C'est ainsi que les hommes vivent

 
 
  • Pierre Pelot
  • 2003 | 163ème roman publié
  •  
 
 

Revue de presse

Articles parus dans la presse régionale
L'Est républicain
, 20 septembre 2003. Rachel VALENTIN
La Liberté de l'Est
, 25 septembre 2003. Raymond PERRIN
Le Républicain lorrain
, 19 octobre 2003. Francis KOCHERT

Articles parus dans la presse nationale

 

L'Est républicain

20 septembre 2003. Rachel VALENTIN

Pelot l'enchanteur

Une feuille d'or pour l'auteur de C'est ainsi que les hommes vivent que ses lecteurs retrouvent aujourd'hui sur la place.

Nancy.- Terminés les discours, remise sa feuille tout en or de ginkgo biloba, "un arbre chinois, il doit y avoir un symbole", Pierre Pelot est happé par la foule. Une dame : "Je suis du Val d'Ajol ; comme vous, j'ai connu des petites gens". Un monsieur : "J'habite tout près de chez vous". Un autre "transmet des félicitations de la part d'un ami". Des mains se tendent. Un autographe est réclamé sur une carte postale... L'œil bienveillant, le mot gentil, l'écrivain vosgien traverse tout cela avec le sourire. Où est "la tête de cochon qui n'aime pas les gens sauf certains", selon sa propre définition ? Pure légende. Pierre Pelot est le plus sociable des hommes.

Le premier livre à 20 ans

Quelques minutes auparavant, fidèle à son image, barbe en bataille, cheveux grisonnants domestiqués par le catogan, il a joué devant le micro le jeu de la vérité, avoué qu'il avait pensé "traverser le moment avec légèreté", mais que c'est "foutu complètement". A cause de "l'émotion", des "belles choses" dites. Et il sait gré au jury de la Feuille d'or présidé par Françoise Rossinot, d'être "entré dans cette espèce de littérature sauvage que je pratique". Pierre Pelot, le Vosgien, a quitté hier sa vallée de la Moselle le temps de recevoir le prix "France Bleu Sud Lorraine, feuille d'or de la Ville de Nancy", pour son dernier ouvrage, C'est ainsi que les hommes vivent. 1100 pages, une somme qu'il a mis, dit-il, vingt ans à porter à maturation et deux ans non stop à écrire dans sa maison de Saint-Maurice-sur-Moselle, bâtie dans une carrière. "J'y allais jouer quand j'étais petit, pour moi c'était le Wyoming". Sorties le 25 août, les histoires bouillonnantes, au XVII° siècle, du fils d'une paysanne brûlée pour sorcellerie, de la chanoinesse qui le recueille et deviendra son amante, puis, quatre cents ans plus tard, du journaliste qui marchera sur leurs traces, font un tabac auprès des lecteurs. Et quotidiens et magazines tartinent page sur page sur l'homme des Vosges, qui jamais ne quitte son Saint-Maurice, que jamais ne voient les salons parisiens.

Lui, dans sa maison cocon, il écrit. Il est à ce jour à la tête de 180 ouvrages. Jeunesse, science-fiction, préhistoire, polar (L'Été en pente douce, qui a été adapté au cinéma, c'est lui). Ce fils d'ouvriers des tissages, sorti vite fait à 14 ans d'un centre d'apprentissage - "Je suis resté huit jours" -, ressorti aussi vite fait d'un garage - "Mécanicien, ça ne me disait rien" -, a été édité pour la première fois à 20 ans, en 1965. "C'était un western, dans la collection Marabout". Depuis, il a vécu de son écriture. Avec les aléas financiers du métier. "Je n'ai jamais été habitué à savoir ce que serait le lendemain à trois mois près".

C'est ainsi que les hommes vivent est son livre "le plus abouti", dit Pierre Pelot. Son regret : voir déjà les personnages qu'il aimait s'éloigner, "rentrer dans le livre". Sa consolation : savoir que les lecteurs les en sortiront. A partir d'aujourd'hui, il dédicace au Livre sur la Place. Après, il rentrera chez lui et se remettra au travail.

 

La Liberté de l'Est

Livres en liberté, n° 459, 25 septembre 2003. Raymond PERRIN

Dans le souffle de l'Histoire :
Pelot, tel qu'en lui-même son Grand Oeuvre le change

Envisagé depuis dix ans, interrompu par la saga Sous le vent du monde, écrit ces dernières années, l'ouvrage a connu une longue gestation. Cette fresque troublante et fascinante a longtemps virevolté au-dessus de Pelot, avant de se laisser apprivoiser.

Si les histoires se posent sur les romanciers méritants, le fait ne doit pas cacher la longue tâche de documentation, les moments de doute et d'angoisse, et le titanesque travail sémantique et linguistique, avant l'écrit.

C'est ainsi que les hommes vivent vaut plus que ses aperçus réducteurs. Roman "le plus épais" de la rentrée, ses 1100 pages mettent en parallèle deux histoires fort distinctes. Au début du XVIIe siècle, une paysanne lorraine, brûlée comme sorcière, a donné naissance à un garçon, Dolat, recueilli par les chanoinesses de Remiremont. Apolline d'Eaugrogne, issue de la haute noblesse, devient sa jeune "marraine". Élevés ensemble, ils vivront une relation passionnée mais Dolat quitte l'abbaye. Adopté, il devient l'apprenti d'un apiculteur. Dénoncée pour complot contre Catherine de Lorraine, contrainte de fuir, Apolline appelle Dolat à son secours. Les amants traqués se réfugient dans les forêts, au-dessus de Saint-Maurice. La Guerre de Trente ans les sépare...

"Désensevelis" de l'Histoire

En 1999, le journaliste reporter Lazare Grosdemange, rescapé d'une attaque cardiaque malmenant sa mémoire, troublée par le fantasme d'une baigneuse, revient à Saint-Maurice-sur-Moselle, où sa mère vient de mourir. Ce deuil le conduit à fouiller des archives et à entreprendre une vaste enquête historique sur les traces d'un ancêtre bagnard et sur la piste d'un trésor, lié autrefois à l'aventure de Dolat et d'Apolline.

Si le récit est aussi cette enquête sur des faits du XVIIe, l'essentiel est dans l'insertion de personnages originaux et surprenants, "désensevelis" de l'Histoire de la Lorraine où on les a toujours oubliés, et suivis dans leurs métamorphoses identitaires, aventureuses et douloureuses. Pelot, plus que jamais "raconteur d'histoires", développe deux trames parallèles évoluant dans l'univers des intrigues et des troubles du duché de Lorraine au XVIIe siècle et dans l'époque contemporaine, non moins exempte de turpitudes.

Ce livre conjugue les polygraphies mises peu à peu en oeuvre : en particulier, western, roman fantastique et roman noir, récit historique et œuvre de littérature générale…

Que ce récit étonnant par la tonalité de son écriture, le souffle de son style multiple, s'enracine dans la Lorraine et "la Comté" ne surprend pas. Il y a 30 ans que Pelot a choisi d'évoquer les paysages "en rondes bosses et pente douce" de sa région. Ses westerns au rythme haletant profitent à la description d'embuscades romanesques à souhait, de guet-apens et de combats duels. La saga Sous le vent du monde a convaincu que l'auteur peut entrer en empathie avec des personnages de l'Histoire.

Ici, il multiplie les points de vue dont certains sont plus distanciés. Parce que le romancier a plongé avec aisance dans les temps préhistoriques les plus reculés, les lecteurs ne peuvent s'autoriser à considérer ce voyage au long cours, surtout au cœur des années 1599 à 1638, pour une promenade "touristique". On sait que Pelot adopte ou adapte la langue d'une époque, allant jusqu'à créer une langue et une grammaire pour ses "paléofictions". La novélisation du film Le Pacte des loups, exercice de travail préparatoire, montrait aussi le glissement réussi dans une langue appropriée. Pelot marie aujourd'hui une langue ancienne volontiers désuète mais poétique, patoisante parfois, à une langue moderne, au rythme tel qu'il laisse le lecteur abasourdi et ravi par cette musicalité nouvelle et charmeuse.

Manants et roturiers…

Si Pelot s'est souvent inventé un double, grand reporter ou écrivain, en visite dans sa "vallée en étoile", il a rarement donné autant d'indices autobiographiques. Comme lui en 1999, Lazare Grosdemange vient de perdre sa mère et se remet d'un accident cardiaque. Curieux face à face que celui du baroudeur du globe et du romancier "voyageur immobile", qui se rit dans ses écrits des siècles et des continents, voire des galaxies ! L'écrivain n'a cessé d'écrire sa "saga des calamiteux" mais jamais il n'a été aussi proche de ceux qui le touchent depuis toujours. Les épisodes contemporains semblent d'habiles truchements pour lier les époques. L'évocation de l'abbaye de Remiremont, puis le déplacement de l'action aux limites de la Comté, de l'Alsace et de la Lorraine, donnent une assise historique et permettent la mise en perspective d'actions hautes en couleurs. L'essentiel est dans la résurrection des rescapés des guerres et des misères, en un temps proche de la plus noire des Apocalypses, même si l'on retrouve une autre constante : le choix de personnages minoritaires qui transgressent les règles et vivent aux marges d'une société qu'ils font d'habitude progresser, ce qui ne semble pas le cas ici. Ce sont tous les manants et roturiers, les forestiers défricheurs et "boquillons", les "myneurs" et les "charbounés", les vachers et les chevriers, sans compter la "crapaudaille" et les drilles emportés par la folie des guerres et des idéologies fanatiques, aussi mouvantes assassines. S'il ne veut pas être trop "chamboulé", le lecteur doit se souvenir d'indices annonciateurs de moments-clés, tels "l'odeur basse de la rivière" et plus encore "les senteurs de vase collée aux pierres découvertes". Tout est à craindre aussi quand la forêt, fatale au "maître des mouchettes", se fait soudain muette !

Ce Grand œuvre de Pelot à l'architecture audacieuse, arrive à son heure. Il est un des aboutissements d'une construction romanesque et d'une écriture quotidienne de 40 ans. Avant de livrer son ouvrage accompli et minutieusement ciselé au lecteur, l'artisan Pelot s'est frotté à bien des genres, depuis la B.D. envoyée à Hergé il y a juste 40 ans, jusqu'au scénario documentaire actuel sur la préhistoire. Rien d'étonnant que le lecteur sorte d'une telle fresque aux facettes multiples à la fois charmé et "esbaubi".

 

Le Républicain lorrain

19 octobre 2003. Francis KOCHERT

C'est ainsi que Pelot écrit...

Un pavé de 1 110 pages dans la mare littéraire de la rentrée ! Une fresque hallucinée de la guerre de Trente Ans signée Pierre Pelot. Avec C'est ainsi que les hommes vivent (Denoël), notre Vosgien livre son chef-d'œuvre...

Ne lui faites pas le coup du nombre d'arbres qu'il a fallu abattre pour fabriquer le papier de son pavé littéraire: Pelot aime viscéralement la forêt, il y est enraciné profond dans sa vallée vosgienne de Saint-Maurice-sur-Moselle, l'épicentre de son oeuvre de voyageur immobile, de romancier prolifique. Roman noir, SF, western, BD, Pierre Pelot a caressé abondamment tous les genres de la littérature dite populaire. Également auteur de théâtre, novelisateur de films à succès comme Le Pacte des loups, Pierrot nous a soufflés avec son grand chantier du Vent du Monde, une plongée ébouriffante en cinq volumes dans les profondeurs de notre proto-histoire, validée avec la complicité scientifique d'Yves Coppens. Le révélateur d'un formidable tempérament d'écrivain qui trouve aujourd'hui toute sa démesure avec C'est ainsi que les hommes vivent, une saga de 1 110 pages, véritable bras de fer littéraire où l'inspiration le dispute au panache.

"En regardant les images du Kosovo et d'ailleurs, je me disais que dans la sauvagerie, rien n'a changé, sauf les armes."

Dans la lumière rousse d'un automne apaisé, crinière filée d'argent, barbe rude de pirate, Pelot jubile. Critiques littéraires, photographes de presse défilent aux portes de son solide chalet pour rencontrer la bête curieuse de la rentrée littéraire. Après vingt ans de gestation, un méchant infarctus et deux années d'accouchement patient, Pierre a donné naissance à son projet le plus cher, son plus fou défi: raconter l'histoire des gens de sa vallée vosgienne, donner aux gueux, aux oubliés de l'histoire leurs lettres de noblesse. "Je voulais raconter la saga d'une famille et de ses descendants depuis les premiers siècles de notre ère jusqu'à nos jours. Mais cela aurait donné un bouquin un peu gros..." objecte-t-il, non sans humour. Avec le recul, il a préféré s'intéresser au début du XVIIe siècle, une période charnière et particulièrement noire, celle de la Guerre de Trente Ans, au cours que laquelle les deux tiers des habitants de Lorraine ont été décimés. "Une guerre pas facile, mais en regardant les images du Kosovo et d'ailleurs, je me disais que dans la sauvagerie, rien n'a changé, sauf les armes."

Paradoxalement, Pelot se défend d'avoir écrit un roman historique, régionaliste. Il l'appelle joliment "un humus de mémoire", une musicalité de l'histoire dans laquelle il s'est laissé embarquer au fil de la plume, de mots merveilleusement colorés puisés dans de vieux grimoires ou réinventés avec intuition. C'est ainsi que ses personnages ont pris leur propre envol. Un récit entrelardé d'une seconde histoire, contemporaine, celle de Lazare Grosdemange. Son double, au palpitant fragile, grand reporter parisien replongeant dans ses racines du Val de Moselle, des Mynes-Grandes.

Lecteur, ne sois pas rebuté par l'épaisseur de l'ouvrage. Prends ton temps. Des pages magnifiques et terrifiques t'attendent, d'une écriture nouée comme du vieux chêne, policée, travaillée par un orfèvre de la langue, du style, avec ses envolées lyriques, ses personnages au caractère taillé dans le grès vosgien. Tu n'es pas près d'oublier les cent pages hallucinées conduisant la "sorcière" Clauda au bûcher, ni le destin homérique de son fils Dolat, maître des mouchettes, "roulé par l'histoire" comme sa "marraine" Apolline d'Eaugrogne, devenue sa maîtresse - une histoire d'excessive passion - dans des paysages tragiques et beaux comme les gravures de Jacques Callot. Tout ici est rude, puissant, lyrique, gorgé de vie, exhalant un parfum de guerre et de sang, de soufre et de fureur, de beauté transfigurée, d'horreur et de sublime. Bref, un livre hanté, inoubliable!

Page créée le lundi 29 septembre 2003.