Une autre saison comme le Printemps

 
 
 

Date et lieu

En novembre, vers 1995, dans les Vosges, le Jura, et à Metz, Draguignan, Chambéry, Strasbourg...

Sujet

Momentanément en France pour participer à un Festival du roman et du film noirs, François Doralli, devenu sous le nom de Dorall Keepsake un auteur à succès aux États-Unis, où il vit désormais, a soudain l'impression d'être plongé dans un de ses romans. Le fils d'Élisa Nederick, neuf ans, dont le père est mort un an plus tôt, vient de se faire kidnapper et Dorall est requis de le retrouver. N'est-il pas spécialiste des disparitions, dont il a fait sa matière romanesque ? Ne doit-il pas cela à Élisa, qu'il a connue autrefois et dont la situation présente s'accommoderait mal d'un recours à la police ?

Flairant derrière tout cela une obscure manipulation, Dorall hésite. Et pendant ce temps-là un petit garçon de neuf ans se dirige vers un ancien lieu de bonheur en compagnie d'un homme qu'il appelle papa… Oui, c'est bien une histoire de revenant(s) que nous raconte ici Pierre Pelot, mais elle ne ressemble à aucune autre. A travers une intrigue complexe, où les indices sont donnés par petites touches, elle propose avant tout une interprétation poignante, convaincante, de ce que peut faire l'amour quand la mort l'a privé de son objet. (4ème de couverture, 1995).

 

Éditions

Une autre saison comme le printemps.

  • 1ère édition, 1995
  • Paris : Denoël, janvier 1995 [impr. : 12/1994].
  • 21 cm ; 249 p.
  • (Présences). Collection dirigée par Jacques Chambon.
  • ISBN : 2-207-24329-X.
  • Prix : 95,00 F.
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  • 2ème édition, 2014
  • Paris : éditions Bragelonne, 24 février 2014.
  • (Bragelonne Classic).
  • Livre numérique.
  • 200 p.
  • ISBN : 978-2-8205-1416-5.
  • Prix : 2,99 €.
  • François Doralli, sous son nom de plume Dorall Keepsake, est devenu auteur à succès aux États-Unis. Sa spécialité ? Les disparitions... Aussi, lorsque, de retour en France pour participer à un festival, il se retrouve plongé dans l’affaire de la disparition d’un enfant de neuf ans, il a presque l’impression de se retrouver plongé au cœur d’un de ses romans. Mais le petit garçon, qui a perdu son père un an plus tôt, a-t-il été réellement kidnappé ? Ou n’a-t-il pas simplement suivi un homme qu’il a parfaitement reconnu... ?
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  • 3ème édition, 2016
  • Paris : Editions Héloïse d'Ormesson, août 2016.
  • 21 cm ; 250 p.
  • Couverture : Jill Battaglia / Arcangel. Portrait de Pierre Pelot : David Ignaszewski / Koboy.
  • ISBN : 978-2-35087-384-8.
  • Devenu un auteur à succès aux États-Unis, où il vit désormais, François Dorall revient en France pour participer à un festival de polar, à Metz. Une nuit, lorsque Elisa, une amie d’enfance, le supplie de retrouver son fils de 9 ans qui a été kidnappé, il a soudain l’étrange impression d’être plongé dans l’un de ses livres. N’est-il pas spécialiste des disparitions mystérieuses ? Dorall hésite, mais ne lui doit-il pas cela ? Le romancier se mue en enquêteur. Et pendant ce temps-là, un petit garçon se dirige vers le Sud en compagnie d’un homme qu’il appelle papa.
    Une autre saison comme le printemps est une histoire qui ne ressemble à aucune autre, où les indices de l’énigme sont savamment distillés au détour des mots. Mais c’est avant tout une interprétation poignante de ce que peut faire l’amour quand la mort l’a privé de son objet.
  • Egalement disponible en e-book.
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    Première page

    Avant, les prés descendaient en pente douce jusqu'à la rivière, en dessous de la maison. Des arbres bordaient le cours d'eau. La route passait de l'autre côté, à une dizaine de mètres au plus près de la rive, calquant ses méandres sur ceux de la rivière. Avant, quand les arbres avaient des feuilles, on ne voyait même pas la route.

    Et puis le tout-venant des hommes politiques se retrouva à même de prendre des décisions, et ces gens-là ne s'adressaient plus à des "citoyens" mais à des "consommateurs", des "électeurs", des "automobilistes". Ces gens-là estimaient manquer leur carrière s'ils n'avaient pas à leur actif la création d'une portion quelconque d'autoroute, une voie de contournement ou une zone industrielle.

    Ils tracèrent donc la route de ce côté-ci de la rivière, en plein milieu des prés, ce qui coupa quelques virages, permit aux usagers de rouler un peu plus vite, aux accidents de se multiplier. Au trafic des camions de s'écouler sans discontinuer.

    Un de ces camions avait tué le chien du vieil homme.

    Le chien n'était plus tout jeune. Lui aussi avait vécu le temps où l'ancienne route passait de l'autre côté de la rivière, quand cela ne posait pas de problème d'aller folâtrer sur les berges. Il était connu de tous les pêcheurs.

    Le vieil homme l'avait retrouvé un soir d'août, juste avant la tombée de la nuit. Il était couché dans l'herbe, à quelques mètres du fossé. Les yeux voilés, la gueule entrouverte, les poils blanchis de son menton souillés de sang. Une patte salement broyée, les reins tout déglingués.

    Le vieil homme avait passé une partie de la nuit à creuser un trou près de la porte de la maison et à y enterrer le chien qui s'appelait Tip. Depuis, il n'en finissait pas d'entendre cliqueter les griffes de Tip sur le linoléum ou le parquet dans la maison, la terre, les prés. Il le voyait partout, la mémoire regorgeant d'images apprises pendant des années.

    La mort du chien obligea le vieil homme à se demander pourquoi il était encore en vie, lui. Il ne s'en était jamais lassé auparavant. Restaient les deux chats, mais les chats, ce n'est pas la même chose.

    Un soir de novembre, dans la maison vide, le vieil homme entendit cliqueter les griffes du chien sur le linoléum. Il était en train de manger une pomme de terre et du fromage, assis dans la cuisine assombrie, avec le jour qui déclinait à la fenêtre, et les camions sur la route qui avaient allumé leurs phares ; les faisceaux lumineux éclairaient ponctuellement l'intérieur de la pièce. Sa gorge se serra ; il laissa en suspens la lame du couteau au-dessus du morceau de fromage, regarda en direction du bruit sur le sol qui venait de s'immobiliser, et il vit le chien.

    Il vit Tip qui remuait la queue, émettant un petit "fiounement" comme il le faisait toujours quand il y avait une odeur de fromage dans l'air. Le vieil homme coupa machinalement une écaille dans la croûte du munster, qu'il donna au chien, et que le chien happa, mop, d'un coup de gueule.

    Alors, seulement, le cœur du vieil homme se mit à tambouriner de façon presque alarmante, pour son âge.

    Il dit entre ses dents : "Bon diou, Tip, ça peut pas être toi !"

    Mais c'était bien Tip, et le vieil homme posa la main sur sa tête, une main qui tremblait terriblement. Non, le regard du chien ne pouvait pas être une hallucination, et les chats étaient montés tous les trois sur le buffet, serrés l'un contre l'autre ; ils avaient reconnu Tip eux aussi.

    On ne ment pas aux chats.

     

    Revue de presse

    L'Est républicain

    31 janvier 1995

    Le dernier Pelot

    Un festival de science-fiction et de fantastique sert de cadre aux premières scènes de Une autre saison comme le printemps, le dernier roman de Pierre Pelot publié, il y a peu, dans la collection Présences aux Éditions Denoël.

    Exilé aux États-Unis, Dorall Keepsake, devenu auteur à succès, est l'invité vedette de la manifestation. L'écrivain, sa conférence sur la disparition à peine "bouclée", est enlevé. Il va, soudain, renouer avec un passé douloureux tout en ayant l'impression de se glisser au cœur d'un des romans qui ont fait sa gloire. L'assimilant à son héros, Elisa Nederick va lui demander de retrouver son fils qu'on vient de lui enlever. Après un début d'enquête façon polar du meilleur effet, Doral va, lentement, se retrouver emporté par un incroyable tourbillon fantastique. L'adulte qui accompagne l'enfant en fuite vers un lieu où il a été jadis heureux, n'est autre que son père mort tragiquement plusieurs mois plus tôt.

    S'il s'agit, en effet, de revenants, Pelot ne traite pas ce sujet de manière classique. Il prend sous sa plume une autre dimension, différente, plus humaine, émouvante.

    Pierre Pelot qui était la semaine dernière l'invité de Nulle part ailleurs sur Canal Plus pour y présenter son livre, fait partie du jury cinéma de la seconde édition de Fantastica.

     

    Les Cahiers vosgiens

    N° 107, février 1995. Anne-Marie VICHARD, page 43

    Le dernier roman de Pierre Pelot est, comme à l'accoutumée, une belle surprise. Paru chez Denoël dans la collection Présences, il y avait toutes les chances pour que je n'y mette pas le nez si ce n'est par amitié, ne goûtant guère le genre fantastique de la collection.

    Donc un nouveau roman de Pelot : Une autre saison comme le printemps. L'histoire peut maladroitement se résumer à une course-poursuite pour retrouver un gamin parti sur les routes en compagnie d'un adulte dont on apprendra qu'il est le fils, bien que le père en question soit décédé plusieurs années auparavant. Une histoire de revenant, ou plutôt de revenu, par la grâce et la puissance de l'amour que lui porte ce fils, un rêve comme on en fait tous. Pour celui qui les recherche, un écrivain, c'est un peu une quête de soi, au cours de quelques journées hallucinées, où la mémoire fait son travail, redonnant à la femme morte, à l'enfant mort, leur place. Le héros, l'écrivain, est accompagné malgré lui par une auto-stoppeuse qui sert de caisse de résonance, de miroir. C'est pour elle qu'ont lieu les retours en arrière qui éclairent les agissements des acteurs du roman (j'ai failli dire du film tant est évident la mise en mouvement de ce texte).

    Conçu comme un thriller (il y a quelques armes à feu, de la menace, de minables enjeux politico-économiques), Une autre saison comme le printemps est une belle histoire d'histoire d'amour. Si les vivants ne s'aiment guère, en revanche les absents inspirent des sentiments si forts, qu'ils réapparaissent. Étrange, un peu désespérant aussi. Peut-être que la pluie qui arrose abondamment les pages du livre contribue à entourer de mystère les personnages, comme un brouillard ferait qu'on ne distingue pas parfaitement les contours intimes de chacun d'entre eux. Tous traînent derrière eux un désespoir, une absence, un manque. Sauf le gamin. Pelot met un gros paquet de tendresse sur ce couple bizarre, le garçonnet et le père ressuscité. C'est sans doute la plus belle image de ce livre : le duo inégal se protégeant de la pluie sous un "plastique", et avançant en cahotant sur le bas-côté de la route. Ces deux-là sont hors-jeu, même s'ils déclenchent autant de chambardement. Ils vivent dans leur bulle, dans leur bonheur retrouvé et inquiet, portés par un amour pur et unique.

    Une autre saison comme le printemps est écrit vivement, tient le lecteur en haleine au long des 248 pages. C'est encore une fois la démonstration de l'énorme talent de Pelot à nous raconter des histoires, à les attraper au vol comme il dit, pour notre plus grand plaisir, pour nous faire rêver.

     

    L'Est républicain

    10 février 1995. Jean-Paul GERMONVILLE

    Avant l'expo, Pelot signe

    Après Nulle part ailleurs, l'émission vedette de Canal Plus, et Fantastica, l'écrivain est demain à la librairie spinalienne La Licorne.

    Le dernier roman de Pierre Pelot, Une Saison comme le printemps, publié aux Éditions Denoël, suffisait à justifier sa présence à Fantastica. Un goût depuis longtemps avoué pour le cinéma lui donnait tout naturellement une place de choix auprès de John Carpenter dans le jury chargé d'attribuer les grands prix

    Outre l'inoubliable adaptation de L'Été en pente douce, devenu pour beaucoup de ses fans un livre culte, par Krawsczyk avec, dans l'un des rôles principaux la regrettée Pauline Laffont, plusieurs de ses classiques ont été adaptés pour le petit écran.

    Passant avec un égal bonheur d'un genre littéraire à l'autre, Pelot, dans son dernier bouquin, reprend à son compte un thème force du fantastique, les morts-vivants.

    Première originalité de cette Saison, le sujet est abordé d'une manière totalement différente. Pas de pierres tombales qui se s'entrouvrent à minuit, soulevée par une main aussi décharnée qu'angoissante.

    Seul l'amour est capable de faire revenir à la vie des êtres chers. Sur cette idée de base, l'écrivain monte un trame qui, si elle semble relever du simple polar, va beaucoup plus loin.

    A Saint-Dié le 18 février

    Dorall Keepsake, porté à la gloire par la littérature, quitte son exil américain pour rejoindre un festival de science-fiction dont il est l'hôte vedette.

    Littéralement kidnappé par les proches d'une relation de jeunesse, il va traverser la France sur les traces d'un gamin en fuite. Au cours de cette course poursuite, sa route va croiser celles d'êtres malmenés par l'existence. Au terme du voyage, peuplé de flash-back sur sa propre existence où les bleus à l'âme ne manquent pas, sa perception du monde est totalement bouleversée.

    Pelot, qui accrochera ses toiles à l'Espace Sadoul de Saint-Dié à partir du 18 février, est demain à 15h à la librairie La Licorne, 10 place Jeanne-d'Arc à Épinal, pour dédicacer Une Saison comme le printemps.

     

    La Liberté de l'est

    Les Livres en liberté, N° 303, 14 février 1995. Raymond PERRIN

    Le dernier-né de la ligné fantastique

    Qu'on ne compte pas sur Pelot pour enrayer les problèmes de démographie galopante. Puisque le chaos est aussi proche qu'inéluctable, il est temps que l'amour soit plus tort que la mort. Seul le désir le plus puissant, le plus inexplicable surtout, peut rendre vie aux disparus. C'est le postulat de ce roman qui ne concerne ni les amants tièdes ni les rationalistes étroits. En revanche, ceux qui ont souhaité taire revivre un être cher - humain ou animal -, ne serait-ce qu'une minute, se passionneront pour un récit aussi riche en émotions qu'en rebondissements picaresques.

    François Doralli, écrivain notoire aux États-Unis sous le nom de Dorall Keepsake, accepte de participer à un festival du roman et du film noirs à Metz pour éviter un anniversaire douloureux. Mais ce spécialiste des disparitions romanesques est littéralement enlevé avant d'être contraint de partir à la recherche d'un enfant de neuf ans dont le père est décédé un an plus tôt. Contraint de retourner sur les lieux de son enfance, où se réveillent d'atroces souvenirs, et de jouer le rôle de son personnage romanesque, il est embarqué dans une quête où les surprises sont de taille à ébranler la raison et les cœurs les mieux accrochés. Dans ce récit qui s'apparente autant au thriller qu'au roman fantastique, Pelot exige de son lecteur une adhésion totale, depuis les premières pages où l'on voit un vieil homme retrouver son chien écrasé trois mois plus tôt jusqu'aux espoirs fous de Doralli sur la tombe d'une femme aimée. Grâce à une intrigue complexe où des destins se frôlent, se croisent ou se perdent, où des retours en arrière malicieux égarent délibérément un lecteur déjà confronté à l'inexplicable, l'attention ne se relâche jamais tant la folle envie de comprendre survit jusqu'au moment inexorable où la raison est contrainte de demander grâce.

    Plusieurs images de femmes, simples silhouettes ou images qui s'imposent au fil du récit, agrémentent constamment l'histoire. C'est d'abord Uzanne, l'auto-stoppeuse égarée sur les routes, compagne de fortune (ou d'infortune) du narrateur, avant de comprendre que la ville de Lyon et ses fantômes l'attendent C'est aussi Syane, l'épouse discrète et courageuse du romancier. Et puis il y a, après les furtives hôtesses Amanda et Adélaïde, Élise, veuve et amante, plus avide d'ambition que d'affection maternelle. Surtout, il y a Kaye, image d'un amour jeune et éternel, étouffé dans le foin d'une grange vosgienne et Ligibelle, victime de l'exil et pourtant fidèle à ses amours premières. N'ayons garde d'oublier la mythique Marylin, frêle et pourtant bien présente.

    Une fois de plus, à travers l'équipée de Nathaniel et de son père, s'esquisse le dialogue juste et émouvant d'un adulte et d'un enfant, conversation déjà réussie dans Les Épaules du diable ou dans Les Étoiles ensevelies.

    On entre de plain-pied dans un fantastique né du quotidien le plus naturel et, à la différence des romans traditionnels du genre débouchant souvent sur une explication rationnelle, l'auteur ne tend ni au lecteur ni à son héros la perche salvatrice de la bonne vieille raison qui permettrait de déjouer cette étrange "machination".

     

    L'Est républicain

    22 février 1995. Michel CAFFIER

    Les cadavres exquis de Pierre Pelot

    Le romancier vosgien sous le masque d'un best-seller américain mène une enquête fantastique. A la recherche, surtout, du bonheur perdu.

    Il n'est pas facile de suivre Pierre Pelot à la trace. Sa bibliographie est plus dense que la forêt vosgienne au-dessus de Saint-Maurice-sur-Moselle et les espèces y sont aussi variées qu'à l'arboretum du Chitelet, dans les hauts de Gérardmer. Il faut une éclectique curiosité pour passer de l'anticipation du Fleuve Noir aux Sueurs froides de Denoël, à Présence du fantastique ou, au choix, Présence du futur. Et quand un titre n'est pas en SF (science-fiction), il est en HC (c'est-à-dire hors collection).

    Sur ces pistes brouillées, on serait tenté de chercher la trace du phénomène, l'empreinte d'un autre solitaire des Vosges qui abat sa copie par stères entiers comme le bûcheron cogne ses troncs. On ne sait plus, d'année en année, si l'intégrale de Pelot compte 150 ou 200 livres. A elle seule, cette frénésie d'écriture mérite l'attention pour ce qu'elle représente de ténacité, d'imagination et de talent. Elle appelle une étude méthodique, crayon en main, que ne manquera pas de mener un biographe ou qui fournira le passionnant sujet d'un diplôme d'université.

    L'abondante diversité déroute le lecteur de Pierre Pelot attentif mais occasionnel, qui ne sait pas comment le bon auteur a taillé sa plume ou tapoté la bécane électrique. Comment passer du merveilleux de Ce soir, les souris sont bleues au baroque des fantômes ressuscités de Une autre saison comme le printemps ? Pelot étant toujours Pelot, il suffit, pour ne pas s'écarter du plaisir, de suivre ses petits cailloux qui ont des airs de famille, quel que soit le genre du bouquin.

    A la recherche du bonheur perdu

    Influencé par l'environnement isolé de sa fidèle tanière, il construit des histoires comme une bulle indépendante, satellite de la réalité. Il emporte le lecteur sur un nuage soumis parfois aux plus fortes perturbations, mais agréable par bien des côtés. L'histoire, aussi fantastique ou insolite qu'elle soit, devient alors crédible, réelle comme un rêve ou un cauchemar, et donc attachante et intéressante en diable.

    Il faut une bonne dose de talent pour emporter le lecteur, sans une once de regret pour lui, dans le sillage d'un auteur franco-américain de thriller qui, à force de nouer et dénouer des enquêtes en sait plus sur les disparitions d'individus en fugue ou enlevés que les flics les plus finauds. Au Festival du film et du livres noirs de Metz, ce Keepsake, que certains appellent Kepsac, est lui-même emporté dans une mystérieuse XM pour rechercher dans son village natal quitté depuis vingt ans, la trace du gamin Nathaniel, kidnappé un vendredi 13 à l'heure de l'école.

    Le polar habile devient conte fantastique quand le ravisseur se met à ressembler au père du garçon, ressuscité d'une chute mortelle dans un mauvais virage alpin. Dans un étrange ballet qui court des Vosges à Draguignan, puis de Chambéry à Strasbourg, l'enquête mêle les vivants et les morts qui reprennent à zéro le règlement de leurs comptes.

    La manière savante de Pierre Pelot est imbibée de littérature américaine et pas seulement parce que son personnage imagine se dédoubler en Erskine Caldwell ou Cormac McCarthy. Il agite dans sa nébuleuse des éléments de la vie quotidienne, automobiles, téléphone, bouteilles de J. and B., ou personnages fugitifs comme ces hôtesses du festival de Metz, un environnement vrai qui contribue à jeter le trouble entre le réel et l'intouchable et souligner la volonté de l'auteur d'exprimer le regret des vivants quand les êtres chers ont disparu.

    L'éclectique Pierre Pelot, comme l'amour dans son livre triomphe de la mort, gagne son pari d'écriture avec la maîtrise de l'écrivain, brossant le portrait d'un savant de la disparition avec le talent d'un expert de la parution.

     

    Le Monde

    3 mars 1995.J. B. [Jacques BAUDOU]

    Ces dernières années, Pierre Pelot avait délaissé la science-fiction pour arpenter d'autres territoires romanesques, en marquant une certaine prédilection pour le roman noir, où il a tracé un sillon très personnel. Le voilà de retour aujourd'hui dans le giron des littératures de l'imaginaire avec un roman qui débute pourtant comme un polar : invité d'honneur d'un festival du roman et du film noirs, un auteur français, devenu célèbre aux États-Unis sous le nom de Dorall Keepsake, rencontre une femme qui, sous la menace d'un chantage au passé, le contraint à partir à la recherche de son fils kidnappé par un inconnu. Conscient d'être le jouet d'une sorte de machination, Keepsake se lancera sur la piste de l'homme et de l'enfant enfuis, dont les relations vont peu à peu se préciser au regard du lecteur troublé. Au terme d'un périple pendant lequel il ne cessera d'être assailli par le souvenir torturant de ses fantômes les plus chers, Keepsake comprendra qu'il vient de danser un bon vieux slow avec l'Irrationnel et l'Incroyable, deux sacrés partenaires... Avec Une autre saison comme le printemps, Pierre Pelot n'a pas seulement écrit une originale et émouvante histoire de revenants, il a signé aussi une très belle histoire d'amour fou dont les échos mettent longtemps à se dissiper.

     

    Lire

    Mai 1995. Alain GROUSSET

    Pierre Pelot se distingue par son abondante productivité. Sa particularité réside surtout dans une écriture originale, profondément ancrée dans son terroir vosgien. A l'aise aussi bien en science-fiction qu'en littérature générale, l'auteur de L'Été en pente douce s'autorise une incursion dans le fantastique. Avec Une autre saison comme le printemps Pelot nous plonge dans une histoire de revenants où l'Amour combat la Mort.

     

    L'Année de la fiction 1995

    Polar, S.-F., fantastique, espionnage : bibliographie critique courante de l'autre-littérature), Jean-Claude Alizet, Amiens, Encrage, 1996. Pages 221-222. Laurent GREUSARD

    Dorall, amoureux de Kaye, est retourné dans le village de ses parents. Là, le jour du mariage d'une amie, Kaye est tombée et s'est brisé la nuque. Dorall est parti aux États-Unis où il est devenu écrivain de romans policiers spécialisé dans les enquêtes de kidnappings ou de disparitions. Il a épousé Syane. Leur enfant est décédé de la mort subite du nourrisson, ce qui a renforcé le caractère renfermé de Dorall, voyant s'échapper deux fois le bonheur.

    Les années ont passé. Dorall est invité au festival du roman et film policier de Metz. A peine arrivé, il est embarqué par Rodrigue, l'homme de confiance de Laval, et conduit auprès d'Elisa. Celle-ci s'accroche à son cou et Laval prend des photos. Ainsi se met en place un chantage. Le fils d'Elisa a été enlevé et Laval veut que Dorall le retrouve. Maire aux ambitions politiques nationales, il ne veut pas mettre la police dans le coup. Si Dorall ne fait rien, les photos et celle avec Kaye seront envoyées à Syane.

    D'après les rares témoins, le kidnappeur de Nathaniel ressemble étrangement au père de l'enfant. Elisa explique qu'elle a été mariée une première fois, que son mari est mort en allant retrouver sa maîtresse à Draguignan. Muni de maigres indices, Dorall part à la recherche du fils. Il prend en stop Lise-Anne qui a l'air paumé. Celle-ci a croisé justement le kidnappeur et Nathaniel qui partaient en stop chez Ligibelle, la maîtresse de Draguignan.

    Dorall s'y rend malgré Elisa qui lui dit que Nathaniel aurait été repéré près de Strasbourg. Il laisse en plan Lise-Anne qui, de plus en plus dérangée, prétend avoir été tuée dans un accident de voiture. Dorall arrive chez Ligibelle. Il découvre la voiture de Rodrigue, se bat avec ce dernier et le tue. Arrive le kidnappeur qui n'est autre que le père mort, Nilo ; il se souvient : il voulait divorcer; Laval, amant d'Elisa, pour garder les scieries, l'a fait tuer par Rodrigue ; mais Nilo a été rappelé à la vie par le désir de Ligibelle et Nathaniel. Peut-être le don de rappeler les morts revient-il de nos jours pour compenser la dureté des temps, comme une promesse d'une nouvelle saison, un deuxième printemps.

    Ligibelle incendie sa maison. Dorall explique à Elisa et Laval qu'ils n'ont plus rien à craindre : Rodrigue a liquidé Nilo, le fils et l'amante avant d'être abattu par lui. Il a mis le feu pour masquer les pistes. Dorall, rentré aux États-Unis, espère que Kaye reviendra d'entre les morts.

    * Le résumé qui ne prend pas en compte quelques développements annexes sur d'autres cas de retour de morts, restitue une intrigue chronologique. Dans Une autre saison comme le printemps, Pelot manie les retours en arrière avec une science consommée. D'un fantastique du quotidien, où s'imprègne une évocation à la fois nostalgique et douloureuse, Pelot s'enfonce lentement en terrain inconnu, nous emmenant délicatement par la main (il faut éviter de lire la 4e de couverture). Le livre reconstitue l'étoffe des rêves et donne une splendide évocation, faisant de cet ouvrage l'un des plus maîtrisés de l'auteur, tout en demi-teintes et faisant mouche à chaque ligne.

     

    Page créée le dimanche 16 novembre 2003.