Maria

 
 
  • Pierre Pelot
  • 2011 | 174ème roman publié
  • Vosges
 

Date et lieu

De 1944 à nos jours, dans les Vosges.

Sujet

Les Vosges, sous l'Occupation. Maria est institutrice. Un matin, les maquisards viennent la chercher devant sa classe. Jean, son mari, est collabo. Elle n'en savait rien. Pour avoir été la femme d'un traître, pour l'avoir aimé, Maria paiera. Marquée à vie par la cruauté de ceux que la France élève bientôt au rang de héros, elle ne révèlera jamais le châtiment qui lui a été injustement infligé.

Soixante ans plus tard, un jeune homme arrive dans cette contrée, à la recherche d'une pensionnaire de la maison de retraite. Dans son périple l'accompagne la voix envoûtante d'une conteuse qui, sur les ondes de la radio locale, évoque l'histoire de ces terres où gèlent les eaux de la Moselle.
Avec Maria, Pierre Pelot revient à sa géographie intime, honorant, dans une langue percutante et sensible, une région rude et secrète. (4ème de couverture, 2011).

 

Éditions

Couverture : photographie de Vincent Munier.

  • 1ère édition, 2011
  • Paris : Editions Héloïse d'Ormesson, janvier 2011.
  • 21 cm, 127 p.
  • Illustration : photographie de Vincent Munier(couverture).
  • ISBN : 978-2-35087-155-4.
  • Prix : 14€.
  •  

    Couverture : photographie de Vincent Munier.

  • 2ème édition, 2012
  • Paris : Le Livre de poche, mars 2012.
  • 18 cm, 140 p.
  • Illustration : photographie de Vincent Munier(couverture).
  • ISBN : 978-2-253-16225-4.
  • Prix : 5,60 €.
  •  

    Première page

    Un peu de blanc dans beaucoup de pluie, la méchante neige s'était mise à tomber en même temps que la nuit, à la sortie de la ville illuminée.

    Des noeuds de fatigue s'étaient serrés plus durs entre ses épaules, les ankyloses et les crampes dans ses cuisses et mollets. Il avait failli s'arrêter sur une aire de stationnement, puis dans un café en bord de rue du premier village traversé, après Remiremont, mais il avait résisté, se disant qu'il touchait au but, qu'il ne lui restait guère plus d'une vingtaine de kilomètres - une vingtaine de kilomètres, après plus de 700 -, et il avait pris la voie rapide au flanc de la vallée qui filait presque droit à l'écart des villages.

    La neige pourrie s'était épaissie. Les flocons plaqués au pare-brise tenaient une seconde avant de fondre. Cette averse voltigeuse l'avait surpris. C'était peut-être un peu tôt dans la saison. Il y avait encore beaucoup de feuilles aux arbres, jaunes et flamboyantes, pareilles à des flammes durcies. La neige, en principe, tombait après la chute des feuilles, non ? Il l'avait toujours cru, en tout cas.

    Mais en vérité il ne savait rien de l'hiver ici. Ni des températures de saison.

    Revue de presse

    La Semaine

    6 janvier 2011 - Béatrice ARVET

    Elle entendit son prénom hurlé.
    Sitôt après, la rafale...

    En intercalant quelques épisodes de l'unification sanglante de la Lorraine à une fiction dont l'origine se situe à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Pierre Pelot revient dans ce court roman à un thème qui lui est cher, la répétition de l'histoire.

    Nous sommes en octobre 1944, dans un petit village des Vosges. Soixante-trois hommes réquisitionnés par les nazis pour creuser des tranchées ont été arrêtés. Deux semaines plus tard, Maria Tobé, une jeune institutrice est emmenée par des policiers du maquis qui recherchent son mari. Un mot anonyme accusant Jean Tobé d'avoir dénoncé le réseau de résistance leur est parvenu. De cette nuit passée dans une ancienne cabane de chasseur qui servait de cache, personne ne saura rien, mais Maria en portera le poids le restant de ses jours. Lé 26 novembre, le village est libéré par les FFI. Seulement seize des soixante-trois déportés rentreront. Soixante ans plus tard, un homme du Sud aborde les lumières grises des paysages vosgiens à travers ce voile de neige fondue typique des mois de novembre. Pourquoi cherche-t-il à rencontrer cette vieille femme érudite qui conte l'histoire de la Lorraine sur une radio locale ?

    A quelques exceptions près, Pierre Pelot est un écrivain aussi prolixe que son écriture est minimaliste. Ici, elle se réduit à sa plus simple expression, allant à l'essentiel en quelques phrases. La voix en italique de Maria qui énumère les allégeances successives imposées à la population et dont la barbarie trouve son apogée lors de la Guerre de Trente Ans, se fait l'écho des exactions de la Libération. Une époque qui se voulait noir ou blanc, où une simple dénonciation était considérée comme une preuve et les jugements exécutés sans procès. Sous l'épure apparaît l'épuration, les secrets d'une contrée malmenée, butée, murée dans le silence. Les ellipses alimentent le suspense qui fonctionne comme une machine bien huilée par une solide expérience de la narration. Cette tension dramatique compense les raccourcis d'un récit qui trouve son sens dans le retournement final dont Pierre Pelot réussit à préserver la surprise jusqu'au bout.

    Vosges Matin

    27 janvier 2011 - Bernard VISSE

    Maria

    Au sortir de la voiture, un trait de bise lui trancha les yeux. C’est aussi pour ce genre d’images que l’écriture de Pierre Pelot est unique. Ajoutez une science parfaite dans la conduite d’une intrigue, un talent certain pour camper un décor ou suggérer une atmosphère, la gouleyance des mots à nul autre pareille… Maria ne déroge pas. Cette histoire courte prend ses racines dans les rets troubles de la Résistance et nous emporte jusqu’à l’aube de ce siècle. Entre Saint-Maurice et Le Thillot, la terre d’élection de l’auteur, entre bouche amère et mémoire plombée, le temps tapi d’une vieille dame presque ordinaire… (Editions Héloïse d’Ormesson, 128 p., 14 €).

    L'Est Magazine

    Michel VAGNER

    Une femme héroïque

    Maria, son mari collabo, les Vosges sous l'occupation. Un court roman d'une grande intensité, signé Pierre Pelot.

    Elle est institutrice, il tient le café épicerie du village. Maria et Jean Tobé sont mariés depuis quatre ans. Mais que sait-elle de lui ? Quand les maquisards lui demandent de les suivre sans esclandre, sans fracas, elle s'y résigne, quitte l'école et se retrouve sur la route forestière du Rouge Gazon, puis dans un chalet de chasseurs, sous la menace de leurs armes et de leurs mots accusateurs. Elle va payer pour une lettre de dénonciation, une liste de 65 noms envoyée aux Allemands qui n'ont eu qu'à rafler les résistants. Qui l'a expédiée ? Un courrier anonyme désigne Jean et sa salope. Il est tué, elle survit, marquée à jamais par la torture etle viol, rejetée par ceux qui, la veille encore, lui offraient leur amitié.

    Mais digne, impeccablement digne, elle garde enfoui ce secret, élève son enfant malgré les quolibets et devient, sur ses vieux jours, pour une radio locale, la conteuse de l'histoire des Vosges comme si ce long passé de guerres et de massacres, de feu et de fer, de rigueur et de fierté, n'avait été que le prélude de ce qu'elle a enduré. On pense à Marie Octobre, à L'Eté meurtrier, à l'horreur et aux trahisons de ces années noires de l'occupation nazie. Pierre Pelot brosse le portrait d'une femme à sa façon héroïque, meurtrie dans sa chair et généreuse.

    De sa douleur, elle a fait sa force. Sur ses malheurs, elle ne s'apitoie pas. Mais méfiez-vous des apparences, indique en sous-titre ce court roman à suspense. Le romancier de Saint-Maurice-sur-Moselle n'a jamais été aussi surprenant que dans les dernières pages, où l'émotion est à son comble avant que l'énigme ne soit résolue. Aussi à l'aise dans le bref – et Maria en est la preuve inoubliable – que dans la fresque – C'est ainsi que les hommes vivent –, l'écrivain frappe toujours juste. Grâce à ses descriptions, à l'atmosphère dégagée par le texte, à son sens de la narration et des dialogues et à la tendresse avec laquelle il dépeint, quoiqu'elle ait fait, cette Maria pleine de grâce retenue, il réussit encore une fois une œuvre remarquable.

    Télérama

    Michel ABESCAT - 2 mars 2011, N° 3190.

    Maria **

    Il y a quelque chose de fantomatique dans ce très beau récit de Pierre Pelot. Une histoire subtilement esquissée, des paysages d'hiver noyés sous la brume et la neige fondue. Des bribes de souvenirs, un personnage central au crépuscule de sa vie, une ombre déjà. Et l'histoire du pays, les Vosges, en filigrane, les froustiers, les verriers et les tisserands, tout un peuple comme une armée de fantômes entêtants.

    Le texte pourtant parle fort à l'imagination, pique au cœur et chavire l'âme. Un jeune homme arrive, l'hiver, sur les bords de la Moselle, passe Remiremont et s'enfonce dans la vallée. Il ne sait rien de la région qui l'accueille froidement, flocons plaqués au pare-brise. Il cherche Maria, une vieille femme pensionnaire d'une maison de retraite. Il connaît sa voix, entendue sur une radio locale, où elle raconte l'histoire de la région. Atmosphère de nuit, solitaire et frileuse. Qui est ce jeune homme et que veut-il à Maria, dont le passé brusquement va surgir, ramenant avec lui la boue d'une tragédie récente, celle de l'occupation nazie et de la Résistance...

    Le livre se dévore comme un thriller poétique, il captive et ensorcelle par son pouvoir d'évocation, la beauté rugueuse de ses paysages, la présence des vivants et des morts. Les Vosges, sous la plume de Pierre Pelot, bruissent de mille mémoires, comme si rien, jamais, n'était totalement enfui, comme si la terre, les pierres et les arbres et les nuages conservaient la trace de tous les passés. Et sûr qu'on n'oubliera pas de si tôt le beau visage de Maria, l'ancienne institutrice au destin outrageusement escamoté.

    L'Alsace

    Karine FRELIN - 11 mars 2011.

    Se souvenir
    Pierre Pelot et les hasards de l'Histoire

    Pierre Pelot revient avec Maria (voir critique ci-dessous), dont le destin se lie intimement à l’histoire de la Lorraine. Maria Loewell. Elle a existé. Pierre Pelot s’en souvient. La dame était mariée à un salopiot. Un retour aux origines, qui ne l’ont jamais vraiment quitté. Je suis toujours estampillé Affaire Grégory, sourit-il. Faulkner a bien écrit sur le Sud, mais c’était son Sud à lui. Là, ce sont les Vosges, brutes de décoffrage. Le voyage commence place du 2 octobre, à Saint-Maurice-sur-Moselle, là où vit toujours Pierre Pelot. Ce jour funeste, historique, 63 hommes du village, dont un noyau dur du maquis local, sont embarqués par les Allemands. Dénoncés. Quelques-uns sont fusillés dans les chemins proches, les autres déportés : Ceux qui en revinrent n’étaient pas vingt, écrit l’auteur. Le traître, dans le roman, s’appelle Jean Tobé, le mari de Maria. Dénoncé à son tour, emporté dans la montagne, fusillé sans jugement. Le destin de son épouse bascule… Toute sa vie va être gâchée à cause de ça. C’est là qu’est née Maria. Depuis longtemps, j’entendais parler de ça. J’ai essayé de creuser et des gens m’ont raconté plus en profondeur. Maria est devenue un personnage, que va apprivoiser Justin, débarqué du Sud, découvrant autant les Vosges en hiver que sa grand-mère, octogénaire, historienne, déterminée à se venger. Ce qui me motivait dans la vie de cette femme, c’est de raconter comment elle traverse tout ça, depuis la source. En usant d’allers et retours entre le passé, le présent, et l’Histoire ancestrale de la Lorraine, qui s’installe, peu à peu, comme un personnage, le puzzle de la vie de Maria se reconstitue : quand son mari menteur, collaborateur, est puni, la jeune institutrice est elle aussi entraînée dans la montagne par les maquisards qui la salissent pour la vie. Elle garde en elle, sur sa maison, les stigmates de cet épisode, jusqu’aux derniers aveux à son petit-fils retrouvé. Maria a une grande dignité, ne se plaint jamais, n’en veut, apparemment, à personne… C’est ainsi chez Pierre Pelot : On commence par être spectateur, le challenge est de parvenir à raconter aussi bien qu’on ressent.

    Je n’ai pas du tout l’intention d’être un écrivain régionaliste. Loin du lecteur cette idée, même s’il faut avoir un peu de cœur pour la Lorraine afin de se pencher sur l’histoire de cette région inlassablement traversée et occupée. Une large place y est consacrée, à dessein, se personnifiant tout autant que l’hiver, élément lui aussi prépondérant de ce roman, qui pose l’ambiance. Vengeance et cruauté seraient-elles moins pires au soleil ? Pour autant, on se détache vite des Vosges et de la rudesse des saisons et des corps : on touche ici à l’universalité des sentiments, où rien n’est blanc ni noir, où les défenseurs de la liberté peuvent aussi être des salauds et l’horreur se moque bien des frontières. Avec C’est ainsi que les hommes vivent, 1200 pages, Pierre Pelot avait porté vingt ans durant l’histoire de sa région. Ici, il donne, sans perdre de temps, chair à la complexité des hommes. Et d’une femme.

    Page créée le mardi 8 février 2011.