Messager des Tempêtes lointaines

 
 
  • Pierre Pelot
  • 1996 | 146ème roman publié
  • SF
 

Date et lieu

Dans quelques années, après le cataclysme atomique, dans les Territoires Fédérés, quelque part entre Bains-les-Bains et Metz....

Sujet

Une explosion catastrophique vient de se produire sur le chantier de réaménagement de Mos River Mount 3. Accident ? Ou manœuvre pour empêcher les Pénitents, un prolétariat maintenu dans l'ignorance de son passé, d'avoir accès à ce que les ruines mises au jour risquent de révéler sur l'Histoire Interdite ? Tandis que les autorités s'emploient à boucler le site, une lumière aveuglante en jaillit, suivie de la matérialisation d'un homme ayant l'apparence d'une image mal stabilisée. Amnésique, il sait seulement qu'il doit se rendre à Célesteville, la cité de Babar... Hallucination collective ? Ou s'agit-il de ce Sauveur dont les Pénitents attendent l'avènement ? S'engage une course-poursuite dont l'enjeu n'est rien moins que la conquête des étoiles... (4ème de couverture, 1996).

La petite histoire... Cet ouvrage rassemble les textes revus de trois épisodes d'un cycle initialement prévu au Fleuve Noir, sous les titres : L'homme au bord de la pluie, Ailleurs sous zéro, Naufragé de la foudre, qui sont repris comme titres de parties.

 

Éditions

Couverture de Caza.

  • 1ère édition, 1996
  • Paris : Denoël, avril 1996 [impr. : 04/1996].
  • 18 cm, 285 p.
  • Illustration : Philippe Caza (couverture).
  • (Présence du futur ; 566).
  • ISBN : 2-207-30567-8.
  • Prix : catégorie 5.
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    Messager des tempêtes lointaines.

  • 2ème édition, 2014
  • Paris : éditions Bragelonne, 13 octobre 2014.
  • (Bragelonne Classic).
  • Livre numérique.
  • 227 p.
  • ISBN : 978-2-8205-1804-0.
  • Prix : 2,99 €.
  • La Terre a subi un cataclysme atomique. Les vaincus, les Pénitents, doivent payer leurs fautes et travailler pour le gouvernement sur des chantiers. Ayant oublié leur passé, ils attendent avec espoir le Sauveur, celui qui les déliera de leurs pêchés. Alors quand une gigantesque explosion se produit sur le chantier où Marine travaille et qu’un individu en sort, elle pense tout de suite que l’heure est enfin venue… Sauf que l’homme en question a perdu la mémoire. Ils tenteront de retrouver des bribes de leur passé, luttant contre les autorités qui font tout pour l’enterrer.
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    Première page

    Où était Sandir, depuis trois jours ?

    A l'instant de l'explosion, Marine regardait les feuilles du bouleau par la fenêtre, et elle crut bien voir le souffle les traverser.

    Elle était couchée sur le lit, la tête au pied, en travers sur la couverture et les draps froissés. Dans cette position, elle ne voyait qu'un rectangle de ciel saupoudré de ces paillettes changeantes qu'étaient les feuilles du bouleau. Ordinairement, c'était une vision reposante. Ca lui mettait les idées à marée basse, avait-elle dit un jour à Binki qui était entrée dans la chambre sans frapper, l'avait trouvée dans cette position et avait poussé un cri en la croyant morte.

    Ce mercredi-là du milieu d'un mois de juin incertain et méchamment accoutré d'un vieux costume déjà porté par le mois de mai, Marine avait besoin de se calmer la tête, à marée basse.

     

    Revue de presse

    Magazine littéraire

    N° 344, juin 1996. Philippe CURVAL, page 92

    Pierre Pelot, qui nous avait abandonnés depuis quatre ans, revient à son genre préféré, avec Messager des tempêtes lointaines.

    "Né, et vivant toujours dans les Vosges", comme nous le rappelle le dos de couverture - et n'en sortant presque jamais, Pelot a eu le loisir de se construire un style en cent cinquante romans et vingt-cinq ans de SF. Messager des tempêtes lointaines n'y déroge pas. Dés les premières pages, le lecteur est saisi par son univers, ses personnages claustrés, broyés par une société qu'ils n'ont pas souhaitée. "Prolétaires de tous les étaux, unissez-vous, ici Pelot".

    C'est que, dans la réalité admise, il n'y a pas de place au soleil pour les Pénitents. Ceux-ci payent, de génération en génération, le prix des Conflits innommables et des Guerres enterrées. Ils travaillent à racheter leurs fautes dans les chantiers du gouvernement. Ici à Mos-River Mount 3, pour la Travel/Masson-Deval & Cie.

    Marine et son amie Binki font partie du lot. Elles rêvent des Sauveurs annoncés par le mystérieux groupe Mémoire/Memory. Jusqu'au jour où, perçant une galerie, une gigantesque explosion retentit. Les autorités ferment le site. Des gaz nocifs s'en échappent, prétendent-elles. Marine et Binki savent qu'il n'en est rien, que le gouvernement veut dissimuler les preuves du passé réel. La contestation s'organise. Jusqu'au jour où descend du ciel l'ange annoncé. Est-il matériel ? Marine le suppose qui s'enfuit avec lui. Mais ce dernier est amnésique. Commence alors la lente reconstruction de la vérité authentique. De même que la conquête des étoiles dans les siècles passés, celle-ci n'est-elle pas aussi une chimère ?

    Plus Pelot que jamais, ce roman s'inscrit dans la lignée de Delirium Circus et de Canyon Street. Oeuvres d'un chaleureux pessimisme dont l'influence s'exerce toujours sur la jeune science-fiction française.

     

    Bifrost

    Été 1996, n° 2. David SICé, pages 59-60

    C'est alors que la lumière s'intensifia au point de devenir une matière presque solide sur laquelle le moindre jet, le plus infime projectile eût rebondi avec un vrai tintement de cloche. La lumière envahit tout le ciel... Marine tomba à genoux. Une douleur jamais ressentie encore la traversa, passant par elle et se dissipant aussitôt... Les baraquements préfabriqués construits cinq heures à peine auparavant s'écroulaient parmi les silhouettes anonymes qui se hâtaient en tous sens...

    Une fois morte, Marine ouvrit les yeux. L'Étranger agenouillé auprès d'elle souriait pour la rassurer.

    Dans un futur où un pouvoir totalitaire ordonne de gigantesques travaux d'exploitation minière, puis organise le massacre des mineurs lorsque ceux-ci découvrent les reliques du passé, une jeune fille, qui croit avoir découvert le "Sauveur des Pénitents" (c'est-à-dire ceux qui luttent pour la mémoire du passé), entreprend de le guider jusqu'au lieu mythique qu'il prétend rejoindre.

    Oui, l'idée de fond est bonne. Non, le récit qu'en tire Pelot ne m'a pas passionné (mais peut-être qu'il vous passionnera, vous ?). La raison, en ce qui me concerne, tient au fait qu'une fois la trame tracée sur 60 à 90 pages, l'auteur se borne à meubler les quelques 200 restantes avec des intrigues secondaires filiformes, des personnages qui se contentent plus ou moins d'être là au bon (?) moment, puis de mourir dans leur coin, tandis que la cohérence générale de l'univers tressaute au gré des péripéties dramatiques. Il faut bien entendu relativiser. C'est bien écrit ; pour une fois on ne nous ressert pas la scène de sexe gratuite homo ou hétéro, histoire d'épicer l'indigeste saveur du reste de l'intrigue. Tout cela nous vaut un roman francophone moyen, mais puisque l'idée centrale est bonne, pourquoi pas y jeter un coup d'œil, même s'il est peu probable que vous conserviez de cette lecture un souvenir impérissable.

     

    Inter CDI

    N° 142. Juillet-août 1996. D. F., page 33

    Après un passage difficile où la Terre a été bouleversée par le cataclysme atomique et des guerres, les vaincus - qui sont devenus des citoyens de troisième zone - attendent un "messie" qui semble arriver sous la forme d'un être surgi de nulle part au milieu d'un chantier où l'on a redécouvert une poubelle nucléaire. Mais ce "messie" ne semble pas très à la hauteur de la situation…

    A partir d'un canevas qui ressemble à certains romans des années 60-70, Pierre Pelot développe une histoire originale avec rebondissements. Une technique de "vieux routier" et une maîtrise de l'écriture qui permettent un renouvellement du genre, hors des tartes à la crème du cyber-machin. Un roman qui devrait intéresser les élèves à partir de la seconde.

     

    Galaxies

    Décembre 1996, n° 3. Denis GUIOT, pages 143-145

    Dans une lointaine étude publiée dans le numéro 6 de la revue Argon (septembre 1975) et consacrée à l'œuvre SF de Pierre Pelot (à l'époque, essentiellement, une douzaine de Fleuve noir signés Suragne, deux romans jeunesse chez Hatier et une poignée de nouvelles dans Fiction), je soulignais la culpabilité omniprésente du héros suragnien :

    "Devant la réalité physique et mentale d'un monde qui se dégrade, d'un monde qui lui échappe et sur lequel il n'a aucune prise spirituelle ou physique, le héros suragnien se sent coupable d'exister ; responsable de tout - au sens sartrien du terme - mais impuissant à agir sur lui-même et sur le monde, il fuit, dans une quête sans fin et désespérée, à la recherche d'un Sauveur qui le sortira de sa nuit en prenant en charge sa culpabilité et l'aidera à réaliser sa Traversée pour le déposer sur les rivages de la Terre promise. L'archétype du Sauveur se parait des masques les plus divers - Kirja (Une autre terre), Niaok (La Septième saison), Horan (L'Enfant qui marchait sur le ciel), Dupondt (Le Dieu truqué), Zar (Une si profonde nuit), etc... -, mais à chaque fois le héros suragnien se retrouvait en bout de course, seul, face à cette vérité ultime : il n'y a pas d'autre Sauveur que soi..."

    Plus de vingt ans après, le thème n'a rien perdu de son importance pour l'auteur. Le peuple des Pénitents est coupable d'avoir, dans le passé, déclenché une guerre chimique qui a altéré la notion même de réalité. Privé de mémoire, écrasé par les autorités, il s'obstine à attendre un Sauveur qui l'absoudra de sa faute. Et un jour, dans un aveuglant éclair blanc, un être de lumière apparaît dans des ruines datant de l'"Histoire interdite"! Panique chez les autorités, qui décident le lock-out total en tuant tous les témoins. Est-ce le Sauveur ardemment espéré par les Pénitents ? Oui, puisque au sens propre du terme cet être mystérieux vient du Royaume des Cieux apporter la Terre promise. Mais il est amnésique... et, comme tous ses prédécesseurs dans l'œuvre de Pelot, il ne sera qu'un leurre.

    La petite musique pelotienne est toujours présente : écriture enveloppante, personnages paumés et broyés par le Système. Plutôt que de décrire précisément cette société future et de l'embrasser du regard, Pelot - comme à son habitude - privilégie le détail a priori sans signification et s'attarde aux errances de ses personnages, ce qui crée un effet de "flou", propre aux univers qui se délitent ou dérapent ("N'avez-vous pas l'impression désagréable que tout ce qui nous entoure est... faux ?", demande même le Gouverneur à Abey le journaliste), mais aussi parfois une absence de relief. Quant à l'impression de déjà vu, ne dit-on pas qu'un écrivain écrit le même livre toute sa vie ?

     

    L'Année de la fiction 1996

    Bibliographie critique courante de l'autre-littérature. Jean-Claude ALIZET, pages 238-239

    Une explosion s'est produite sur le chantier de Mos River que les autorités ont aussitôt interdit. Des armes chimiques dangereuses ont été mises à jour, dit-on. En réalité, il s'agit de vestiges qui risquent de remettre en cause "l'histoire" officielle et d'apporter des révélations sur "les Pénitents", une partie de l'humanité que l'on utilise comme prolétariat car ils sont les descendants de ceux qui ont failli détruire la Terre.

    Marine, vingt ans, franchit le fuit avec lui. S'agit-il du Sauveur que les Pénitents attendent ? L'homme ne peut répondre. Amnésique, il sait seulement qu'il doit se rendre à Célesteville. Ils parviennent à échapper à la Sécurité qui les traque et, par bribes, la vérité va surgir dans l'esprit de "l'étranger" : il fait partie de ces hommes et femmes dont les clones magnétiques ont été envoyés à la conquête des étoiles depuis la base de Célesteville. Tous ces êtres refluent à présent vers la Terre et vont favoriser la révolte parmi les pénitents que les autorités ont du mal à contenir...

    Ce retour à la SF est aussi pour Pelot un retour aux sources, lorsqu'il écrivait pour Anticipation (Fleuve Noir) des romans signés Pierre Suragne, qui tranchaient sur le reste de la collection. On songe à Mais si les papillons trichent ( N° 612, 1974) ou Vendredi par exemple (N° 695, 1975) pour n'en citer que deux : même thématique de la manipulation, mêmes personnages broyés par la société, même technique romanesque de la vérité révélée par bribes. Cependant le récit, malgré l'ambiance sombre et étrange, ne parvient pas à accrocher totalement le lecteur et se déroule de façon mécanique jusqu'a une fin (trop) ouverte.. A lire, pour renouer avec un auteur chaleureux et authentique.

     

     

    30 juin 2004. Raymond PERRIN

    Où est le "salut", dans l'Histoire interdite d'un monde falsifié ?

    Avec Messager des tempêtes lointaines, Pelot revient sur le thème, fort complexe, voire ambigu, de l'illusion messianique, déjà traité dans les "Suragne", tels que Mais si les papillons trichent et Le Dieu truqué, en l'enrichissant d'éléments concrets troublants. Riche en péripéties et en énigmes déroutantes et trompeuses pour un esprit accroché au rationnel, l'intrigue est difficile à résumer !

    Une jeune fille, Marine, après avoir perçu une explosion sur un chantier de ruines fermé et interdit aux "Pénitents", se rend devant les lieux bouclés où l'on évoque l'Histoire interdite et la mémoire amputée et même "cette espèce de sauveur qui tomberait des étoiles". La foule se heurte aux "Surveillants de Travail" et aux soldats de sécurité prêts à tirer.

    Le gouverneur, membre du "Gouvernement de la Réalité Admise", politicien ambitieux et arriviste, se décharge sur sa secrétaire Nortysmitty de l'envoi de troupes. Des témoins sont éliminés et l'on fait croire à la découverte d'un ancien dépôt de matériel chimique des armées maudites.

    Au moment où Marine est revenue sur le site, une explosion de lumière jaillit et un "Étranger", surgi du flux lumineux, se retrouve devant elle. Le grillage électrifié franchi, il s'enfuit avec elle quand elle s'empare d'un véhicule ! L'homme, amnésique, recherche quelqu'un et dit se souvenir de "Célesteville". Le gouverneur trouve un coupable idéal dans le groupe "Memory/Mémoire" et visite le chantier où des responsables ont disparu. Après de nombreuses péripéties : attaques dans une station-service, sur le parking d'un supermarché ou à l'intérieur d'un magasin… Marine et l'homme en quête d'identité sont poursuivis par un commando chargé de les éliminer. Se peut-il qu'il soit le sauveur attendu ? Qu'adviendra-t-il lorsque le Gouverneur, de plus en plus déstabilisé et obsédé par le désir de rencontrer sa maîtresse, aura révélé que les Pénitents avaient trouvé le moyen de s'élancer vers les étoiles au temps où les peuples étaient unis dans l'Union des Croyants en un Dieu Unique ?

    Qui sont ces des personnages nus qui attendent derrière un mur du site que quelqu'un leur adresse le code de non-agression ?

    Au départ, le lecteur se demande s'il est emmené dans un récit purement fantastique, voire mystique. En effet, le Sauveur semble avoir débarqué sur la Terre au milieu d'une lumière fantastique, même s'il se concrétise sous l'allure d'un Étranger sans passé.

    Il faudra beaucoup de patience au lecteur avant de découvrir qu'il s'agit d'un double "holo", du clone électromagnétique d'un pionnier venu trop tard, semble-t-il, pour échanger la personne réelle de la femme qu'il aime contre son double.

    Autre thème intéressant, celui de l'Histoire interdite, de la mémoire amputée, falsifiée, pour le peuple des Pénitents, accusé d'avoir raté le voyage vers les étoiles. Le gouvernement de la "Réalité Admise" est une caricature réussie et cocasse. Alors qu'il élimine tout sujet ayant eu accès à des données considérées comme erronées ou hérétiques et qu'il est censé symboliser la " réalité ", il perd peu à peu les pédales, s'enfonce de plus en plus dans ses fantasmes et fuit un réel de plus en plus insupportable.

    Chacun, à son niveau, est piégé, "couillonné", voire éliminé avant même d'avoir réuni les pièces du puzzle qui constituerait une réalité probante à laquelle tout individu espérait se raccrocher.

    Page créée le dimanche 16 novembre 2003.