Debout dans le tonnerre

 
 
  • Pierre Pelot
  • 2017 |180ème roman publié
 

Date et lieu

1778, sur les bords du Mississippi.

Sujet

Au cœur des années troubles de la guerre d’indépendance des États-Unis, la rousse Emmeline retrouve le journal de sa grand-mère, née en Vieille France. Elle y découvre la terrible histoire de Magnolias, la plantation de cannes à sucre où elle a grandi. Fille farouche, au sang bouillonnant de son ancêtre, la chevrière vosgienne, Emmeline se lance alors dans une quête de mémoire sur ses origines, celles de M. Forestier, son tuteur, et de la Grande Maison dans les entours du delta et des bayous. C’est aussi le récit de la soif de vivre de cette adolescente flamboyante, de son amour ardent pour Vicente Ruz de la Torre, jusqu’au tonnerre final dans la foudre et les flammes, s’abattant sur ce coin de Louisiane dont Dieu a détourné les yeux.

Porté par une langue foisonnante et métissée, Pierre Pelot nous entraîne dans une épopée envoûtante où la vengeance ne cessera de changer de camp, et où les secrets ne restent jamais longtemps ensevelis. (4ème de couverture, 2013).

 

La petite histoire... Ce roman s'inscrit dans la lignée, sans en être une suite, de L'Ombre des Voyageuses.

 

Éditions

Debout dans le tonnerre.

  • 1ère édition, 2017
  • Paris : Editions Héloïse d'Ormesson, octobre 2017.
  • 544 p. ; 22 cm.
  • Illustrations : Garry Simpson/Gallery Stock (couverture).
  • Collection : .
  • ISBN : 978-2-35087-425-8.
  • Prix : 24,00 €.
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    Première page

    Dans leur dos le soleil s’écrasait sur les crêtes méandreuses des forêts, au-delà de la Grande Rivière Saint-Louis – également appelée Mississippi.

    Elles venaient de loin, haut sur la rive est du fleuve, halées eût-on dit par l’élan sans fin déployé des eaux brunes, d’un endroit qui ne portait plus son nom premier sinon pour un nombre réduit de gens, et si ce nombre avait été paravant important, il était désormais descendu dessous celui des morts ayant connu le lieu, ceux qui y avaient vécu à un moment, fût-ce un instant écorché dans le lit du temps, ceux qui n’avaient fait qu’y passer sans véritablement s’y attarder, et puis ceux qui en avaient perdu jusqu’au moindre relent de souvenance suivies d’autres routes promptement prises dans une hâte égale à celle d’oublier.

    Elles marchaient, leur allure ajustée au déroulé ininterrompu des fronces et plissés du courant boueux.

    Deux femmes blanches.

    Depuis plusieurs jours et nuits, plutôt de nuit et plutôt au revers des chemins et des pistes que sur leur dos franc, marchant. Elles n’avaient pris le fleuve qu’à deux occasions, une première sur une sorte de radeau de troncs trouvé en délaissement au talus de la berge et qui s’était disloqué sous leur agenouillement racrapoté moins d’un mile anglais plus bas, la seconde fois dans une barque à fond plat manoeuvrée à la perche par un nègre efflanqué, que sa présence solitaire faisait paraître telle une excroissance incongrue à peine vivante dans l’épaisseur étranglée du paysage végétal, « vêtu » d’une malheureuse chemise trouée de toutes parts, couverte de vase séchée, sans même un caleçon, et qui tremblait tellement d’effroi après les avoir laissées monter à son bord (n’avoir pas pu les en empêcher) qu’il en avait presque aussitôt échoué son embarcation contre un embâcle de cyprès chauves hérissant le bord de rive.

    Si elles ne disaient rien à cet instant, mâchoires serrées, sur la piste de terre molle ravaudée de fascines, le silence s’était mis à peser d’emblée de son poids sur leur départ.

    Aux premiers pas déjà elles se taisaient et c’est ainsi qu’elles avaient parcouru le long trajet jusques ici, sans que leur expression pût traduire quelque information que ce fût qui eût renseigné sur la position de leur avancée par rapport au but qu’elles s’étaient mis en tête d’atteindre, quelque part plus ou moins loin dans le presque soir jaune faufilé derrière elles dessous la barre épaisse nuageuse, ou même au-delà d’une nouvelle nuit tombée.

    Des éclairs en silence hurlupaient la frange des nues d’encre qui barraient le soufre du couchant dessus le fleuve réverbérant et sur toute la longueur plate de l’horizon. Les répons à ces semonces parvenaient suintant des ténébreuses lourdeurs abyssales célestes : faibles grommellements, vagues grognonneries hoquetantes, ronronnements roulés dans la gorge des nuages. Où il ne flambait pas ses dernières incandescences, le ciel était de cendre, d’un gris bleuté uniforme, pesant comme une bâche tendue hermétique et qui poussait sans doute avant l’heure le jour vérolé vers son crépuscule.

     

    Épigraphe

     

    Page créée le lundi 23 octobre 2017.