Adrien Norte est un auteur de best-sellers,
de ceux que l'on voit partout dans les médias, de ceux "condamnés
au bonheur à perpète". De ceux qu'éxècre
Blair, détective sombre et désabusé.
Rien ne disposait ces deux êtres à se rencontrer.
Rien, jusqu'à ce qu'une série de lettres anonymes ne menace
de réduire à néant le petit monde bien établi
de Norte.
Ces lettres à l'encontre de Norte, Blair aussi
en a reçu. Trois. Hasard, ou inquiètante mise en scène
? La partie commence entre les deux hommes... La joute est verbale,
l'ambiance pesante, parfois onirique. Les enjeux vitaux pour Norte et
sa famille. Mais qui mène le jeu ? Qui est l'auteur de ces mystérieuses
missives ?
La tension monte crescendo jusqu'aux dernières
pages de ce face-à-face oppressant (4ème de couverture, 2009).
Au premier coup de sonnette il sursauta.
Il était effondré dans un fauteuil crapaud aux accoudoirs de cruir râpé et aux coutures défaites. La bouteille coincée entre ses cuisses, le verre aux trois quarts plein dans la main droite. Sa grande taille et surtout cette position qui le tassait en une volumineuse et compacte masse faisaient paraître le fauteuil anormalement petit et étroit.
Au deuxième coup de sonnette, et au troisième qui suivit presque instantanément, il ne broncha pas d'un poil. Pas un frisson.
Le soleil à présent commençait de descendre vers le soir et frôlait la cime des arbres en ligne, là-bas, à deux ou trois cents mètres, peut-être moins, à l'ouest du grand jardin. Les ombres s'étaient considérablement allongées à la surface du gazon brûlé par ce qui semblait être désormais une éternelle canicule. La lumière avait quelque chose de lourd, une pesanteur, une consistance de brume dense, cuivrée, se glissant inéluctablement par les baies coulissantes. A l'intérieur, les ombres enchevêtrées en un treillis hirsute occupaient une bonne moitié de l'espace.
Quelqu'un appela, dehors, de quelque part. Probablement depuis la porte d'entrée, de l'autre côté de la maison. Hého !
Blair bougea faiblement le poignet et regarda les éclats de lumière dorée jouer dans le verre à la surface du J & B.
- Oui, souffla-t-il. Oui, oui...
Il se redressa légèrement et porta le verre à ses lèvres. Les humectant sans boire.
Hého ! répéta la voix plus proche, montée cette fois du jardin.
Un court instant plus tard l'ombre entra dans la pièce et s'ajouta à celles qui s'y entrelaçaient depuis un moment déjà.
Dans son fauteuil il ne tourna même pas la tête.
L'ombre de l'arrivant s'était arrêtée à un pas, sur sa gauche, comme une sorte de bête prudente, plate et rampante. A l'autre bout de l'ombre se tenait le jeune homme, maigre et long, pantalon trop large et T-shirt tombant sur une poitrine creuse, son blouson de gabardine totalement démodé sur le bras. Et cette façon qu'il avait de tenir le vêtement avait elle-même quelque chose de démodé.
- Oh... fit-il d'une voix basse.
Le regard accroché à la corde.
Télérama
N° 3102 - 27 juin 2009, Michel ABESCAT
Les Promeneuses sur le bord du chemin
C'est une sorte de duel, essentiellement verbal, sur deux cents pages d'une intensité croissante. On pense au Limier, d'Anthony Shaffer, adapté au cinéma par Joseph Mankiewicz. La construction est savante et quasi théâtrale, les dialogues au couteau, les rebondissements spectaculaires, et l'auteur prend un plaisir gourmand à jouer des conventions du genre. Tout commence dans une brume opaque dont émergent peu à peu les fils d'une tragique machination. Mais qui manipule qui ? Adrien Norte, homme de plume plutôt que de lettres, star de l'industrie éditoriale et des listes de ventes, est venu rendre visite à Paul Blair, détective à bout de souffle et d'illusions. Depuis quelque temps, Blair reçoit des lettres anonymes, menaçantes pour Norte et sa famille : « L'écrivain Adrien Norte n'a pas la conscience tranquille »... Pierre Pelot confie volontiers que c'est souvent la chute d'une histoire qui lui vient en premier et lui donne envie de la raconter. Celle de ces Promeneuses sur le bord du chemin est redoutable et parfaitement inattendue.
Page créée le dimanche 10 mai 2009. |