« Je suis né, dans cette vallée de la montagne des bœufs sauvages, serrée par les hauteurs rondes aux couleurs délavées,
rousses et bleuies, comme des ressacs pétrifiés de vagues écumées. Je
suis né là, j’y ai grandi, j’y ai creusé un terrier, parmi les gens
d’ici, je suis l’un d’eux, je suis, du moins j’espère, des leurs… »
Depuis Un été en pente douce jusqu’à C’est ainsi que les hommes vivent,
les Vosges hantent toute l’œuvre de Pierre Pelot, l’irriguent, lui donnent
forme : rarement aura été donné à lire pareille adéquation entre un
écrivain et le lieu où il vit depuis toujours.
Pays de vent,
pays de rocaille, pays de rivière, pays d’arbres, qui montent autant
de terre qu’ils descendent du ciel, pays d’hommes rudes et secrets.
Pays de parole rare, pays d’ombre, aussi, dans l’ombre des géants, pays
de fantômes, où l’on dirait que rôdent encore dans les futaies chasseurs
sauvages et froustiers. Pays de Pierre Pelot. Et quand il s’évade, grand
voyageur résolument immobile, qui se sera projeté à peu près partout,
aussi bien dans le temps qu’à la surface du globe, sans jamais quitter
son pays, au fil de près de deux cent romans, à travers un bon millier
de personnages, hommes, femmes, enfants, animaux, c’est toujours, dirait-on,
le bruissement qui s’entend de ce pays qui l’a peu à peu façonné.
Les Vosges de Pierre Pelot,
tissées des mille fils de la mémoire, bruissant de mille récits, rugueux
et tendres à la fois, tragiques et drolatiques, où l’enfance se mêle
à l’Histoire, chant d’amour à la nature et aux gens de ce pays si singulier,
où chaque personne évoquée prend les dimensions d’un personnage de roman
: jamais Pelot se s’était livré ainsi, à travers ce pays tout à la fois
réel et rêvé : son pays. (4ème de couverture, 2010).
Un autre pas dans la rivière, et c'est une autre rivière...
Je suis né dans cette vallée de la montagne des boeufs sauvages étroitement serrée par les hauteurs rondes aux couleurs délavées, rousses et bleuies, comme des ressacs pétrifiés de vagues écumées.
Vosges.
Trois mots celtes composent à l'origine le nom Vouguerus : vou, signifiant boeuf, guez, sauvage, et us pour montagne, élévation.
Les Romains donnèrent le nom de Vogesus, ou Vosegus à ces montagnes ; au Moyen Age elles devinrent Vosagus, et pour les Allemands Vagua.
Elles ne sont pas montagnes de haute volée, le sommet fatigué, et ce qui fut chez elles de trempe volcanique n'a laissé pour pauvre trace qu'un soupçon de cratère, en renfoncement, que la forêt comble sans hâte inéluctablement.
Aux fantômes et compagnons d'existence
Que font les histoires quand elles ne sont pas racontées ? Vivent-elles dans des villages ? Se racontent-elles les unes aux autres ? Certaines histoires se promènent de par le monde à la recherche de certains épisodes qu'elles pourraient s'adjoindre à elles-mêmes. (L'Os à voeux, poèmes narratifs des Indiens Crees).
L'Alsace
4 juin 2010 - Jacques LINDECKER
Emotion - Les rocailles, les fantômes et les taiseux
En deux livres, un roman et récit, Pierre Pelot raconte sa terre, ses racines : les Vosges. Le pays des histoires arrachées au bec des corbeaux.
Pierre Pelot est né dans cette vallée de la montagne des bœufs sauvages étroitement serrée par les hauteurs rondes aux couleurs délavées, rousses et bleuies, comme des ressacs pétrifiés de vagues écumées. Nous sommes de l’autre côté du col du Bussang, le long des premiers kilomètres du filet d’eau qui deviendra la Moselle. Les hommes ont appelé ce pays « Vosges ». Ici, les gens comme les nuages au gré du vent traversent en complices muets les saisons qui les emportent, ils sont vivants et puis morts. C’est une terre âpre, où le vent emporte avec lui les histoires arrachées au bec des corbeaux. Une terre de forêts sombres, mystérieuses, de rocaille et d’arbres noueux, d’usines de brique dont il ne reste bientôt plus rien, de fantômes et d’hommes taiseux. Une terre de divines surprises, comme ce Théâtre du Peuple, projet insensé, entêté, de Maurice Pottecher, à qui Pelot rend ici hommage, au détour d’un chapitre éblouissant.
Amateurs de langue économe, de mots comptés, de sentiments contenus, passez votre chemin. Pelot célèbre ses racines. Son pays. Il se fait lyrique comme jamais, dans une pudeur baroque, comme un chant longtemps retenu et qui prendrait le son d’un cri rauque, douloureux et impérieux, pour dire ce qui le grise et ce qui le peine. Enivrants, les paysages, les bêtes, les rituels d’antan (ah ! le récit de la grande course des Charbonniers), l’obstination têtue [des gens d’ici] à poursuivre vaille que vaille leur existence. Triste, l’idée d’un monde qui s’en va, un paradis perdu certes enjolivé par l’auteur, et qui nous vaut une grosse colère de sa part sur les appétits voraces de menteurs arrogants qui viennent y mordre, toujours un peu plus fort, le travail qu’on prend aux gens, les tissages muets, les routes grondeuses dont on flagelle les vallées. Et le lecteur sera pris aux tripes à plus d’une page, notamment à l’évocation, bouleversante, des parents du jeune Pierre.
Toujours prolifique, Pierre Pelot ne saurait se contenter d’un seul livre par semestre d’édition. Nous voici au cœur des Vosges, encore, mais pour un roman. L’Ange étrange et Marie-McDo (ce titre, quand même…) raconte, sur fond de vengeance longuement ruminée, la décadence d’une dynastie de riches industriels ruinés. De sacrés zèbres : Maman Jojo, le fils Babar, surdoué (il met au point Madame Wells, une machine à arranger tous les problèmes de la famille…) et obèse, et Marie-McDo, fille facile mais d’humeur difficile… et qui saurait faire des miracles. Le CV de la Vierge Marie, revu et corrigé. C’est du Grand Guignol, jubilatoire et d’une rare noirceur. C’est mené à un train d’enfer, passant à la moulinette un monde de faux-semblants et de petits pouvoirs que Pelot exècre, comme s’il voulait évacuer par le roman tout ce qui salit sa magnifique terre.
Télérama
N° 3154, 26 juin 2010 - Michel ABESCAT
La montagne des boeufs sauvages
La langue est belle et rauque et généreuse. Elle court comme les rivières de la « montagne des boeufs sauvages », ces Vosges que Pierre Pelot célèbre comme personne. La montagne de son père. Et la sienne, qu'il n'a jamais quittée. La langue est vive, forte de toute la mémoire de ce pays qui l'a faite, des hommes, vivants et morts, parfois depuis très longtemps, qui l'inspirent et la nourrissent, lui donnent son sens et sa nécessité. Elle charrie la rigueur des hivers cassants comme la pierre, le frémissement des feuilles dans les cimes, la beauté d'un chevreuil aux premiers rayons levés, mille visages qu'elle s'attache à ressusciter. Lourde d'un vocabulaire aux saveurs mêlées d'hier et d'aujourd'hui, d'une gourmandise des mots braconnés ici et là, à la sauvage, dans les patois et les verbes d'autrefois.
Pierre Pelot est un guetteur d'histoires, enchaîné aux fantômes, vorace de la vie des hommes, passionné par leurs liens avec la nature et l'univers, attentif à leur condition sociale. L'auteur de quelque deux cents romans se livre ici comme jamais, infiniment pudique, bouleversant de sincérité. Déclaration d'amour à un pays et à ceux qui l'habitent, à un père tôt disparu qu'il n'a jamais cessé d'attendre, ce texte est une forme d'autoportrait d'une rare humanité. Celui d'un homme devenu écrivain pour ne pas trahir ses rêves d'enfant.
L'Express
12 juillet 2010 - Tristan SAVIN
Dans les Vosges de Pierre Pelot, l'homme aux 190 livres
Dans sa maison en granit dont il a dessiné les plans, l'écrivain vosgien coupe du bois, nourrit les poules du voisin et construit ses meubles. Ce qui ne l'empêche pas d'être l'auteur de 190 livres !
L'auteur de L'été en pente douce est né au pied du Ballon d'Alsace. Soixante-cinq ans plus tard, il vit toujours à Saint-Maurice-sur-Moselle, aux confins du Haut-Rhin et de la Haute-Saône. Ce fils de tisserand a lui-même dessiné les plans de sa vaste maison de granit, construite en 1968 face à l'ancienne demeure de ses parents. Un foyer à son image : simple, discret, chaleureux, convivial.
Pierre Pelot est aux antipodes de l'écrivain germanopratin. Santiags aux pieds, Stetson sur la tête, bague de "barbare" au doigt, collier de barbe façon barde, le père du désopilant Konnar le Barbant (série de romans fantasy parodiques) fait tout pour ne pas ressembler à l'archétypal auteur en chemise blanche, écharpe rouge négligemment jetée sur l'épaule. Au lieu de faire l'article pour son nouveau livre ("j'ai beaucoup d'affection pour lui", se contente-t-il de dire à voix basse comme s'il parlait d'un nouveau-né livré au pilon), il vous recommande celui du Canadien Joseph Boyden, Les saisons de la solitude.
Cow-boy dans l'âme, mais Vosgien cent pour cent pur porc, Pelot se considère comme une "tête de cochon". Le bûcheron ne manie pas la langue de bois. "C'est pour cela que je m'entends bien avec les Bretons." Il préfère le travail manuel aux poses d'intellectuel. Il a lui-même confectionné ses meubles de bibliothèque, en recyclant des corniches d'armoires et des tringles. C'est un peu MacGyver au pays des Lettres. Il rêve d'écrire un Dictionnaire amoureux du vrac, ou du rien.
L'homme aux 190 livres coupe son bois chaque matin, puis nourrit les poules de son voisin - en échange de quelques oeufs ou d'un morceau de lard fumé. Etabli sur une ancienne carrière de pierre, son jardin ressemble à une forêt de fées, avec ses rochers couverts de mousse, ses fougères et ses fraisiers sauvages. Si un scarabée d'or surgit, le connaisseur précise, sourire aux lèvres : "Une demoiselle." Tant de délicatesse surprend de la part d'un homme habitué au climat rigoureux des Hautes Vosges. "En hiver, on entend le pas des cerfs dans la neige." Pelot raconte, dans La Montagne des boeufs sauvages (traduction des trois mots celtes désignant les Vosges), son tête-à-tête, de beau matin, avec un troupeau de chevreuils. L'ancien Indien - du temps de son enfance - tire encore à l'arc mais ne supporte pas les chasseurs. Il vit avec cinq chats mais se targue de sauver une trentaine de souris par an.
Son étiquette de "voyageur immobile", Pierre Pelot l'accepte volontiers. Il n'a même pas son permis de conduire. "Je me transporte dans le temps, je bouge beaucoup en écrivant - sans l'inconvénient des grèves !" Il nourrit son imaginaire avec du cinéma à domicile. Le soir, une fois sa femme couchée, il déroule un écran géant dans le salon et se projette des films ou des séries américaines. Ensuite, il se rend à la cave, transformée en atelier de peintre, où s'entassent ses beaux tableaux érotiques, peints de nuit à la lumière électrique. Il désigne une toile inachevée, représentant une femme nue, avec ce commentaire : "Il faut que je lui refasse les fesses." L'artiste n'est pas monomaniaque pour autant : il compte se remettre aux paysages.
Ses après-midis sont consacrés à l'écriture. Son bureau, où trône un Macintosh dernier cri et dont les murs croulent sous les romans et les dictionnaires, dévoile l'univers d'un éternel adolescent : BD, figurines, collections de voitures de Spirou et de... boîtes de sardines. Parmi ses trésors, les éditions originales de Tintin au pays des Soviets et de Tintin au Tibet, dédicacées par Hergé, rappellent que ce dernier encouragea Pelot à ses débuts. "Je lui avais envoyé une bande dessinée que j'avais réalisée. Nous avons correspondu quelque temps puis nous nous sommes rencontrés à Bruxelles. Il m'a dit que je devais écrire." Résultat : une longue collaboration avec l'éditeur belge Marabout, puis avec le Fleuve Noir (sous le pseudonyme de Pierre Suragne). De cette période d'intense création consacrée à la littérature populaire, Pierre Pelot regrette seulement de ne pas avoir rencontré Frédéric Dard.
Il a, depuis, entretenu une amitié avec le paléontologue Yves Coppens. "Il regarde tout du haut de la montagne, moi, je reste dans la vallée." Fruit de leurs entretiens, cinq livres consacrés aux origines de l'homme et quelques films pédagogiques. Parmi ses objets fétiches, le briquet en cuivre de son père et l'éléphant en peluche de son enfance, qu'il appelait "Nenef". Devenu écrivain, Pelot (pseudonyme dérivé de Pierrot) a inventé des langages pour ses romans préhistoriques. "Je suis en empathie avec mes personnages. Quand je regardais un chat, je voyais une panthère noire." Son lieu de travail est un bric-à-brac, à l'image de sa pléthorique bibliographie, comprenant des genres aussi divers que western, science-fiction, roman noir, préhistoire, horreur, fantastique, nouvelles, contes pour enfants, cadavres exquis, novélisations (dont celles du Pacte des loups et d'Hanuman), scénarios de films et de bandes dessinées. Entre ses deux ou trois romans annuels, le travailleur acharné trouve le temps de rédiger chroniques et billets d'humeur pour la presse locale. Il n'oublie jamais sa terre natale, comme en témoigne La Montagne des boeufs sauvages, recueil de textes nostalgiques et poétiques sur un pays de vents, de légendes et de forêts profondes.
L'Alsace
23 juillet 2010
La Montagne des boeufs sauvages
Le Ballon d’Alsace est un très vieux socle. Il y a 2000 à 3000 ans, les Celtes l’auraient baptisé Voue Guesus : la montagne des bœufs sauvages. C’est le pays de Pierre Pelot.
Pierre Pelot est sans doute l’écrivain le mieux placé pour parler des Vosges, sa montagne, la montagne de son père. Et la sienne, qu’il n’a jamais quittée.
« Je suis né dans cette vallée de la montagne des bœufs sauvages, serrée par les hauteurs rondes aux couleurs délavées, rousses et bleuies, comme des ressacs pétrifiés de vagues écumées. Je suis né là, j’y ai grandi, j’y ai creusé un terrier, parmi les gens d’ici, je suis l’un d’eux, je suis, du moins j’espère, des leurs… », écrivait Pierre Pelot.
Depuis L’été en pente douce jusqu’à C’est ainsi que les hommes vivent, les Vosges hantent toute l’œuvre de Pierre Pelot. « Un pays que j’aime en suffisance pour ne l’avoir jamais quitté, qu’il m’est arrivé de détester au détour de quelque saute d’humeur, de plaindre, de maudire, de presque mépriser, certaines fois. Au creux duquel je me sens bien souvent au chaud, même en hiver par une nuit de -30°. En bonnes compagnies, animales ou humaines. »
Un chant d’amour à la nature
Les Vosges, pays de vent, de rocaille, de rivières, d’arbres, qui montent autant de terre qu’ils descendent du ciel, pays d’hommes rudes et secrets, pays de parole rare, pays d’ombre, aussi, dans l’ombre des géants, pays de fantômes, où l’on dirait que rôdent encore dans les futaies chasseurs sauvages et froustiers. Pays de Pierre Pelot.
L’ouvrage s’apparente à un recueil de nouvelles. Ici, les histoires naissent d’un rien. Et Pierre Pelot en profite pour rendre hommage à ceux qui, avant lui, ont raconté cette région.
« Les Vosges de Pierre Pelot, tissées des mille fils de la mémoire, bruissant de mille récits, rugueux et tendres à la fois, tragiques et drolatiques, où l’enfance se mêle à l’Histoire, chant d’amour à la nature et aux gens de ce pays si singulier, où chaque personne évoquée prend les dimensions d’un personnage de roman : jamais Pelot ne s’était livré ainsi, à travers ce pays tout à la fois réel et rêvé : son pays (4 e de couverture). »
Pierre Pelot est un guetteur d’histoires, enchaîné aux fantômes, vorace de la vie des hommes, passionné par leurs liens avec la nature et l’univers, attentif à leur condition sociale. L’auteur de quelque 200 romans se livre ici comme jamais, infiniment pudique, bouleversant de sincérité. Déclaration d’amour à un pays et à ceux qui l’habitent, à un père tôt disparu qu’il n’a jamais cessé d’attendre, ce texte est une forme d’autoportrait d’une rare humanité. Celui d’un homme devenu écrivain pour ne pas trahir ses rêves d’enfant.
Page créée le jeudi 6 mai 2010. |