Delirium Circus

 
 
  • Pierre Pelot
  • 1977 | 73ème roman publié
  • SF
 

Date et lieu

Dans un futur lointain, dans un monde étrange en forme de roue à aubes...

Sujet

Citizen est l'acteur le plus célèbre du moment. Il incarne les héros, les libérateurs, les Zorro. Il possède la gloire, une plage privée, un splendide jardin, une maison où l'attend une femme ravissante : que souhaiter de plus ? Hélas, tout n'est qu'illusion. La mer ? Factice. Le ciel ? Une bulle de plastique. La femme aimante ? Une poupée électronique. Tout est faux dans l'univers de Citizen, tout est truqué. Même son talent : il ne peut jouer qu'en état d'hypnose ou lorsqu'il est drogué.
Un jour, Citizen ne peut plus supporter cette vie dorée faite de faux-semblants. Il quitte tout, au risque de se mettre au banc de la société. Il veut découvrir ce qui se cache derrière ce monde artificiel. Où est la vérité ? Quelle est sa vérité ? (4ème de couverture, 1993).

Citizen est l'acteur le plus célèbre du moment. Il vit dans un véritable petit paradis, une splendide maison au bord de la mer, aux côtés d'une femme sublime. Malheureusement, rien n'est vrai dans cette vie idyllique. Le ciel n'est qu'une bulle en plastique, et sa femme n'est même pas humaine. Quant à son métier, Citizen n'arrive à l'exercer qu'une fois drogué. Il est temps pour lui de se libérer de ce carcan de faux-semblants, de tout quitter et de chercher, enfin, la vérité... (Présentation de l'éditeur, 2013).

 

La petite histoire... Cité in La Bibliothèque idéale (Albin-Michel, coll. La Pochothèque, sous la direction de Bernard Pivot) comme devant faire partie des 25 livres à figurer dans une bibliothèque idéale en rayon "Science-Fiction".

 

Éditions

Delirium Circus, 1ère éd.

  • 1ère édition, 1977
  • Paris : J'ai Lu, IV/1977 [impr. : 10/11/1977].
  • 17 cm, 318 p.
  • Illustration : Tibor Csernus (couverture).
  • (Science-Fiction ; 773).
  • ISBN : 2-277-11773-0.
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    Delirium Circus, 2e éd.

  • 2ème édition, 1993
  • Paris : J'ai Lu, mars 1993 [impr. : 24/03/1993].
  • 17 cm, 318 p.
  • Illustration : Hubert de Lartigue (couverture).
  • (Science-Fiction ; 773).
  • ISBN : 2-277-11773-0.
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    Delirium Circus, 3e éd.

  • 3ème édition, 2005
  • Paris : Denoël, février 2005 [impr. : 24/01/2005].
  • 21 cm, 933 p.
  • Illustration : Sparth (couverture).
  • (Lunes d'encre) Coll. dirigée par Gilles Dumay.
  • ISBN : 2-207-25579-4.
  • Prix : 30 €.
  • Ce volume regroupe : Delirium Circus (pp. 7-265), Transit (p.267-561), Mourir au hasard (p. 563-750) et La Foudre au ralenti (p. 751-932).
  • 4e de couv. : Citizen est l'acteur du moment, une véritable célébrité cantonnée aux rôles de justiciers et de libérateurs. Il possède une merveilleuse maison, un jardin immense et une plage privée pour son seul usage. Mais cet éden individuel est un mensonge : la mer est factice, le ciel est constitué par la paroi d'une bulle, sa femme, si attentionnée, n'est qu'une poupée électronique. Tout son univers est truqué, même son art puisqu'il interprète ses rôles drogué et hypnotisé. Alors, pour Citizen le temps est venu de tout quitter et de trouver, enfin, la vérité...
    Durant les années 70-80, Pierre Pelot a publié quelques-uns des romans les plus mémorables de la science-fiction française, des œuvres souvent considérées comme dickiennes, mais qui étaient avant tout profondément personnelles et contestataires. Voici réunis quatre des romans les plus percutants de cette époque particulièrement faste.
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  • 4ème édition, 2013
  • Paris : éditions Bragelonne, 7 janvier 2013.
  • (Bragelonne Classic).
  • Livre numérique.
  • 265 p.
  • ISBN : 978-2-8205-0893-5.
  • Prix : 2,99 €.
  • Citizen est l'acteur le plus célèbre du moment. Il vit dans un véritable petit paradis, une splendide maison au bord de la mer, aux côtés d'une femme sublime. Malheureusement, rien n'est vrai dans cette vie idyllique. Le ciel n'est qu'une bulle en plastique, et sa femme n'est même pas humaine. Quant à son métier, Citizen n'arrive à l'exercer qu'une fois drogué. Il est temps pour lui de se libérer de ce carcan de faux-semblants, de tout quitter et de chercher, enfin, la vérité...
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    Première page

    S. 236. Int.

    Tout allait bien pour Zorro Nap.

    Une bonne intégration. Il le savait même s'il n'en avait pas réellement conscience.

    Tout va bien, Zorro Nap… La poudrière…

    Une vague somnolence s'était emparée de lui, à un moment donné, alors qu'il s'était affalé dans le siège de cuir défoncé, les jambes croisées jetées sur le plateau du bureau. Il avait écouté, un certain temps, les bruits divers qui s'entrecroisaient au-dehors, et les émanations sonores de ce réseau vibrant avaient contribué à son endormissement. Coupure noire, tranchée dans le fil du temps, Réveil.

    Zorro Nap se redressa sur le siège ; il décroisa les jambes et posa ses pieds au sol. Sa bouche était pâteuse, il avait les reins douloureux. Tout cela très normal. La fatigue.

    Tout va bien, Zorro Nap.

    Naturellement, la fatigue… Il ne pouvait guère espérer une fraîcheur physique intacte, après plus de quinze jours de siège et de bagarres spasmodiques, dont certaines avaient déchaîné une violence inimaginable.

    Fort-Wateralamo tenait bon.

    Depuis plus de quinze jours, et en dépit des pertes subies sous les coups de boutoir des troupes autrichannes, Fort-Wateralamo tenait bon. Pour combien de temps encore ? " Jusqu'au bout, songea Zorro Nap. Jusqu'à la victoire. "

    Car les Francains vaincraient. Ils devaient vaincre : c'était écrit…

    Les officiers, Zorro Nap, comment se portent-ils ? Le moral, et le reste ? La poudrière, n'oublie pas…

    Il jeta un coup d'œil en direction de la fenêtre. Les carreaux étaient sales, barbouillés de suie et de poussières diverses ; une fêlure marquait un angle ; de la poussière, également sur le rebord de la fenêtre, ainsi qu'au sol - comme un véritable tapis recouvrant le plancher brut et sur lequel des traces de pas s'entrelaçaient pour dessiner des motifs sauvages très compliqués.

    Dehors, planait un relatif silence. De temps à autre, des voix lointaines s'élevaient : un appel incompréhensible suivi d'une réponse tout aussi floue. Le soir tombait, la lumière était douce, feutrée.

    A l'intérieur de la pièce, la pénombre s'installait progressivement. Une lampe à pétrole allumée, sur le bureau, essayait de repousser l'assaut du mieux possible. Zorro Nap, un instant, se laissa prendre aux fascinants tremblements de la courte flamme orangée, dans le tube de verre bulbeux. Il ne se souvenait pas avoir allumé la lampe et ne l'avait probablement pas fait.

    Il se leva. Une vigueur toute neuve avait coulé en lui, de nouveau, tandis que le mauvais sommeil s'abattait sur son cerveau. Il savait que ce regain d'énergie le soutiendrait sans problème le temps nécessaire. Il avait l'impression que son esprit crépitait, traversé par des vagues accélérées de fourmillements.

     

    Prix littéraire

    Grand prix de la Science-Fiction française, Yverdon 1978.

    Décerné le 15 mai 1978 à Yverdon (Suisse), lors de la 5ème convention française de la SF (1ère convention francophone). Présidé par Jean-Pierre Fontana, le jury était composé de : Juliette Raabe, Jacques Chambon, Angelo Cosimano, Philippe Curval, Michel Demuth, Jacques Goimard, Denis Guiot, Michel Jeury, Robert Louit, Pierre Versins. Ce Grand Prix a été décerné à Delirium Circus par 6 voix contre 2 à Taromancie, de Charles Dobzynski, 1 à Le Désert du monde de Jean-Pierre Andrevon, 1 à Pays sages de Rafaël Pividal et 1 abstention.

     

    Revue de presse

    Fiction

    Mars 1978. Denis GUIOT

    [...] De Suragne à Pelot, c'est une seule et même continuité. Ainsi certains excellents Fleuve Noir sont du niveau de Delirium circus, tandis que Foetus-party n'est autre qu'un Fleuve Noir refusé. Pour ceux qui verraient des significations profondes dans la "passation de pouvoirs" entre Suragne et Pelot, rappelons que le Fleuve achète un nom pour des questions de contrat (et non un auteur) (1), et que Pelot est tout autant un pseudonyme que Suragne.

    Non, Suragne n'est pas mort, Dieu merci, pour avoir émigré (momentanément ?) vers des collections plus huppées. Ce n'est pas lui qui se moule dans une collection, mais celle-ci qui l'épouse. Comme il est. Avec son style incisif et attachant, avec sa thématique obsessionnelle. Car Pelot/Suragne fait partie de ces écrivains qui, inlassablement, écrivent le même livre ; pour lui l'acte d'écrire est une nécessité vitale, une thérapeutique. De même Philip K. Dick ou Michel Jeury, Bergman pour le cinéma ou Druillet pour la BD.

    [...] Avec Delirium circus, nous sommes en terrain de connaissance, celui de l'univers clos, monde fermé, thème fortement balisé dans la SF et par Pelot lui-même dans Mecanic jungle et L'Enfant qui marchait sur le ciel. Mais la conception de "l'univers de la roue à aubes", société de spectacle régie par les lois du showbiz est une grande idée de science-fiction, fort bien exploitée.

    La fonction crée l'organe. C'est le Spectacle - ici la vidéo - qui régit la structure sociale (castes des Frimeurs, des Cascadeurs, des Comédiens, etc.), crée la religion (adoration du Dieu-Public), impose les néologismes (être off, hors-cadre, etc.), les habitudes (l'âge est exprimé en films, comme il était exprimé en kilomètres dans Le Monde inverti de Christopher Priest) et les noms propres (Citizen, Marylin, Chaplin, Charboll, Jo Mankiew...). Monde de spectacle où tout est décors et acteurs, où le soleil n'est qu'un spot et la clit-girl une androïde, où les acteurs jouent sous hypnose.

    Tout n'est qu'illusions, sauf la mort qui attend les Frimeurs (prolos du monde du showbiz parqués dans les bidonvilles de la Ceinture, rejetés hors du Noyau) dans des cascades plus vraies que nature, car la société de Delirium circus, identique à nos sociétés occidentales de nantis, consomme du prolo, au sens propre du terme (2). Société d'exploitation et de sur-spécialisation où l'homme est devenu un objet, prisonnier d'un rôle qui l'aliène dans tous les niveaux de sa vie, soumis au bon vouloir du Dieu-Public et de son représentant terrestre, le R.P.R. (Rassemblement des Productions Réunies, qu'alliez-vous croire ?), État-spectacle où "la seule vie possible grandit dans le mensonge et l'illusion " (Une si profonde nuit).

    Citizen, pourtant comédien très coté, ne peut se plier aux lois castratrices qui régissent la société dans laquelle il évolue. Conscient d' être aliéné par celle-ci, il entre en conflit avec elle. Il ouvre les yeux. Mais Citizen, comme tout héros suragnien, ne peut, ne sait agir seul. Il a besoin d'une main tendue, d'une personne pour le soutenir, avec qui il fera bon lutter. C'est à la femme, plus en avance sur le chemin de l'éveil, qu'est dévolu le rôle de catalyseur. Marylin, for ever.

    Refuser cette société de marionnettes et de faux-semblants, rejeter l'éducation de base programmée à partir d'une centaine de films des temps anciens, partir à la recherche du mythique Dieu-Public afin de voir ce qui se cache derrière cette entité qui maintient le peuple dans la dépendance et l'esclavage, vouloir découvrir ce qui se tapit derrière les rouages de la Société du Spectacle, est-ce faire preuve de folie ? Non, bien sûr ! Marylin et Citizen ne "manifestaient pas le désir ou le besoin de se faire soigner: ils se trouvaient tout à fait normaux, considérant leur rebellion comme la manifestation de leur bonne santé, au contraire. Les anormaux, c'étaient les autres" (p. 106).

    Cet acte de rébellion - pulsion anarchiste, crachat à la gueule de la société bien-pensante - est le leitmotiv de l'œuvre de Pelot/Suragne, Le sourire des crabes en étant l'incarnation la plus récente et la plus violente (mitraillette au poing, tout détruire le long des autoroutes du Pouvoir). Acte de rebellion, mais aussi recherche de soi, quête de l'identité, volonté d'exister pleinement, autrement ("On aime quelqu'un pour son existence", dit Lones à Gaynes dans Transit).

    Que faire ? La tentative de Citizen pour délivrer les robots humains s'est soldée par un échec. "Que dis-tu de celà, Citizen ? Les aider ?...Tu n'es parvenu qu'à les détruire tout à fait. Tu leur as cassé la vie, Citizen..." (p. 314). Que faire, quand l'action militante n'est pas votre truc ? Fuir. Mais jusqu'où ?

    A travers l'indécision de Citizen, c'est toute l'indécision de l'écrivain qui transparaît, de l'écrivain qui entend rester, dans son métier, fidèle à lui-même. Que faire ? Tout d'abord gueuler, pousser un grand cri de haine contre tout ce qui tente d'aliéner l'homme. Présenter l'utopie comme possible (Transit). Prôner la déviance, la rupture. Refuser de produire pour produire, de débiter de la littérature de simple consommation, dite d' évasion. "Pourquoi ne pas changer ? Pourquoi ne pas inventer autre chose, et parler du monde réel ? De notre monde... Pourquoi toujours se référer aux anciennes valeurs et aux vieux principes ?" (p. 108).

    Car livre sur le Spectacle, Delirium circus se met en scène lui-même par le biais du scénario de Bross Chaplin intitulé : "L'homme qui voulait tuer le dieu-Public", scénario ayant aussi comme héros Citizen, mais dont les intentions sont à l'opposé de celles du roman. Fascinant jeu de miroir borgésien dans lequel Pelot, refusant toute confortable certitude, interroge son métier, s'interroge lui-même : Qu'écrire et pourquoi écrire ? Comment éviter au lecteur les pièges douillets de l'identification ? Quelles sont les conséquences de mes écrits et ceux-ci sont-ils toujours en accord avec moi ?

    Il faut parler du réel. Mais parler du réel, est-ce se contenter de le reproduire de manière stérile et sclérosante par simple décalcomanie, est-ce enfoncer les portes grandes ouvertes de la contestation facile à court terme, est-ce s'installer dans une confortable attitude manichéenne ? (3)

    Ou bien est-ce prendre la distance suffisante pour pouvoir englober la réalité dans une réflexion critique non réductrice, l'imaginaire ainsi que le talent et la sensibilité de l'écrivain décuplant l'impact d'une telle réflexion ?

    Tout en choisissant cette dernière voie, Pelot pose dans Delirium circus la question essentielle au cœur de la SF moderne : Parler du réel, certes, mais comment ? "Il faut réfléchir, c'est tout. Réfléchir" (p. 318).

    (1) Eh oui, c'était comme ça en ce temps-là!

    (2) C'est aussi le sens du film d'Alain Jessua, Traitement de choc.

    (3) Allusion, bien sûr, aux excès de la NSFF (Nouvelle Science-Fiction Française) et de son gourou de l'époque, Bernard Blanc.

     

    La Dépêche du midi

    21 novembre 1978. Noé GAILLARD

    […] Le prix du meilleur roman a été décerné à Delirium circus, de Pierre Pelot. Dans un monde où le héros d'un film tourne en état d'hypnose des scènes réelles de batailles et de sexe, le "comédien" le plus en vogue, le plus plébiscité par le public, se révolte, refuse son monde en apparence parfait et part à la découverte de ce qu'on lui cache. Il parcourt les compartiments de ce monde cloisonné en catégories sociales. Évite, bien sûr, maints dangers, perd sa compagne et se retrouve hors du monde pour une deuxième naissance. Ce qu'il a découvert n'est pas encourageant, c'est un monde sclérosé, fermé qui ne vit que par héros, par image interposés. Un monde triste qui ne revit que par le rêve. Le héros parvient dans un monde nu : l'enveloppe extérieure d'une roue de l'espace. Heureusement, le roman n'est pas constitué que de la marche vers l'extérieur du héros. Pierre Pelot justifie le fonctionnement du monde qu'il imagine. C'est certainement pour la qualité de l'environnement dans lequel évolue le héros que ce roman a été primé, car ce n'est pas le meilleur de Pierre Pelot.

     

    L'Année 1977-1978 de la Science-Fiction et du fantastique

    Paris : Julliard, 1978. Denis GUIOT, p. 207

    L'histoire : Dans l'univers clos de la roue à aubes, tout est décors et acteurs, illusions et mensonges. Aidé par Marylin, Citizen, prenant conscience de son aliénation, fuit cette société de faux-semblants, bien décidé à découvrir ce qui se cache derrière le mythique Dieu-Public.

    A notre avis : Immense cri de haine contre tout ce qui tente d'aliéner l'homme, et en particulier contre cet "univers de la roue à aubes" (remarquable idée de S.F.), société de spectacle et d'exploitation régie par les lois du show-biz. Un excellent roman.

     

    Le Sommeil du chien

    Roman de Pierre PELOT, Kesselring éditeur, décembre 1978. Michel JEURY

    Ce "cirque du délire" est une des plus puissantes créations de la science-fiction moderne. Voici un montage. Voici un monde voué totalement, non au spectacle, mais à la production massive, éternelle et insensée du spectacle. Allégorie ? Bien plus que cela.

    Le noyau était une sphère creuse de plusieurs dizaines de milliers de kilomètres de diamètre qui contenait un nombre incalculable de bulles… La plupart de ces bulles sont des plateaux sur lesquels on tourne frénétiquement des remakes des super-productions du XXème siècle. Grandiose et dérisoire…

    Le personnage central, Citizen, est l'un des plus humains et des plus forts en même temps, dans cette galerie de héros pitoyables et superbes, peints par Pierre Pelot. C'est l'homme-clé de la Planète Hollywood avec son ami, le scénariste Bross Chaplin.

    Dans ce monde, où chaque homme, de haut en bas, est aliéné à un système incompréhensible et absurde, il y a des déshérités et des privilégiés, comme sur la Terre des ouvriers portugais et des barons Empain. Un déshérité entre des millions, c'est le Frimeur Spartacus qui mourra comme figurant- chair-à-canon peu après son arrivée dans le noyau. Un privilégié, c'est l'acteur Citizen, âgé de "quatre cent films", riche, au faîte de la gloire. Et pourtant, c'est Citizen qui va se révolter et fuir - en compagnie de l'énigmatique Marylin - sa bulle trop confortable pour chercher l'horizon et le secret du monde. Les deux fugitifs vont d'abord gagner la Ceinture, où vivent les Frimeurs. Mais qu'y a-t-il au delà de la ceinture ? Citizen, comme Marylin, veut traverser cet univers faux-semblant pour accéder à la réalité. Montée vers la lumière ou descente aux enfers ? L'odyssée de l'acteur et de sa compagne dans les entrailles du Monde est sans nul doute leur plus beau film. Le plus terrifiant aussi. Et ce sera le dernier.

    Rappelons que ce livre a obtenu le prix du meilleur roman français de science-fiction en 1978.

     

    SF & quotidien

    Mensuel Science-Fiction. Asnières : N° 2, décembre 1980. Manuel RENAUD, p. 91

    L'autre soir, je suis allé chez mon rédacteur en chef préféré, pour lui emprunter le énième bouquin de S.F. qu'il faut avoir lu ; sinon on n'est pas branché, on a l'air de quoi quand dans une discussion un tel se répand en propos dithyrambiques sur le dernier machin qui, dans une optique pseudo-néo-classique à embouchure semi-valvulaire décrit les aventures à multiples rebondissements d'un type et d'une nana (la nana du mec en principe) face à un pouvoir méchant et invisible qui finit par gagner, car le pouvoir s'il ne gagne pas, il fait la gueule et ce n'est pas de jeu, merde, on en a chié, on est les plus forts... Tout ça pour vous dire que Delirium circus de P. Pelot, et bien... je l'ai lu...

    (Là, pas d'ambiguïtés, ou c'est les fleurs, ou c'est le massacre).Tant pis, j'y vais : Star System + Hollywood + l'Hauteur : il me semble que vous regarderez le film du dimanche soir "alatélé" d'un œil un peu chaviré après l'indispensable lecture de ce nouveau livre de chevet "spécial ciné-club". The End.

     

    Catalogue des âmes et cycles de la S.F.

    Paris : Denoël, 1981, nouv. éd. rev. et augm. (Présence du futur; 275). Stan BARETS, page 224

    Monde du spectacle, monde de l'illusion, monde des faux-semblants. Allégorie d'une société insensée. Sans réalité, sans vérité.

     

    Histoire de la science-fiction moderne (1911-1984)

    Robert Laffont, Paris, (1989 ?), éd. révisée et complétée. Jacques SADOUL, page 462

    Pierre Pelot, qui a définitivement abandonné le nom de Suragne, remporte le Grand prix de la Science-Fiction française pour Delirium Circus, paru en 1977. C'est encore un roman sur l'aliénation de l'homme dans une société totalitaire, mais Pelot a su renouveler complètement le thème au niveau des éléments narratifs. Citizen est l'acteur favori des médias, il est riche, célèbre, tout est beau chez lui, sa femme, sa maison, son jardin, sa plage privée. Mais la mer est factice, le ciel n'est que la paroi d'une bulle, et sa femme une poupée électronique. Même l'art de Citizen se révèle une imposture, car il interprète ses rôles en état d'hypnose. Un jour, il en a assez et se croit assez puissant pour jeter le masque et aller au-delà des apparences. Mais qu'est un acteur, même célèbre, confronté aux forces qui nous gouvernent ?

     

    La Liberté de l'Est

    Supplément "La Liberté des livres", 15 juin 1993. Raymond PERRIN

    Une réédition capitale en science-fiction

    Édité pour la première fois fin 1977, ce roman majeur de Pelot a attendu plus de 15 ans avant de reparaître, toujours en J'ai lu - S.F. ". Couronné par le Prix du meilleur roman français de science-fiction en 1978, cet ouvrage est recensé dans La Bibliothèque idéale de Pivot parmi les 25 meilleurs livres du genre, une référence qui salue à l'occasion, l'un des auteurs les plus doués de sa génération. Sa sortie a été remarquée par les principaux spécialistes de la S.F. qui lui ont consacré des analyses approfondies à moins de déclarer, comme Michel Jeury : Ce "cirque du délire" est une des plus puissantes créations de la science-fiction moderne" !

    Dans l'État-Spectacle, reclus au cœur de l'univers, gigantesque et néanmoins fermé, d'une roue à aubes dont la conception est puissamment originale, tout est évidemment factice. Seule la mort est bien réelle pour les frimeurs, cascadeurs rejetés hors du noyau des privilégiés qui croient régir les lois de ce spectacle permanent. Ce qui fascine d'abord dans le roman, c'est la création architecturale novatrice d'un monde circulaire complexe et entièrement voué à la création et à la consommation du spectacle.

    Mais Citizen, l'acteur célèbre ne connaît pas ce dernier aspect du décor truqué dans lequel il se débat quand il veut fuir et découvrir ce qui se cache derrière le mythique Dieu-Public. Prenant conscience de son aliénation dans ce monde de l'illusion, monde des faux-semblants, sans réalité, sans vérité, pour Stan Barets (dans Le Catalogue des âmes et cycles de la S.F.), il se rebelle et grâce à la script Marylin, il pousse jusqu'au désespoir sa quête du réel et de l'identité, au risque de se retrouver seul, face au poudroiement des étoiles, et au vertige de la folie.

    On retrouve bien là le héros pelotien, manipulé, dupé, pantin, jouet d'autres marionnettes et malmené par des forces surhumaines et secrètes. Mais dès l'heure du soupçon et de la réflexion, plus rien n'arrête Citizen, surtout si l'énigmatique et téméraire Marylin l'aide a passer du stade de la velléité à celui de l'action. Il ne s'agit en rien d'une action militante ou collective. Profondément anarchiste et individualiste, le personnage central n'agit que pour lui-même au risque de connaître l'échec ou la mort.

    Comme le notait Louis-Vincent Thomas dans son essai Civilisations et divagations, il est difficile d'aller plus loin que Pelot pour tourner en dérision les procédures d'aliénation qui peuvent conduire au total asservissement des individus (..), nous sommes au paroxysme du pouvoir technocratique et d'une société perverse qui délie le réel. Il serait dommage de passer à côté de cette réflexion paradoxale mais viscérale de l'écrivain sur la nature du réel même et surtout s'il la propose par le biais d'une fiction dénonçant, selon Denis Guiot, notre société de faux-semblants.

     

    La Liberté de l'Est

    14 février 1995. Raymond PERRIN

    Pierre Pelot : un maître reconnu de la science-fiction et du fantastique français

    [...] Un nouvel opium : les médias de l'avenir

    L'Amérique et les médias suscitent chez Pelot les mêmes sentiments ambivalents et contradictoires d'horreur et de fascination. Comment ce fou d'images ne se sentirait-il pas impliqué dans le procès de la télévision ou de la vidéo, lui qui s'est nourri d'images cinématographiques ou vidéo. (…)

    Dans l'Etat-spectacle de Delirium Circus, reclus au cœur de l'univers gigantesque et fermé d' une complexe roue à aubes, tout est factice. Ce monde stellaire voué à la création et à la consommation du spectacle se suffit à lui-même. Au dehors, le monde est vide et ne s'ouvre que sur le faux espace, la paroi d'une bulle. C'est ce que va découvrir Citizen, l'acteur en quête du mythique Dieu-Public. "La roue à aubes" dentelée est la métaphore réalisée de l'illusion médiatique [...].

     

     

    30 juin 2004. Raymond PERRIN

    La métaphore de l'Etat-Spectacle

    Citizen, un acteur apprécié du public, tourne les dernières séquences d'un des innombrables épisodes de la série "Zorro Nap". Dans un fort de Wateralama, en tant que chef des Francains, il tient tête aux Autrichans. Le scénariste Bross Chaplin se rend sur le plateau en "métrotube" pour rencontrer la script Marylin qui l'accable pourtant de son mépris. En route, par peur, il accorde une recommandation au frimeur Spartacus pour Watkins, l'organisateur des cascades. Comme le réalisateur a mis les bouchées doubles pour terminer le film, le "surhypno médical" Clydan conseille à Citizen, épuisé, trois semaines de repos. Peu satisfait des rushes, Citizen, accompagné de Marylin, se fait reconduire chez lui en nodule par Bross, irrité par l'acteur et la script. Le frimeur Spartacus, sur l'esplanade de la Cascade, est accosté par une frimeuse qui veut voler sa recommandation...

    Voici comment est amorcé le récit.

    En fait, dans l'Etat-spectacle de Delirium Circus, reclus au cœur de l'univers gigantesque et fermé d'une sorte de roue à aubes, tout est factice. Seule, la mort est bien réelle pour les "Frimeurs", cascadeurs rejetés hors du noyau des privilégiés qui croient régir les lois de ce spectacle permanent. Ce monde circulaire complexe est entièrement voué à la création et à la consommation du spectacle. "Noyau-sphère", bulles, réseaux tubulaires et ceinture constituent un monde qui se suffit à lui-même.

    Pelot imagine un univers délirant et fictif entièrement voué à la satisfaction dévorante et savamment entretenue d'un population réduite à l'état de "Public".

    En dehors de cette aube gigantesque, complexe et autarcique, le monde est vide et ne s'ouvre que sur le faux espace insondable d'un ciel étoilé qui n'est que la paroi d'une bulle. Il faut souligner la conception originale (et perverse) de cette roue à aubes gigantesque et symbole d'un monde refermé sur lui-même au point de se réduire à cet îlot spatial.

    C'est ce qu'ignore Citizen, l'acteur qui se débat et veut fuir pour découvrir ce qui se cache derrière le mythique "Dieu-Public". Encouragé par la script Marylin, il pousse, mais jusqu'au désespoir, sa recherche du réel et de l'identité, au risque de se retrouver seul, face au (faux) "poudroiement des étoiles" et au vertige de la folie. Impossible d'oublier cette fuite désespérée dans les entrailles d'un monde truqué et sans issue. Livre sur l'aliénation des masses et le milieu du spectacle, ce roman est aussi une fable moderne dénonçant avec force l'exploitation par les nantis des marginaux et des défavorisés, - frimeurs, cascadeurs comme la victime Spartacus -, nantis tellement englués dans leur orgueil et leur confort qu'ils sont inconscients de leur propre aliénation, dans un système refermé sur sa propre logique et son absurdité. L'homme, celui du sens commun, n'est pas le maître du jeu. Les puissants, les "Autres", ceux qui constituent les gouvernements, les armées, qui exercent leurs pouvoirs colonisateurs, tirent les ficelles d'un jeu impitoyable, d'un spectacle dont la mise en actes est aussi truquée que le décor. Nous sommes bien au cœur de la "Société de Spectacle", abreuvant un "Public" passif, berné et crétinisé, de vies par procurations La parabole sur les médias prend tout son sens, toute son ampleur, car la roue à aubes dentelée, l'arche stellaire, est la métaphore réalisée de l'illusion médiatique. Pour aseptiser les films, on utilise les grilles de schémas préétablis avec les ingrédients-types résultant d'un sondage. Les "Cascadeurs-Frimeurs", comme les combattants dopés à mort de La Guerre olympique, perdent la vie en jouant des scènes qui risquent de sauter au montage. Les humanoïdes, abrutis par leur travail, ingurgitent par des casques les programmes vidéo et le créateur, qui risquerait de s'inspirer du réel avec la distance critique suffisante, serait aussitôt détecté et décervelé. La seule loi, vouée à la seule production du spectacle, est celle du showbiz ! Comment ne pas voir la tragique "actualité" d'un tel récit parabolique !

     

    Page créée le dimanche 26 octobre 2003.