Fleuve Noir Informations
1974
Éric Verteuil écrit des deux mains
Il faut reconnaître qu'Éric Verteuil peut le faire facilement. En effet, sous ce pseudonyme se cachent deux auteurs : Alain Bernier et Roger Maridat ! Ils ont déjà écrit, sous leur véritable nom, de nombreuses pièces diffusées par l'ORTF, une centaine de nouvelles publiées dans de nombreux magazines, une pièce de théâtre, La Grande Berline, qui s'est jouée 150 fois à Paris et qui va sortir à Tokyo. Enfin, ils ont eu en 1972 le Prix Gaulois pour Les Ineffables de La Fontaine. Nous nous sommes amusés à poser des questions à Éric Verteuil.
- Éric Verteuil, comment travaillez-vous ?
- C'est bien simple. Le mieux est que je prenne un exemple. Pour Au bout... la mort que publie la collection Angoisse, nous avons imaginé une histoire diabolique, puis l'un d'entre nous (Alain Bernier) a écrit un premier jet, ensuite l'autre (Roger Maridat) a discuté, coupé, modifié. Quand l'unanimité a été faite, la version définitive est partie au Fleuve Noir.
- Éric Verteuil, quel est votre passe-temps favori ?
- Les voyages ! Et les deux compères qui se cachent sous mon nom ont visité d'innombrables pays autour du monde. La palme : Tahiti pour le rêve, le farniente ; le Pérou pour les paysages prodigieux des Andes (Machu Picchu, quelle merveille), les souvenirs de la civilisation inca et préincaïque, ainsi que les Ouros qui vivent sur des îles flottantes.
- Éric Verteuil, travaillez-vous beaucoup ?
- A certaines époques, 26 heures par jour ! Eh oui, 13 heures par personne.
- Sortez-vous beaucoup ?
- Oui, j'adore le théâtre, le cinéma (les films d'angoisse, bien sûr, et les comédies burlesques).
- Quand avez-vous commencé à écrire ?
- Là, il y a une différence. A sept ans pour l'un : une nouvelle de quelques lignes avec un trésor ; à trente ans pour l'autre.
- Quels sont vos défauts ?
- La gourmandise pour les deux, la crédulité pour l'un, l'incrédulité pour l'autre, et cela complique les choses !
- Quels sont vos projets ?
- Avoir beaucoup de romans au Fleuve Noir !
Nous quittons Éric Verteuil qui, suivant que l'on tourne la tête à droite ou à gauche, est grand blond ou petit brun !
Nice Matin
18 août 1987. Jean-Marc TARDY
Voyage au pays macabre du "gore"
Éric Verteuil : l'un écrit, l'autre aussi
A la différence de Boileau-Narcejac, Éric Verteuil signe seul les nombreux "polars" qui paraissent dans la collection Spécial Police du Fleuve Noir. Un pseudo qui dissimule deux personnalités contrastées unies dans l'écriture depuis trente-sept ans. Récemment, Alain Bernier et Roger Maridat ont décidé une incursion dans le "gore", genre en pleine expansion qui mêle horreur, sang et sexualité. Une étonnante conversion.
L'hiver à Paris, l'été à Èze : Alain et Roger, alias Éric Verteuil ne peuvent plus se passer de la Côte d'Azur où sont d'ailleurs nés quelques-uns de leurs "enfants". Notamment, Le Drame au Camélia qui évoque dès la première page la silhouette kitsch et luxueuse du casino de Beaulieu-sur-Mer.
Des années de succès au Fleuve Noir n'ont entamé ni leur enthousiasme, ni une certaine juvénilité dans leur façon de concevoir des personnages cernés par le destin. Jusque-là, Éric Verteuil proposait à ses lecteurs des intrigues intelligemment conçues, des dialogues souvent drôles et des retournements de dernière minute dans la grande tradition du polar classique : "On peut facilement parler de policier de sofa ou de salon", commente Roger, le plus cartésien de ce couple littéraire.
Autant dire que leur récente initiation au "gore" n'a pas seulement surpris leur entourage et leurs lecteurs habituels : "Jamais je n'y aurais pensé il y a seulement quelques années, souligne Alain. Je ne supporte pas la vue du sang et je suis facilement terrorisé par les situations que nous avons explorées à l'occasion de cette première expérience".
Une expérience d'autant plus intéressante qu'elle coupe le "gore" de son aspect uniquement sanglant : Éric Verteuil n'a pu s'empêcher dans Horreur à Maldoror de glisser ses obsessions d'écrivain policier. Les motivations psychologiques côtoient des descriptions cliniques gratinées qui soulèveront le cœur des plus accrochés. Mais les personnages y acquièrent une consistance inhabituelle dans l'univers macabre du "gore".
"Daniel Riche, notre directeur de collection, souligne Éric Verteuil en stéréo, a deux principes : ne jamais mettre en scène des enfants ou des animaux, ne jamais écrire au présent". Deux conditions dictées par l'éthique et le souci de ne pas franchir les frontières de l'intolérable. Car le "gore" qui attire une clientèle importante dans les kiosques et les maisons de la presse est en passe de conquérir ses lettres de noblesse en devenant un genre à part entière chez les éditeurs spécialisés dans la littérature policière et parapolicière. "Pour autant, poursuit Éric Verteuil, il est hors de question de nous spécialiser dans l'horreur et ses dérivés. Nous avons beaucoup d'autres projets".
Impensable pour Alain et Roger de renoncer à leurs intrigues qui prennent parfois des allures de feuilleton, comme les aventures de ce chien policier publiées dans un périodique : "Nous nous sommes inspirés de Tarzan (devenu Zan), un berger malinois que nous aimions beaucoup et qui est mort. Nous nous sommes glissés dans sa peau et toutes les descriptions sont uniquement réalisées à partir du regard de l'animal".
Une technique que ces deux complices du suspense perfectionnent au fil des ans : Alain écrit les premiers jets, laisse courir sa plume tous les jours que Dieu fait, quelles que soient les conditions météo au dehors. "C'est le créatif des deux, commente Roger. J'attends pour ma part que tout soit fini pour faire la chasse aux facilités d'écriture, aux clichés ou aux invraisemblances, avant de proposer une seconde version". Eric Verteuil prône l'exigence. Dans un genre qui manque parfois de rigueur, cet auteur ne se contente pas d'à-peu-près.
Quant à Alain et Roger, ils n'ont pas connu une heure d'ennui en trente-sept années de collaboration romanesque qui les a même conduits à signer un livret d'opéra. A peine ont-ils mis le point final à une histoire que la suivante encombre déjà leur imagination. Un excellent remède contre les longues soirées d'hiver et l'indigence des programme TV.
Presse Océan
25 juillet 2007. Lucie BEAUPERIN
Bernier et Maridat, duo d'auteurs
pour le meilleur et pour l'intrigue
Bernier et Maridat. Les lecteurs de notre roman feuilleton de l'été reconnaîtront cette paire de noms. Le duo d'écrivains vit depuis 40 ans à La Baule où se passe l'intrigue de La Peur au soleil.
La Baule, Alain Bernier et Roger Maridat y passent la moitié de l'année. Au point qu'ils ont choisi d'y implanter l'intrigue de leur dernier roman La Peur au soleil, que Presse Océan dévoile quotidiennement depuis le début de l'été.
Comme ils l'expliquent, "nos lecteurs de l'Ouest aiment bien se retrouver chez eux". Alors Carine, l'héroïne, étudie à La Baule. Les références locales sont nombreuses : une boutique avenue Pavie, une villa bauloise, les niniches de Manuel, etc. Dans ce décor de rêve, elle se retrouve confrontée à... un crime.
D'abord un plaisir
Rien ne prédestinait Alain et Roger à être lus tous les jours. Avant sa retraite, Alain assurait les relations publiques du groupe Unilever (qui possède notamment Signal et Skip). Roger gérait les finances du même groupe. Et la littérature ? Depuis 50 ans qu'ils travaillent ensemble, ces deux-là se targuent d'une production parallèle dense. Des pièces radiophoniques écrites dans les années 60, ils sont passés aux nouvelles pour la presse.
Esprits retors, passez votre chemin. Il ne sera jamais question d'affaires sombres dans les romans de Bernier et Maridat. "Comment voulez-vous qu'on décrive les truands alors qu'on ne connaît que du beau monde !" Les lèvres d'Alain dessinent un sourire. Nos deux acolytes ont bien connu Ange Bastiani, qui écrivait sur la mafia corse "parce qu'il avait travaillé avec elle".
Résumons. Avec des personnages inspirés de la réalité mais propres sur eux, "notre objectif, c'est que le lecteur passe un bon moment. On fait en sorte qu'il soit pris au jeu et qu'il ait envie d'arriver à la fin". Un critère qui a fait que le rédacteur en chef adjoint du groupe Ouest* a choisi il y a cinq ans leur premier roman. Cette collaboration se chiffre aujourd'hui à sept feuilletons, parmi lesquels Sous les ombrelles de la Riviera, Meurtre en promotion ou En passant sous la haie.
Duo complice
Gare aux sentiers battus car nos compères se plaisent à les délaisser. Tant qu'il s'agit de surprendre le lecteur : "Parfois, on se fait même piéger par nos propres personnages tant ils peuvent tous être des criminels potentiels !" Réponse en octobre pour la dernière parution du feuilleton.
En attendant, du haut de sa terrasse avec vue sur mer, ce duo atypique continue d'écrire. Alain imagine et produit. "Ca fuse tout le temps, c'est épuisant", plaisante Roger. Lui calme le jeu et réalise des coupes franches. "Le type un peu chiant, c'est moi". "Quelquefois, c'est même irritant d'être cartésien à ce point", lui rétorque Alain. Derrière l'échange transparaît surtout une extraordinaire complicité. Qui leur a permis d'écrire un jour, pour le meilleur et pour le pire.
* Ce feuilletonn paraît aussi tous les jours dans Le Courrier de l'Ouest, Vendée Matin et Le Maine Libre.
Page créée le mardi 30 décembre 2003. |