pierre Pelot. Plutôt ce que j'appellerais "un roman contemporain d'époque". Avec une colonne vertébrale, l'histoire d'amour fou entre Dolat, considéré comme "fils du diable", fils de la sorcière, et Apolline." Le petit enfant dont on vient de brûler la mère, Dolat, est recueilli par les religieuses de Remiremont. Apolline d'Eaugrogne, "demoiselle de haut lignage", devient sa marraine.
Ce lien, très conventionnel, laissera place à une passion inaltérable. Qui traverse les malheurs du temps, la Lorraine dévastée par la guerre - la région a perdu 30 % de sa population pendant la guerre de Trente Ans -, les ambitions contraires, les affrontements sociaux. Dolat et Apolline, amants improbables décidés à vivre leur passion interdite, se perdent, à plusieurs reprises, se cherchent, se retrouvent. Leur amour fou survit aux ravages de l'Histoire comme aux aléas d'une existence où la sauvagerie est une expérience quotidienne. "C'est ainsi que les hommes vivent, c'est cette sauvagerie, et il n'est pas certain qu'elle soit du passé. Elle prend des formes extérieures un peu différentes, mais elle subsiste, de siècle en siècle. C'est sans doute pour cela, précise Pelot, qu'il m'était nécessaire de faire coexister deux époques. Pour sortir de l'idée du roman historique, qui parle d'un temps révolu".
L'histoire de Dolat et d'Apolline est aussi contemporaine que celle de Lazare, journaliste revenu au pays, après la grande tempête de 1999, et après un accident de santé dont il se remet mal. Frappé d'amnésie, il enquête pour tenter de comprendre ce qui lui est arrivé. L'alternance des époques, de chapitre en chapitre, obéit à une logique dont le lecteur pressent qu'elle lui sera finalement dévoilée, mais la recherche de cette "clé", reliant le XVII° et le XX° siècle, n'est pas un enjeu du livre, qui n'est en rien un récit policier. Si le lien entre Dolat et Lazare est un trésor caché, c'est un trésor plus symbolique que réel. Une image pour ce magnifique travail sur la mémoire - ressusciter des souvenirs enfouis -, course au trésor à travers les âges "pour retrouver, après des siècles, un trésor que je croyais connaître et ne connaissais pas, conclut Pierre Pelot. Le trésor que j'ai découvert en écrivant ce livre, et que je voudrais absolument faire partager, c'est celui de la langue française, de cette langue du XVII° siècle dont nous gaspillons parfois l'héritage, et dont on ne dit pas assez la beauté. J'ai voulu raconter cette histoire-là, avec cette langue-là. C'est une expérience que je n'avais encore jamais faite. Habituellement, j'écris assez vite. Là, pendant deux ans, j'ai écrit seulement une page par jour. Et lorsque j'ai mis le point final, j'étais triste, infiniment, d'en avoir terminé".
En refermant cet épais volume, C'est ainsi que les hommes vivent, on est assez triste aussi de quitter Apolline, Dolat, le XVII° siècle, puis Lazaez, le XX° siècle, pour revenir à l'actualité du XXI°, à un quotidien qui n'est pas encore transfiguré par la littérature. On serait bien resté encore quelques siècles en compagnie de Pierre Pelot.
18 septembre 2003. Daniel RONDEAU
Pierre Pelot et son univers
Il a grandi près des sources de la Moselle, dans les Vosges, célèbre montagne endormie de la France de l'Est. Bussang, Le Thillot, Senones ne sont pas Courchevel ou Saint-Moritz, et tant mieux, car les romans sont souvent des "enfants du silence". Pour devenir Pierre Pelot, écrivain de son état, mieux valait venir au monde dans un pays de sombre harmonie, où chaque saison reste une joie et une solitude. Un parcours primaire, passant par la communale et un centre d'apprentissage, près de Mulhouse, le conduit directement chez le mécanicien de son village. Il a 14 ans, il porte l'habit bleu, il sera électricien.
Mais non : deux mois plus tard, il loue une machine à écrire et envoie un roman au Fleuve noir. Les mots l'ont pris par la main (les images aussi, il dessine), c'était il y a trente ans. Il publie aujourd'hui un livre au titre aragonien. C'est ainsi que les hommes vivent. Il a réussi le double tour de force de garder jusqu'à la page 1106 une fraîcheur d'énergie intacte, sans jamais se départir d'un art accompli qui permet au lecteur d'entrer dans l'épaisseur du temps. Tout cela n'est pas rien.
Pierre Pelot fait courir son roman (oui, courir) entre les frontières de deux époques. La première ressuscite la rudesse du bas XVII° siècle lorrain. Une paysanne est brûlée pour sorcellerie. Son mari se précipite dans les flammes pour mourir avec elle. Ils venaient d'avoir un fils, Dolat, recueilli par les chanoinesses de Remiremont et "adopté" par l'une d'elles, Apolline d'Eaugrogne, qui en fait son filleul. D'étranges liens uniront la bien-titrée à l'enfance lézardée et le fils de la neige et du feu. Les heurs et malheurs du temps, les ambitions dressées les unes contre les autres à l'intérieur du duché de Lorraine, les ravages de la Guerre de Trente Ans les jettent vers des destins imprévus. Ils se perdent, se cherchent, ils sont autant acharnés à vivre, à tuer, qu'à s'aimer. Apolline et Dolat, ou la cavale d'un amour en folie dans le giron du chaos.
Changement d'époque (mais non de lieu) : nous voici à la fin du XX° siècle. Première neige dans les Vosges, après la tempête de 1999. Lazare, un journaliste parisien, convalescent d'un triple infarctus et victime d'une mystérieuse amnésie, remet ses pas dans les pas de son enfance pour tenter de comprendre ce qui lui est arrivé. Les deux histoires se rejoignent dans une mine abandonnée, quand un homme et une femme se retrouvent face à face, figés par la mort, dans l'ombre et le silence de la terre, par-dessus les siècles. C'est ainsi que les hommes vivent est aussi l'histoire d'un trésor enterré.
Un trésor ? Non, plusieurs. L'or des mineurs, caché dans une galerie murée, symbolise l'or du temps, le trésor de toutes ces mémoires enterrées - celle de Lazare, celle d'Apolline - enfouies par les échevins et les clercs, désensevelies, sorties du puits sans fond, sous l'œil d'un chat immobile, qui figure l'éternité des choses. Toute une époque est ressuscitée - jours de fête et jours de massacres, paysages de neige et de chaleur lourde, de forêts, de villes - et sa ronde de visages, magnifiquement rendus sur la grande toile du récit, créatures glacées ou brûlantes, hommes de peine, de plaisir, de guerre, qui semblent toujours un peu danser avec la mort, mais qui tous incarnent, chacun à sa façon, l'"humaine condition" dont parlait Montaigne. Dans l'inventaire des trésors du livre, chacun est prié de ne pas oublier l'auteur, Pierre Pelot.
On l'imagine dans l'immobilité de son village, ne cessant d'entasser des pensées et des rêves, cadeaux des forêts voisines à celui qui sait les regarder et entendre leurs chants. L'offrande des plus hautes cimes des arbres, là où s'accrochent les nuages, et celle des sources, où cascade la neige du temps qui passe et s'en va, sont la matière qu'il a pétrie. A bonne distance des cafés littéraires, Pierre Pelot a inventé un univers, porté par des scènes admirables, comme à foison, et par son talent des mots, qui sont autant de flambeaux sur une glace noire. Le beau brasier...
18 septembre 2003. Frédérique ROUSSEL
La ligne rouge des Vosges
Rencontre avec Pierre Pelot, qui s'est immergé dans les horreurs de la guerre de Trente Ans.
On aime à décrire Pierre Pelot comme un ours, terré dans sa forêt vosgienne, à une poignée de pas d'où il est né, à Saint-Maurice-sur-Moselle. On le décrit aussi comme un forçat de l'écriture, l'homme aux 150 livres en tous genres (jeunesse, polar, western, science-fiction, préhistorique...). Son énième roman débarqué avec la rentrée littéraire 2003 s'intitule C'est ainsi que les hommes vivent. Un livre épais, consistant, bouillonnant, violent. Il entremêle deux histoires : l'une qui débute en 1599, avec une femme conduite au bûcher pour sorcellerie, l'autre qui se déroule en 1999, avec l'enquête familiale de Lazare Grosdemange de retour au bercail. Mais tout le livre repose sur la relation passionnée entre le fils de la sorcière et une aristocrate adultérine, dans le tumulte de la guerre de Trente Ans. Pelot s'est mis tout entier dans la tourmente.
En cette fin août de prérentrée littéraire, l'auteur semble à peine sortir de la cohabitation quotidienne avec son impressionnante galerie de personnages. Il en parle avec une rude tendresse, de ses préférés aux simples faire-valoir. "Ils commencent à sortir de ma tête", se plaint-il. Par simple osmose, il a transfusé dans certains ses angoisses et ses rêves. Le personnage bouleversé par une musaraigne les tripes à l'air, encore hargneuse au seuil de la mort, c'est aussi Pierre Pelot. Une agitation suspecte d'un de ses chats et Pelot se lève soudainement pour soustraire des pattes félines un lézard sauvé in extremis du carnage. Ouf. Il revient à C'est ainsi..., où les hommes meurent à coups de hache. La transition s'assume d'elle-même, Pelot ne transige pas avec ce qu'ont vécu les Vosgiens au XVII°. C'était ainsi. Explications.
- Pour la première fois, vous avez écrit un roman qui se situe dans votre région, les Vosges.
Depuis vingt ans, j'avais envie d'écrire sur les gens d'ici, sur le haut de la vallée de la Moselle. L'histoire de cette vallée est un énorme bouillonnement, avec des tremblements de terre, des catastrophes climatiques. J'ai mis le nez dans la guerre de Trente Ans. Elle a ravagé la Lorraine. A la fin, il ne restait plus que 30 % de ses habitants. A une vingtaine de kilomètres de chez moi, à Remiremont, il y avait une abbaye fondée au VII° siècle. Remiremont avait un statut particulier : l'abbaye ne dépendait pas des ducs de Lorraine, mais directement du pape. Les chanoinesses qui y vivaient, des dames nobles, ne menaient pas une vie austère. J'ai choisi l'une d'entre elles, Apolline d'Eaugrogne, comme colonne vertébrale. Et la relation passionnée de cette chanoinesse rebelle avec un gueux, Dolat, le fils de Clauda, condamnée au bûcher pour sorcellerie. J'ai étudié de très près les archives de l'abbaye. Dans la réalité, on a bien tenté d'envoûter l'abbesse Catherine de Lorraine, comme Apolline tente de le faire dans le roman.
- Le martyre de Clauda, qui accouchera de Dolat dans un cul-de-basse-fosse, est terrifiant. On brûlait pour rien en ce temps-là ?
On a vu des choses incroyables en Lorraine. Des filles de Bussang, un village de l'autre côté de la colline là-bas, ont été accusées de sorcellerie pour des peccadilles. On a même vu des mouches excommuniées pour avoir troublé l'office divin. Il régnait une drôle d'ambiance à cette époque-là, une ambiance de folie meurtrière. Nicolas Rémy, procureur général de Lorraine, s'est vanté d'avoir envoyé au bûcher 800 personnes entre 1580 et 1596.
- Votre roman ne dépasse pas un territoire de 20 kilomètres carrés. Mais il grouille de personnages, de métiers (charbonniers, froustiers, myneurs...), d'embuscades, de hordes meurtrières. Comment l'avez-vous construit ?
J'ai passé ma vie à raconter des histoires qui allaient de A à Z. Là, j'ai écrit sans savoir. Je pensais suivre l'histoire d'une famille sur quatre siècles, du début du XVII° jusqu'à maintenant. Je voulais démarrer quand Dolat enlève Apolline, pour fuir Remiremont. Mais l'histoire m'a échappé. Je me suis demandé d'où venaient ces deux personnages. Et je suis remonté encore plus tôt. L'histoire s'est imposée au fur et à mesure. Les personnages ont pris racine. Ont bouleversé mes premières fiches signalétiques.
- Les scènes sont parfois insoutenables : massacres, viols, supplices, pillages...
Oui. Beaucoup d'atrocités ont été commises pendant la guerre de Trente Ans. Comme les femmes qu'on obligeait à poser leurs seins sur le rebord d'un coffre, pour sauter ensuite dessus à pieds joints. Je ne l'ai pas inventé. Toutes ces brutalités, qui paraissent d'un autre âge, ont été pratiquées. Quand vous lisez James Carlos Blake, Cormac McCarthy, c'est pire que ça, c'est d'une sauvagerie hallucinante. L'influence de la drogue et de l'alcoll emmène leurs personnages au-delà de l'humain. J'ai vu les horreurs de la guerre à la télévision, au Kosovo, au Rwanda. Cela montre que ça n'a pas tellement changé. Les techniques évoluent. Mais je suis de plus en plus incommodé par le fait de la mort. Je la supporte moins. On vit une existence à pas comptés dans un monde de panique.
- Le "héros" de la période contemporaine est Lazare Grosdemange, un grand reporter, de retour à Saint-Maurice-sur-Moselle, dans son village natal - le vôtre aussi.
Je ne me suis pas identifié à lui. C'est un réchappé d'une crise cardiaque comme moi, mais c'est tout. Lazare est un révélateur. Les choses passent à travers lui, et il provoque des réactions en chaîne. Je lui ai attribué certaines choses de ma vie. Comme lui, j'ai un ancêtre bagnard qui s'appelait Victor. Dans la famille, il ne fallait pas en parler. Une tante avait mis la main sur une valise qui contenait ses lettres et les actes du procès. Condamné une première fois à cinq ans d'emprisonnement pour des bagarres, il a été relégué six mois à Nouméa pour récidive. Pour presque rien. C'est Jean Valjean. Il est devenu laitier en Nouvelle-Calédonie. Il a écrit à son fils, mais ma tante a tout brûlé pour respecter une promesse faite sur un lit de mort.
- C'est tout pour Lazare ?
Je l'ai aussi choisi comme le réceptacle d'un rêve que j'ai fait à plusieurs années d'intervalle. Il s'agit toujours du même lieu, ici (il balaie le jardin de la main, ndlr). C'est ma maison ; en même temps, l'architecture est différente. La terre est rouge. Quelqu'un est passé par là. Qui ? J'ai collé ce rêve sur le dos de Lazare.
- Vous vous êtes littéralement immergé dans le XVII° siècle.
Je ne me sens pas dépaysé au début du XVII°. C'est une balade dans le temps. Quand j'ai écrit Sous le vent du monde, ma saga préhistorique, j'y étais. C'est la moindre des choses quand on est écrivain, que cette faculté d'empathie. Aussi bien dans les lieux, la géographie, que dans la tête des gens. J'ai vécu plus de deux ans à cette époque-là. C'était très bizarre quand le téléphone sonnait à la maison.
- Vous ne vous contentez pas d'y vivre, vous écrivez comme on parlait en ce temps-là. Comment avez-vous pu restituer tout ce vocabulaire ?
C'est la novélisation du Pacte des loups qui m'a mis le pied à l'étrier. Dans Sous le vent du monde, j'avais inventé des langages préhistoriques. Mais avec le Pacte des loups, j'ai découvert la langue française au XVIII° siècle. C'est un trésor que j'ignorais : des mots fantastiques, avec une musique, un sens... Il existe des collections d'adverbes avec plein de significations différentes. A partir de la racine des mots, on en redécouvre l'emploi. J'ai travaillé avec un dictionnaire XVI°-XVII° et un bouquin de patois vosgien. J'étais comme un compagnon en train de faire un chef-d'œuvre. Avec ce livre-là, j'ai peut-être fini mon apprentissage.
11 septembre 2003. Olivier DELCROIX
Tête d'affiche
Le "roman Golem" de Pierre Pelot
De prime abord, l'ouvrage intimide : mille cent vingt pages pour une fresque hallucinée située en plein cœur des Vosges. Difficile à lire dans le métro. Impossible à transporter dans un porte-documents. Littéralement le plus gros roman de la rentrée.
Mais l'auteur s'appelle Pierre Pelot. Alors, on fait un effort. C'est ainsi que les hommes vivent oscille entre deux époques, la guerre de Trente Ans et le thriller contemporain. On s'attend à un va-et-vient fastidieux entre le XVII° siècle et notre bel aujourd'hui.
On hésite à s'engager. Mais la première phrase intrigue : "Flamboyante de lumière dans l'incandescence de l'été finissant, la baigneuse ne l'avait pas abandonné". Alors on plonge. Profond, profond. Les pages défilent. Gorgée de mots et d'expressions savoureuses, l'intrigue se ramifie comme un fin réseau d'artères et de veines. A chaque chapitre, le sang romanesque pulse de plus en plus fort dans ce corps narratif titanesque. Le "roman Golem" de Pelot prend vie. Son cœur bat, s'emballe, mais jamais ne s'enraye. Comme par la simple magie du verbe.
L'auteur de Sous le vent du monde ne manque pas de souffle, on le sait. Il nous en donne une preuve flamboyante avec ce nouveau livre dense, foisonnant, enchanteur, en continuelle expansion, où le lecteur finit par se laisser emporter par son rugueux lyrisme terrien.
Mais que nous conte donc Pelot qui mérite une telle amplitude ? Tout commence sous la neige. En décembre 1599, "à l'extrême bord du siècle", les instances religieuses de Remiremont s'apprêtent à juger une "ensorceleuse" nommée Clauda Colardot. Une douleur ne cesse cependant de "fourgonner la ventraille" de cette sorcière en gésine. Elle accouchera finalement d'un "fils baptisé Dolat, tombé au monde le poing en avant et sans un cri". De nos jours, à l'automne 1999, un journaliste grand voyageur nommé Lazare Favier, revient dans les Vosges sur les lieux de son enfance. Un accident lui a fait perdre la mémoire dans des circonstances troublantes qu'il cherche de toutes ses forces à éclaircir. Par des voies secrètes et souterraines, la quête de Lazare, revenu d'entre les morts après un triple infarctus, va croiser au-delà des siècles les aventures de Dolat, ce "fils du Diable".
Voilà pour l'intrigue. Bien sûr, C'est ainsi que les hommes vivent se lit comme un polar moyenâgeux terriblement efficace. Mais là n'est pas l'essentiel. Ce que nous réserve ce fécond polygraphe de Pelot, c'est plutôt une immersion totale dans son plaisir de la langue, cette glaise qu'il aime à malaxer jusqu'à lui donner souffle de vie. Car Pelot fait partie de ces enchanteurs littéraires qui ont la plume leste, imprégnée de mots délectables, de métaphores volcaniques comme "forgées à l'ancienne" sous l'enclume d'un ferronnier attentif et précis.
Fils d'un charpentier et d'une ouvrière à la filature de Saint-Maurice-sur-Moselle, Pierre Pelot a reçu l'amour du travail bien fait en héritage. En trente ans, il est devenu un authentique artisan des lettres. Sa pierre philosophale ? Parvenir à faire ressentir au lecteur tout ce qui se passe au cœur d'une scène. Jusqu'à en faire ressortir l'âpre poésie. Car l'auteur d'Elle qui ne sait pas dire je a retenu la leçon d'Eudora Welty, un de ses auteurs cultes.
Avec un enthousiasme évident, il sculpte minutieusement chaque description, étudie chaque détail d'une action pour nous y inclure. Le moindre baiser passionné semble alors s'étoffer de fluides, de sève et d'ardeur. Comme l'avait dit Aragon, auquel le titre de Pelot rend hommage, "Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Et leurs baisers au loin les suivent". Pelot livre un roman achevé. Son grand oeuvre ?
24 août 2003. Hubert PROLONGEAU
Pierre Pelot légende les siècles
Ce livre (1100 pages) est le plus gros de la rentrée littéraire. C'est aussi le plus volumineux de son auteur. Ce ne serait qu'anecdotique s'il n'était pas également à ses yeux le plus important d'une oeuvre prolixe, et si cette importance ne s'exprimait aussi par ce débordement. Depuis trente ans, Pierre Pelot écrit. Artisan obstiné, il a livré 150 romans au bas mot, oeuvrant dans tous les genres : polar, SF, roman traditionnel...
Au fil des oeuvres, l'ambition s'est affirmée : ainsi notre homme a-t-il donné il y a quelques années une fresque préhistorique en cinq volumes, Sous le vent du monde, fort admirée. Le style lui aussi s'est creusé, approfondi. La phrase est devenue plus complexe, plus riche, jouant avec le langage bien au-delà de ce qu'exige l'efficacité. Dans C'est ainsi que les hommes vivent, elle est ample, serpentine, envahissante parfois. Elle enfle, se gorge de mots comme une abeille de miel, laisse explorer ce suc avec un plaisir gourmand. Entrer dans cet univers demande quelques pages. Puis on s'y love avec un immense bonheur.
Le roman entremêle deux histoires qui vont s'unir à la fin. La première raconte la quête d'un journaliste, Lazare Grosdemange, revenu chez lui, dans les Vosges, après un accident cardiaque et en quête de l'identité de son grand père. La seconde, la plus longue, cœur véritable du livre, narre au début du XVII° siècle les aventures de Dolat, fils de sorciers, dont l'existence cernée par la folie culminera parmi les massacres de la guerre de Trente Ans. Passages souvent insoutenables, il faut prévenir le lecteur : rarement une telle violence, nullement fictionnelle hélas, aura ainsi été dépeinte.
Ces deux fils se tissent et s'entre-tissent pour écrire une épopée de la mémoire, cette mémoire que cherchent à retrouver tant Lazare que Dolat et qui est aussi celle d'un pays, les Vosges. La partie du livre qui nous plonge dans l'enfer des conflits religieux est écrite dans la langue du temps. Comme Robert Merle dans Fortune de France, mais avec un bonheur d'envoûtement encore supérieur, Pelot use des mots d'antan avec une jouissance palpable. La mise en perspective de cette tentative réussie avec la partie contemporaine nous fait toucher comment le langage, lui aussi, nous a faits. Elle nous entraîne au-delà de l'exotisme et du tour de force, aussi réel soit-il.
Mémoire et langage... On pourrait puiser dans la récente biographie de son auteur, victime du même accident cardiaque que son héros contemporain, le choix de cette interrogation, mais ce serait aussi réducteur. Et on se prend à retrouver dans une oeuvre aussi profuse que celle de Pelot, tant du côté des deux bouleversants héros de Ce soir les souris sont bleues que chez les homo sapiens de Sous le vent du monde, les bouts de fil qui qui ramènent à la pelote magique qu'est C'est ainsi que les hommes vivent. On attendait beaucoup de Pelot. Ce livre nous emmène encore au-delà. C'est ainsi que cet homme écrit. C'est ainsi qu'il nous faut le lire.
21-27 août 2003, p. 74. Jean-Louis EZINE
Portrait d'un chasseur d'histoires :
Pelot, roi du ballon
Ce voyageur imaginaire n'a jamais quitté sa vallée, au pied du ballon d'Alsace. C'est elle qui lui inspire aujourd'hui son plus extraordinaire roman, C'est ainsi que les hommes vivent...
On n'est pas sérieux quand on a 17 ans. A l'âge des folies rimbaldiennes, Pierre Grosdemange, fils d'un charpentier et d'une ouvrière des filatures, fit une sorte de fugue à l'envers : il s'échappa d'un centre d'apprentissage de Mulhouse et revint de sa propre autorité à Saint-Maurice-sur-Moselle, que ses parents prétendaient lui faire quitter, au moins le temps de décrocher un CAP de mécanique générale. Mais Petit Pierre ("Pelot" en vosgien) n'entendait rien aux discutables mystères qui font que les machines fonctionnent, et moins encore à ceux qui font qu'elles tombent en panne. On ne lui connaissait alors qu'une passion : la bande dessinée. Il serait Hergé ou rien. Avec le culot qu'autorise la jeunesse, il adressa même à son idole ses premières tentatives. Le père de Tintin en personne prit la peine de lui répondre. Tout Saint-Maurice fut mis au parfum et n'ignora bientôt plus rien du papal courrier en provenance du Vatican des bulles. En gros, Hergé, nonobstant le zèle de son jeune disciple à répandre la théologie de la ligne claire, lui conseillait de renoncer au plus vite au dessin, mais d'insister dans le scénario, le récit, l'écriture.
On ne peut pas dire que l'exhortation hergienne soit tombée dans l'oreille d'un sourd : dans les quarante années qui ont suivi, le dénommé Pierre Grosdemange, alias Pelot de son nom d'auteur, a publié la bagatelle de 185 livres dans tous les genres répertoriés de la littérature d'imagination : polar, science-fiction, conte pour enfants, aventure, fantastique, roman de mœurs, sans oublier les cinq volumes de son excursion préhistorique, Sous le vent du monde, la longue saga des premiers hommes rédigée sous le contrôle scientifique de son ami Yves Coppens, le découvreur de Lucy.
Ce gigantesque palmarès de raconteur d'histoires fait de Pelot un recordman, une curiosité schtroumpfique, un brasseur de fables, une façon de scieur de long des langages et des grammaires, un démiurge des encres lu dans dix-huit pays, lui qui n'a jamais quitté sa vallée. Car tous ses ouvrages, il les a écrits là, à Saint-Maurice-sur-Moselle, au pied du ballon d'Alsace, dans la carrière où, enfant, il construisait des cabanes et où il a fini par bâtir la maison où il voyage, plume en main, à travers les siècles et les continents.
"Où vont les histoires quand elles ne sont pas racontées ?", demandent les Indiens Cree d'Amérique. A l'évidence, elles vont chez Pelot. Elles s'entassent dans les coins, elles font des complots dans l'ombre, elles tentent de s'en faire remarquer. Mais Pelot n'est pas facile à séduire, avec sa barbe de forban, sa boucle à l'oreille droite, son tatouage de dragon à l'avant-bras gauche, sa casquette de base-balleur des Red Sky, les chats qui se disputent ses genoux et sa collection de boites de sardines qui le font ressembler à un marin rangé des ports.
Les histoires qu'on n'a pas encore racontées vont chez Pelot, les vertes comme les pas mûres, et la chose a fini par se savoir. Un jour, Christophe Lambert s'est même posé en hélicoptère à Saint-Maurice-sur-Moselle : il savait que dormait la suite de Highlander. Elle y dort encore. Gérard Krawczyk a eu plus de chance avec L'Été en pente douce : il est reparti d'ici avec le scénario d'un film réalisé en 1987 avec Pauline Lafont, Jacques Villeret et Jean-Pierre Bacri.
Comme habilleur d'histoires, Pelot s'interdit la confection et le prêt-à-porter. Il ne connaît que le sur-mesure. Par exemple, l'histoire que raconte son cent-quatre-vingt-sixième roman, C'est ainsi que les hommes vivent, a longtemps attendu qu'il se décide. Toute une vie. Toute sa vie. Celle qu'il a failli perdre à la Noël 1999 et dont il a rédigé l'épitaphe : "Ci-gît une victime du verbe gésir". Du Pelot dans le texte. La faute à un infarctus qui l'a fait renoncer au tabac et à la tronçonneuse. C'est le moment qu'a choisi pour se manifester cette vieille histoire qui rêvait de se faire raconter par Pelot. Celle du petit peuple de sa vallée, au temps des procès en sorcellerie et des querelles d'Allemands dont il fut le témoin ahuri et l'infatigable victime, tout au long du XVII° siècle. C'est l'histoire de Dolat, fils d'une paysanne condamnée et brûlée, qui découvre la vérité sur sa naissance : il a été recueilli par les religieuses de Remiremont et adopté par une demoiselle de haut lignage, Apolline, sa "marraine" qui deviendra sa maîtresse. Éloigné de l'abbaye, il se trouve avec sa belle impliqué dans les intrigues qui secouent le duché de Lorraine.
Pour l'ogre Pelot dont l'œuvre nombreuse balaie deux millions d'années de l'histoire de l'humanité, ce n'est semble-t-il qu'un jeu d'enfant de recomposer en virtuose ce sanglant épisode passé dans les manuels sous l'appellation générique de Guerre de Trente ans. Aussi, à l'enquête de Dolat sur ses origines, répond en chapitres alternés celle qu'un certain Grosdemange, personnage contemporain celui-là, entreprend lui aussi sur son passé à la suite d'un accident cardiaque qui l'a laissé amnésique. Quatre siècles séparent les deux héros, comme ils séparent les deux histoires, mais c'est comme si elles n'en formaient qu'une dans le tourbillon où Pelot entraîne son lecteur halluciné : Pelot est à la ligne bleue des Vosges ce que Faulkner était au Sud profond, et il nous donne avec C'est ainsi que les hommes vivent son chef-d'œuvre.
Vendredi 4 juillet 2003, p. 166. Jean-Maurice de MONTREMY
L'ours des Vosges
Depuis 1966, Pierre Pelot a publié près de cent quatre-vingts livres. De la préhistoire jusqu'à la science-fiction, tout le passionne. Il revient avec un roman de mille pages sur ses Vosges natales. Un drame sorcier alternant la guerre de Trente Ans et le monde d'aujourd'hui.
Pour le Dictionnaire de Jérôme Garcin (1988), Pierre Pelot se définissait ainsi : "Il ne sait rien faire d'autre qu'écrire des livres ; il n'a pas la barbe bien taillée, ni souvent les ongles propres ; il déteste passer à la télévision comme à la radio […] Tout cela l'emmerde. Il n'aime pas les "gens de la profession" […]. C'est une tête de cochon. Il n'aime pas les gens, sauf certains". Bref, un ours. Lequel n'aura guère quitté le périmètre vosgien.
Né à Saint-Maurice-sur-Moselle en 1945, Pierre Grosdemange n'en est jamais vraiment parti. C'est là qu'il vit avec sa femme, Irma, "connue sur les bancs de l'école et du catéchisme". C'est là qu'il écrit ses premiers essais d'écolier, titulaire du "certif" (1959). C'est là que, âgé de dix-huit ans, il se consacre aux textes, louant dès qu'il le peut une machine à écrire. Et c'est de là que nous sont venus quelque cent quatre-vingts livres depuis La Piste du Dakota paru chez Marabout, en 1966. Car Pierre Grodemange, dit Pelot, ne sait rien faire d'autre que lire, se documenter, imaginer. Fils d'un menuisier-charpentier et d'une ouvrière du textile, il fugua d'un centre d'apprentissage de Mulhouse pour revenir à Saint-Maurice. Ni l'électricité ni la mécanique générale ne le tentaient. En revanche, il aimait Hemingway, Caldwell, Camus, Cendrars, Gide, Giono, Steinbeck, Faulkner… Mais aussi Tintin, les Schtroumpfs, Astérix…
Curieusement - jusqu'à ce gigantesque roman, C'est ainsi que les hommes vivent - les Vosges n'occupaient pas une place importante dans son œuvre. Celle-ci brasse pourtant toutes les époques et tous les continents, y compris les époques à venir ou les continents disparus depuis la plus lointaine préhistoire. Sans doute s'agissait-il de reculer pour mieux sauter : nous sommes maintenant dans ces parages de Remiremont, ancien fief des ducs de Lorraine. Les paysages, les lacs, les sentiers, mais aussi les hommes, les femmes et leur "parler" font un retour en force.
Secrets de famille. Qu'on ne s'attende pas à un roman régional. Pierre Pelot a fait revivre le Rift africain vers - 1 700 000 ans aussi bien que la famille de Cochise ou que l'Australie de l'époque post-humaine. Il n'est pas du genre à faire bouillir la potée mosellane. Ce roman de mille pages s'inscrit au cœur de l'aventure européenne : celle de la guerre de Trente Ans aussi bien que celle du Kosovo, celle des procès de sorcellerie aussi bien que des remous du XXe siècle. On y trouve des personnages qui n'ont pas quitté leur arpent de terre et plongent dans la nuit des temps. On y croise de grands voyageurs, chargés de bruits ou d'images glanés aux quatre coins du monde. Et, partout, des secrets de famille.
La structure est simple. Vers la fin 1999, un homme revient dans ses Vosges natales après de longues tribulations. Un accident cardiaque a troublé sa mémoire. La porte de ses souvenirs semble gardée par une jeune fille troublante, une de ces fées des lacs ou des forêts, chères à la France de l'Est. Sans transition, le récit passe aussitôt à la fin 1599 : on arrête, on juge et on brûle une prétendue sorcière, victime de jalousies et malveillances. Avant son exécution, elle accouche dans des circonstances dramatiques - "c'est ainsi que les hommes vivent".
L'enfant est recueilli par des religieuses de Remiremont. Une très jeune fille de bonne famille devient sa marraine. Plus tard, ils s'aimeront. Ces amours avec la marraine se croisent de haute et basse politique. La grande guerre européenne fait rage. Elle se traduit, en Lorraine comme en Allemagne, par une sauvagerie dont Jacques Callot laissa des images frappantes. Chassé dans les marges (forêts, mines, etc…), le jeune homme perd lui aussi la mémoire. Il se réveille chef d'une bande de pillards…
Confrontés à l'oubli, comme aux figures magiques, l'homme du XVII° siècle et celui du XXI° siècle cherchent leur vérité sur le même territoire. Tous deux ont la même énergie. Ils se battent tous deux pour essayer de nommer ce qu'ils éprouvent, ce qui leur échappe, ce qu'ils attendent. Le récit - écrit en continu plus de deux années durant - porte l'empreinte de cette violence. Pierre Pelot y songeait depuis une décennie. Il en a mis au point les grandes lignes alors qu'il rédigeait les cinq volumes de l'épopée des premiers hommes (Sous le vent du monde, Denoël, 1997-2001). Le texte porte la marque de cette même lutte contre les éléments, contre la "bête", contre les mots. On comprend que son auteur ait eu quelques soucis cardiaques, comme l'un des personnages de C'est ainsi…
Pierre Pelot n'est pas pour autant un ours, ni une tête de cochon, quoi qu'il dise. Sa mère ne s'y trompait pas. C'est d'elle qu'il tient son pseudonyme : Pelot, c'est-à-dire "Pélot", Petit Pierre. Car Petit Pierre il fut, Petit Pierre il est resté, détestant la violence humaine, mais pas les hommes - encore moins les femmes. Le garçon qui aimait apprendre est devenu un dévoreur de documentation, un brasseur de langages, n'aimant rien tant qu'inventer des lexiques ou des grammaires (il en a conçu, notamment, pour ses livres préhistoriques). Sans doute, pour cette raison n'a-t-il pas besoin de voyager. " Les histoires, c'est la vie en dimanche tous les jours ", aime-t-il dire. Alors pourquoi chercher dimanche à quatorze heures quand on le trouve à sa porte ?
Far West. A quinze ans, par exemple, il était fou de bandes dessinées. Il voulait raconter avec des mots et avec des images - indissociables. Il apprit donc le dessin par correspondance (la fameuse méthode ABC, "si vous savez lire, vous savez dessiner"). Mécontent de son trait, il ne garda que la prose, mais conserva l'exigence. On le constate dans C'est ainsi… : les images sont dans chaque mot, et chaque livre voyage. Cet homme qui n'est jamais allé aux États-Unis connaît comme personne le Far West, la religion des Indiens ou la langue "interjective" des cow-boys. De même a-t-il recréé, pour C'est ainsi… le français de Lorraine, tel qu'il se parlait sur les hauts de la Moselle.
Après avoir rêvé d'émigrer ou de s'installer seul en Lozère, Pelot à fini par construire sa propre maison, "sur le lieu même de mes jeux d'enfance". Il en a dessiné les plans, et aménagé l'intérieur. Outre son énorme bibliothèque, il a ses livres, sa musique. Et son site Internet, où l'on trouve ses poèmes, ses humeurs, ses lectures, ses dessins ou peintures. Le nom vaut programme : "Pierre Pelot, le repaire". On y découvre que l'ours, bien souvent - comme ses nombreux chats - sait faire patte de velours.
Page créée le lundi 1er septembre 2003. |