Fou dans la tête de Nazi Jones,
Belladone et compagnie

 
 
  • Pierre Pelot
  • 1986 | 114ème roman publié
  • SF
 

Date et lieu

Au milieu des années 1980, en Louisiane.

Sujet

Le système régulateur d'aération de sa culotte-scaphandre se mit en marche, libérant quelques jets sous pression. Nazi Jones donna une chiquenaude machinale contre la bouteille-aérosol qu'il portait à sa ceinture et dont le tube flexible plongeait dans les plis de son équipement, afin d'en vérifier, au son, le niveau du contenu.

La longue queue d'évacuation se gonfla légèrement tandis que l'air vicié et nauséabond était évacué à l'extérieur, puis elle se plissa de nouveau. (4ème de couverture, 1986).

 

Éditions

N°5, avril 1985.

  • 1ère édition, 1985
  • Les deux premiers chapitres ont été publiés en avant-première dans un fanzine intitulé : Les Lames vorpales.
  • Lyon, 1985.
  • Mensuel, directeur : Michel Léger.
  • N° 5, avril 1985
  • Texte pp. 18-27.
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    Couverture de Peter Bowman.

  • 2ème édition, 1986
  • Paris : Fleuve Noir, juin 1986 [impr. : 04/1986].
  • 18 cm, 188 p.
  • Illustration : Peter Bowman / Vloo, Young Artists (couverture).
  • (Anticipation ; 1463).
  • ISBN : 2-265-03308-1.
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    Première page

    Il n'oublierait jamais les jours verts de son enfance en Guyane. Plus il avançait en âge et plus il se souvenait avec acuité d'une profusion de détails concernant cette époque de sa vie. Le phénomène obéissait sans doute à un mécanisme psychologique compensateur qui lui accordait de temps à autre une sorte de récréation, un repos. Alors, le poids du passé, que traduisait le présent, s'allégeait un peu. Sa mémoire gentille lui faisait des cadeaux.

    Ses parents étaient français. Son père un ingénieur de la société de recherches aérospatiale M.O.U.C. basée à Touqué, à une cinquantaine de kilomètres en aval de l'embouchure deltaïque du Dyapok, sur la frontière du Nord-Est brésilien.

    Ils l'appelèrent Richard-Louis, tout simplement parce que son père avait deux frères qu'il aimait beaucoup et qui avaient été tués dans un accident d'avion, l'un se prénommant Richard, l'autre Louis.

    Il avait à quatre ans une figure ronde, avec de bonnes joues rebondies, de petits yeux vifs, perçants. Ses cheveux blonds et raides pendaient comme les pailles d'un balai - il n'était pas ce qu'il est convenu d'appeler un "bel enfant". Et même pas sympathique ni très sociable : au contraire, du genre solitaire et renfermé.

    Un jour, il feuilletait mollement un magazine et tomba sur la photographie d'un mannequin qui posait pour une nouvelle marque de voiture. Elle ressemblait à une sorte de fleur rouge, découvrant généreusement ses longues jambes sous les volants troussés de sa robe. Il s'abîma longtemps dans la contemplation troublée de la photographie et cet émoi qu'il ressentait, qui prenait possession de son être, comme un sang chaud, presque brûlant, fouettant ses veines, imprégnait toujours et encore son souvenir aujourd'hui, après si longtemps. C'était un de ces cadeaux de sa mémoire. Cette émotion n'avait rien de sexuel, bien que le modèle eût posé pour éveiller ce type de réaction chez les futurs acheteurs de la voiture présentée. Ou bien alors… Elle était tout simplement si belle, si parfaite et irrémédiablement inaccessible. Il déchira la page du magazine en ayant l'impression de commettre une faute sacrilège et sans comprendre pourquoi ; mais il le fit, il ne put s'en empêcher, découpa la page qu'il conserva longtemps, longtemps, dans un de ses livres d'enfant. Le livre s'appelait Baliba et Botilu : c'était une de ces inepties pondues par des professionnels de la "littérature enfantine" qui s'imaginent généralement les enfants idiots. Un jour, plus tard, il égara le livre ainsi que la photographie de la belle dame.

    Il possédait un jouet qu'il préférait entre tous : un éléphant de velours brun, bourré de coton, si agréablement doux au toucher, entre les pattes duquel il faisait si bon planter son nez pour s'endormir et dont il respirait l'odeur, en longues inspirations, jusqu'à en perdre le souffle… Il avait donné un nom à l'éléphant, qu'il ne divulgua jamais. Ensuite, l'éléphant perdit une oreille, puis l'autre, ainsi que ses yeux. Il fut déchiré et constellé d'accrocs : maman les raccommoda. Elle remplaça les yeux disparus par de petits boutons de bottines. Elle lui confectionna également une salopette bleue.

    Richard-Louis grandit, et il quittèrent la Guyane. D'abord, il séjourna en Europe. Où il rêva de l'Amérique. Puis il vécut un certain temps en Louisiane, puis il retourna en France, bien longtemps plus tard.

    Cela faisait une vie.

    Jusqu'au bout, Richard-Louis conserva avec lui l'éléphant de velours brun de sa petite enfance, et jusqu'au bout il garda secret le nom qu'il lui avait donné. Ce nom était également celui qu'il s'attribuait lorsqu'il rêvait d'être un autre.

     

    Revue de presse

    Les lames vorpales

    Fanzine mensuel, N° 5, 1985. Dans l'éditorial de Sylvie CAINE et Markus LEICHT, pages 4-5

    Pierre Pelot vous connaissez. A son actif, une centaine de romans, un peu dans tous les genres. Pas tous bons. Mais souvent intéressants. Parfois très forts. Voici en avant-première le début de son roman Fou dans la tête de Nazi Jones, Belladone et Cie. Ne vous attendez surtout pas à quelques pages romantiques. Voici du Pelot brut, du Pelot explosif comme on ne vous en présentera pas souvent. Décrochez vos ceintures et enfilez vos masques à gaz...

    [Le texte des chapitres 1 et 2 est publié en pp. 18-27].

     

    Magazine littéraire

    N° 232, juillet 1986, page 74

     

    Fiction

    N° 377, août 1986. Jean-Yves BESNARD, pages 176-177

    Sur fond de catastrophe génétique due aux expériences d'un certain Richard-Louis Montès, Pierre Pelot nous fait participer à la rencontre des pulsions d'amour et des angoisses de Dieu. Les unes et les autres étant représentées en les personnes de Belladone et de Nazi Jones ; ce dernier est en effet porteur de toutes les maladies existantes : cela fait beaucoup pour un seul homme ! Ce qui nous donne droit à quelques descriptions scatologiques détaillées : Un long pet soyeux glissa entre ses fesses, gonfla partiellement le fond de sa culotte avant de s'échapper par le tuyau de sa queue d'évacuation. Belladone, elle, était l'image vivante d'une beauté totale, absolue, d'une perfection.

    La terre n'est plus qu'un immense charnier, tout cela de la faute d'un ingénieur en génétique poussé dans ces recherches par les services secrets américains ; et qui a créé un virus porteur d'une maladie infectieuse dont il ne connaît bien entendu pas le remède. Est-ce vraiment de la SF ? Non hélas, ces virus existent bien. Qui a parlé de guerre bactériologique ?

    Pierre Pelot met ici en scène un monde qui se dirige inexorablement vers l'extinction de la race humaine. Du point de vue littéraire, le fait que Pelot fasse connaître au lecteur non seulement les états d'âme d'un héros mais de deux, est une façon originale de traiter un sujet. Cela est dû à ce que les deux personnages ont autant d'importance l'un que l'autre dans le déroulement du récit.

    Même si l'idée est bonne et originale, l'évolution de la trame du récit semble quelque peu bousculée. Il est dommage que la fin du roman soit amenée de façon si directe et surtout si brève.

     

    La Liberté de l'Est

    14 février 1995. Raymond PERRIN

    Pierre Pelot : un maître reconnu de la science-fiction et du fantastique français

    [...] L'illusion messianique : faux prophètes et compagnie

    Des romans à l'allure dickienne, des "récits-gigognes" peuvent envelopper, masquer l'approche métaphysique. (…)

    Fou dans la tête de Nazi Jones est aussi singulier. Son "héros" est contraint de suivre la superbe Belladonne pour une course-poursuite vertigineuse vers son amour d'antan, chercheur scientifique, démiurge ou bricoleur meurtrier de l'ADN. Au terme de l'équipée, les voyageurs découvrent un corps survivant à un suicide raté. Nazi Jones est la douleur et Belladone le plaisir d'un troisième personnage qui dirige leurs pensées, faits ou gestes.[...].

     

    Page créée le mercredi 12 novembre 2003.