Le Présent du fou

 
 
 

Date et lieu

En 1990 ou en 2045 ? Entre Albi et Padirac...

Sujet

Un jour de décembre 1990, l'homme est sorti du brouillard, prés de la maison sur le causse. Il a fait quelques pas, il est tombé.

C'est ainsi que l'enfant l'a recueilli. C'est ainsi que la mère de l'enfant l'a soigné. Il disait qu'il était un Raconteur. Et que le temps présent est un mensonge… (4ème de couverture, 1990).

 

Éditions

Couverture de Vatine.

  • 1ère édition, 1990
  • Paris : Fleuve Noir, janvier 1990 [impr. : 12/1989].
  • 18 cm, 180 p.
  • Illustration : Vatine (couverture), (intérieures).
  • (Anticipation ; 1732).
  • ISBN : 2-265-04264-1.
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    Première page

    L'homme s'immobilisa enfin.

    Non pas d'un seul coup, mais comme si l'élan de la marche était plus fort que sa volonté, le poussant en avant pour quelques dizaines de mètres encore après qu'il eut décidé de s'arrêter. Comme une mécanique au ressort d'acier détendu, se mouvant bravement jusqu'à son dernier soubresaut. Il y avait effectivement quelque chose d'une machine dans son allure - mais pas dans les yeux, pas dans l'expression qui creusait durement (pour ne pas dire ravageait) ses traits. Car une machine n'exprime rien, et certainement pas cet au-delà de la fatigue qui, plus qu'un visage, pétrissait un masque à l'homme aux cheveux longs. Une machine exprime encore moins la peur.

    Il avait commencé de ralentir (le ressort de son mécanisme déroulant son ultime spirale) alors qu'il se trouvait à l'autre bout du pré, après avoir crevé la bordure sauvage des halliers aux teintes floues et vineuses, apparaissant parmi les broussailles déplumées par l'hiver comme si on l'y avait poussé brutalement. Il parcourut donc encore, sur sa lancée, vingt ou trente mètres. Ses derniers pas semblaient ne plus lui appartenir, suçant le souvenir d'une énergie envolée (comme quand on s'obstine à aspirer deux ou trois coups au chalumeau, dans le fond d'un verre vide) ; leur trace, dans la fine et vieille couche de neige recouvrant le tapis moelleux d'herbes non fauchées depuis des années, laissait de longues traînées noirâtres.

    Il se trouvait maintenant à une quinzaine de pas en contrebas du chemin. Un chemin de pierres concassées et tassées… ou encore de terre lisse… ou bien une vraie route au revêtement d'asphalte. Ce pouvait être l'un ou l'autre : difficile de savoir et de dire ce qui se cachait sous les trois centimètres de neige vierge. En tout cas, personne n'était passé là depuis au moins un jour - la neige était suffisamment gelée pour dater de la veille. Pas une empreinte. Ni voiture ni piéton allant ou venant du hameau. Personne.

    Et lui non plus, pas plus que quiconque n'avait emprunté cette voie.

     

    Revue de presse

    La Liberté de l'Est

    15 janvier 1991 (La Liberté des livres). Raymond PERRIN

    Après les Hommes sans futur - 6 volumes parus en Presses Pocket -, les 3 tomes de Chromagnon Z et les 5 parties de La Ballade (hélas inachevée) de Tony Burden, Pelot publie sa troisième série au Fleuve Noir Anticipation.

    Il se passe de curieux événements dans le gouffre de Padirac au cours de cette année 1990 qui pourrait bien cacher une autre réalité temporelle.

    Le temps est devenu aussi truqué que les décors du parc d'attractions pour Forains au bord du gouffre. Une jeune femme, Alice, après avoir secouru un "raconteur" qui lui a passé un étrange "relais", part à la recherche de son mari, disparu sans raison. Elle est accompagnée de son petit garçon, Lou-Gaël. Prête à tout, elle s'enfonce courageusement dans Le Ciel sous la pierre.

    "Échappée de la surface", elle est traquée par ceux-là mêmes qu'elle croyait pouvoir considérer comme des alliés. Les Faucheurs du temps parviendront-ils à masquer l'insoutenable vérité... s'il en existe encore une !

    On retrouve l'être pelotien, manipulé, errant dans un monde mensonger, dérapant entre deux époques pour masquer le chaos. Mais la solidarité, la tendresse, la volonté de vivre demeurent possibles même dans les univers factices d'un temps désarticulé.

     

    L'Année de la fiction 1990

    Polar, S.-F., fantastique, espionnage. Amiens, (1991), Jean-Claude ALIZET, pages 260-261

    Alice vit avec son fils Lou-Gaël, huit ans, dans une ferme isolée du Quercy. Claude, le compagnon, le père, est parti un matin, quatre ans auparavant, sans crier gare. Depuis, on l'attend avec la certitude qu'il reviendra un jour; et Lou-Gaël est souvent perché dans le pigeonnier à scruter l'horizon.

    Un soir, il aperçoit un homme qui se traîne jusqu'à la ferme. L'espoir le submerge, mais il ne s'agit que d'un vagabond, épuisé, affamé et blessé d'un sale coup de couteau au ventre. Il dit s'appeler Éthan et fait à Alice de surprenantes révélations. C'est un Raconteur et il possède, avec quelques autres, une parcelle d'un terrible secret : l'année 1990 du temps présent n'est qu'un mensonge, une falsification. La véritable date est 2045.

    Qui est responsable de cette duperie ? Pourquoi cette amnésie planétaire ? Éthan l'ignore, mais il a choisi de lutter et de réveiller ceux qui dorment dans un temps truqué. Pour cela, il a en sa possession une drogue, la Mémoire ouverte, qui stimule la mémoire et permet à certains de franchir le blocage du demi-siècle d'amnésie.

    Éthan a rencontré une jeune fille, Lora, qu'il a voulu initier à la drogue temporelle ; mais, déjà affaiblie par la Maladie qui couvait en elle (cette épidémie qui décime l'humanité et que personne n'ose nommer), Lora n'a pas supporté la dose de Mémoire ouverte et est morte.

    Jérémie, le frère de Lora, a poignardé Éthan qui s'est enfui. La blessure est grave et Alice voudrait aller chercher un médecin, mais Éthan refuse. Il veut partir pour se rendre à Padirac où, selon lui, se trouvent, cachées sous terre, des preuves de ce qu'il affirme.

    Mais Éthan n'ira pas bien loin ; Jérémie et ses amis, qui étaient à sa poursuite, le retrouvent et il succombe à sa blessure en tentant de fuir. Avant de mourir, il a pu donner une fiole contenant la drogue à Alice qui se demande désormais si l'homme n'était qu'"un pauvre fou".

    Voilà une intrigue à base de simulacre temporel plutôt stimulante. Un inconvénient cependant : Pelot s'en tient à cette amorce SF sans la développer en profondeur, comme s'il ne s'agissait que de l'accessoire. Par contre, il se délecte de scènes quotidiennes et d'analyses psychologiques qui auraient leur place dans un roman de littérature générale (la jalousie d'un gamin, la solitude d'une femme, la fuite d'un homme) et cède à la tentation de longues descriptions, celles des pièces de la ferme ou de la clarté d'une lampe de chevet, par exemple.

    Pelot est passé maître dans l'art de rendre palpable un climat, et l'atmosphère de lourde tristesse et d'inquiétude informulée qui pèsent sur le causse enneigé, ne manque pas de densité. Cependant, cette immobilité est, bien entendu, frustrante pour le lecteur qui attend quelque accélération ou quelque rebondissement dans un récit à l'écriture lourde, aux phrases longues et redondantes.

    Pelot s'était déjà essayé à cette platitude esthétique dans sa précédente série en Anticipation, qui date de 1987 : La Ballade de Tony Burden (FN-A 1482, 1495, 1553 & 1565). Le thème en était aussi la mémoire trafiquée, mais elle resta inachevée puisque le titre de conclusion, annoncé, Dernier couplet, ne parut jamais. Avec Les Raconteurs de nulle part, qui compte quatre tomes, Pelot est allé jusqu'au bout et, malgré sa pesanteur, cette introduction remplit son rôle : titiller la curiosité du lecteur .

     

    Page créée le mercredi 5 novembre 2003.