Les Chiens qui traversent la nuit

 
 
  • Pierre Pelot
  • 2000 | 159ème roman publié
  • Noir
 

Date et lieu

De nos jours, en août, dans une banlieue deshéritée...

Sujet

Une rue que ses habitants n'appellent plus autrement que "la rue", comme ils disent "la ville" ou encore "le quartier", après avoir jeté l'emballage des noms propres inutiles. Une rue près d'un terrain vague dans un quartier appelé à disparaître. Un jour une Pontiac grise se gare devant l'unique bistrot et un homme aux mains gainées de mitaines en cuir noir en descend.

Dans la voiture, trois ou quatre hommes, des types à se balader avec des manches de pioche, des fusils, qui rigolent quand on leur parle des flics, qui entrent dans les bars et tabassent à tour de bras quand et qui ça leur chante. Ils sont à la recherche d'une fille. Elle leur a échappé. Quelqu'un de la rue l'a aidée. Alors ils répandent la terreur. Qui osera les affronter dans cette rue perdue d'un quartier oublié ? Un roman noir qui a la limpidité d'un western et la rigueur d'une tragédie classique. (4ème de couverture, 2003).

 

Éditions

  • 1ère édition, 2000
  • Publication en feuilleton.
  • in L'Humanité, quotidien, Paris.
  • Du 10 juillet 2000 jusqu'au .. août 2000.
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    Couverture anonyme.

  • 2ème édition, 2003
  • Paris : Rivages, janvier 2003 [impr. : 01/2003].
  • 17 cm, 151 p.
  • Illustration : couverture anonyme.
  • (Rivages/Noir ; 459). Collection dirigée par François Guérif.
  • ISBN : 2-7436-1074-3.
  • Prix : 5,95 €.
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  • 3ème édition, 2013
  • Paris : éditions Bragelonne, 2 décembre 2013.
  • (Bragelonne Classic).
  • Livre numérique.
  • 128 p.
  • ISBN : 978-2-8205-1328-1.
  • Prix : 2,99 €.
  • Une banlieue industrielle sur le déclin. Des survivants, qui traînent leur misère et leur mal de vivre dans un café où ils viennent chercher un peu de chaleur humaine. Et puis, un jour, une voiture qui s’arrête là, et des types louches qui en descendent. Des types prêts à en découdre, prêts à frapper toute gueule qui ne leur reviendrait pas, et qui sont à la recherche d’une certaine fille qui serait venue se réfugier là…
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    Première page

    La DS, blanche à une époque, roulait à tombeau ouvert à travers le terrain vague et tirait derrière elle un long tourbillon de poussière. Le moteur grondant poussait un interminable graillement qui fusait en hoquetant du pot d'échappement sinistré. C'était l'étuve, derrière le pare-brise quasiment opaque et ses arcades presque transparentes tracées dans la crasse par des essuie-glaces maintenant disparus, ça sentait le tabac, la bière, le plastique chaud, l'essence, la vieille graisse, et quelques odeurs d'appoint non identifiables.

    Germano drivait tout ça à la sportive et en chantant - c'est-à-dire qu'il braillait, accompagnant la musique échappée de l'autoradio planté dans la boîte à gants, attrapant de temps à autre une parole qu'il restituait plus ou moins phonétiquement. Quand il estimait (rarement) que sa conduite demandait une réelle attention, il se projetait en avant, toute la largeur de sa poitrine plaquée sur le volant, les paupières plissées comme par une douleur soudaine ou une interrogation brutalement essentielle, s'efforçant de scruter à travers le verre sale. Ou il passait la tête par la portière.

    C'est comme ça qu'il aperçut le chien, à un moment. Juste après que les trois ou quatre jeunes types rassemblés autour de motos déglinguées, devant une des nombreuses caravanes abandonnées par les Rom, lui eurent balancé ces plaisanteries à propos de sa CB et juste après qu'il leur eut répondu, sur le même ton brailleur et détaché.

    Il était là, indéniable, le signe de l'irréversible déclin : cet abandon par les Rom de caravanes pas même vétustes. Comme des cadavres. Le fait que les tresseurs de paniers soient partis, laissant la place définitivement aux piqueurs de mobs et motocrosseurs largués.

    Germano interrompit son chant d'onomatopées chaotiques, le temps d'un sourire plat étiré sur son visage luisant de sueur. Des ombres bleuâtres soulignaient l'arête de sa mâchoire. Il commençait, à moins de trente ans, de se dégarnir sérieusement du sommet. Son sourire n'en était pas un. Figé une bonne fois comme une entaille mal cicatrisée. Déconnecté de ce qui pouvait briller ou pas dans ses yeux.

    Les mômes, les motos sur leurs béquilles, les caravanes bancales, les entassements de détritus divers, tout s'estompa dans la poussière soulevée par la voiture, et Germano ne jeta pas le moindre coup d'œil en arrière sur les dégâts après que le nuage fut retombé, s'il devait jamais retomber complètement…

    Il aperçut le chien par inadvertance, loin de penser à lui.

    C'était le début de l'après-midi, le deuxième dimanche d'août, un de ces dimanches d'été qui ne font pas de quartier et achèvent les blessés. Les râles de la ville brumeuse ne flottaient guère plus haut que les semelles des passants, sous une chaleur tombée comme un coup de barre à mine du ciel émaillé.

    A l'endroit où se trouvait Germano quand il vit le chien, le paysage cernant le terrain vague était celui d'une banlieue amaigrie, enkystée dans la proche périphérie de la ville. Dans ce qui avait été sans aucun doute une zone urbaine grouillante, de grandes coupes tournaient aux décombres en attendant la démolition. Sur ces trouées flottaient les rengaines éjectées des radios que trimballaient quelques adolescents errants en attente de conneries à faire, ponctuées par les cris de rares enfants joueurs. Et tout autour, comme des murailles de fortune retenant par la force ces derniers soubresauts vivants, se dressaient les silhouettes des bâtiments industriels désaffectés, ceux de la cartonnerie et la structure presque intacte du quartier de l'hôpital.

     

    Revue de presse

    La Liberté de l'Est

    17 avril 2003. Raymond PERRIN

    Polar urbain. Tragiques sont les nuits aoûtiennes

    Les chiens de la ville ne sont pas des hommes comme les autres

    Premier inédit de l'auteur dans la collection Rivages Noir, ce polar est aussi, chez lui, l'un des rares ayant adopté un cadre péri-urbain. Alors que Pelot réserve plutôt la ville aux récits de SF, il ne dédaigne pas, dans ses thrillers, la ruralité de contrées souvent lorraines.

    Dans une banlieue industrielle décrépite et en voie de démolition, vivote une communauté hétéroclite et haute en couleurs. On les nomme, par exemple, Godzilla, Gazoline, Cannidrix, Siegfried, Ti Freddy ou Garbo… C'est là que s'est arrêté Caleb, marchand de frites et orpailleur à l'occasion, souvent suivi d'un labrador noir, attaché à chacun de ses gestes et de ses regards. Séduit par Cécilia, abandonnée par son mari et mère du "gamin" trentenaire Germano, au comportement souvent inattendu et secret, Caleb tente de protéger tout ce petit monde déliquescent qui s'effrite aussi vite que le ciment trop vieux de la ville.

    Un jour d'août, des hommes menaçants et teigneux, armés de manches de pioche, descendent d'une Pontiac grise et sèment la terreur. Ils recherchent une jeune fille que Caleb retrouve bientôt en compagnie de Germano, prêt à tout pour la "sauver" !

    Dans une atmosphère de western-spaghetti, sous une torpeur aoûtienne pulvérulente et chargée d'odeurs fortes, dans les bruits et les cris d'un monde crasseux et décomposé, Pelot construit lentement une histoire tragique dont l'issue est à la fois fatale et incertaine.

    Si, une fois de plus, par des gestes et des comportements dont les ressorts peuvent rester mystérieux, Pelot évoque les survivants calamiteux d'un lieu chaotique et atteint d'un irréversible déclin, il laisse au lecteur le soin de déchiffrer les motivations et, éventuellement, les responsabilités de chacun.

     

    Lire

    Juillet 2003. Dinah BRAND

    Chasse à l'homme en banlieue

    Ils disent simplement qu'ils habitent La Rue. Ils ont jeté les noms propres avec leur passé. Chacun se retrouve dans l'unique café du quartier, chez Cécilia, une fille qui en a vu d'autres. Il y a Caleb, Germano, Garbo, Colombo, Freddy... des cabossés de la vie, des errants qui squattent les maisons abandonnées et se tiennent chaud en se sentant moins seuls. Débarquent soudain chez Cécilia, sortant d'une Pontiac grise, un homme en cuir noir et ses trois acolytes en armes. Ils cherchent une fille qui leur a échappé et tapent au hasard sur ces loques humaines qui ne leur reviennent pas. La chasse à l'homme commence, elle sera sanglante. Caleb, celui qui voulait oublier la vie, n'a plus qu'à se transformer en justicier, tuer pour ne pas être tué, et gagner, à la fin, une sorte de paradis terrestre qui ressemble à un coin de bistrot sans le moindre luxe. Pierre Pelot nous refait Il était une fois dans l'Ouest version banlieue : le café, la horde sauvage, les irréductibles guerriers. Mais il ne s'encombre pas longtemps de références. Ce qu'il veut, c'est exprimer la tendresse des perdants, la peur de ne plus pouvoir aimer, l'envie de vivre qui résiste au malheur en continu. Ses personnages veulent croire au lendemain, ils ont souvent des mots maladroits pour s'avouer des choses définitives et Caleb, l'homme de passage qui finira par s'incruster, en est le symbole le plus émouvant. Ce roman très noir, violent et cruel, est finalement l'un des plus romantiques que l'on puisse lire aujourd'hui, surtout grâce à l'écriture de Pierre Pelot, vibrante d'adjectifs, inspirée et éclatante.

     

    Page créée le dimanche 16 novembre 2003.