Charlie et Diên forment un singulier duo de bûcherons. Ce sont les seuls à accepter de travailler dans une zone de coupe dangereuse, surnommée le Cul de la Mort. Dans ce lieu hanté par une mémoire douloureuse - ce fut le théâtre de massacres pendant la Seconde Guerre mondiale - il règne un silence oppressant, surnaturel. La tâche des deux hommes est épuisante et leurs nerfs mis à rude épreuve. Leur solitude est soudain bouleversée par une jeune femme surgie de nulle part, parlant une langue étrangère. Selon Diên, vétéran de la guerre d'Indochine, elle pourrait bien être la fameuse "Dame de la Mort" évoquée par tant de soldats au pire de la bataille.
Est-elle réelle, humaine ou n'est-elle qu'une illusion ? Elle semble avoir marché longtemps dans la forêt. Ni sa tenue légère, ni les chaussures à talons qu'elle porte à la main n'indiquent qu'elle l'a fait par choix. Elle est couverte d'égratignures, ses pieds sont à vif. Alors qu'épuisée, elle s'endort, les deux hommes, embrasés par cette présence féminine inattendue, vont alors se défier. Ensemble ils vont commettre sur elle les pires atrocités. La solide amitié qui les unissait se transformera alors en haine, les entraînant tous deux dans un affrontement paroxystique dont personne ne sortira indemne. (page 1, édition 2000).
Il tenait son poing fermé et serrait de toute sa force. L'objet caché à l'intérieur de sa main meurtrissait le creux de ses doigts. Mais il ne voulait pas y songer, ni croire à la réalité de cette horreur ; il ne voulait pas que de nouvelles images terrifiantes, abominables, lui chavirent une fois encore le cerveau. Il n'avait rien dans sa main : c'était ce qu'il fallait se dire. Absolument.
Et s'ils voulaient y regarder, ils seraient obligés de lui casser les doigts.
Le docteur avait assuré qu'ils ne lui feraient aucun mal, au contraire. "N'aie pas peur Charlie. C'est fini, terminé." D'accord, d'accord, docteur. Il était sincère, c'est sûr. Sincère et gentil, le docteur.
Lui et les autres étaient venus à son secours et l'avaient arraché aux tentacules gluants du cauchemar, à cet endroit maudit.
Il affirma : "J'ai vu la dame de la mort"…, ou bien crut-il le dire car ses lèvres étaient closes. Mais cela lui arrivait fréquemment de parler sans que ses lèvres bougent. Ou était-ce encore une illusion ? Pourtant, quand cela se produisait, il entendait.
Il regardait la route et tressautait sur son siège, au rythme des cahots. Du coin de l'œil, il apercevait sur sa gauche la silhouette du docteur, ses mains sur le volant.
A moins qu'il ne s'agît des mains de Diên ?
Il ne savait plus. Ferma les paupières. Il crut se rappeler qu'ils lui avaient fait une piqûre, pour le calmer. Qu'avaient-ils fait de Diên ? Où était-il ?
Oh, bon Dieu ! Qu'ont-ils fait du corps de Diên, tous ces morts qui suivent la dame ? Tous ces morts qui l'avaient torturé depuis si longtemps….Où l'avaient-ils emporté ?
Il n'existait aucune réponse satisfaisante à ces interrogations, Charlie le savait bien. Aussi abandonna-t-il la lutte.
Et il serra plus fort les poings - le poing - sur la petite bouche métallique, tordue, une petite boucle de chaussure de femme.
Et quand les gens se plaignent à propos de la manière dont je traite la violence, ils ne font que protester contre le fait que celle-ci soit présentée telle qu'elle est en réalité (Sam Peckinpah).
Archipel
Revue de la SF francophone, bimensuel, n° 4, décembre 1982. Dominique WARFA, page 17
Il faudrait également lire les trois polars récents de Pierre Pelot (L'Été en pente douce, Pauvres zhéros et La Forêt muette), qui pour n'avoir pas été un "jeune loup" n'en est pas moins emblématique d'une autre acculturation : celle que convoie une trop grande estime de la littérature US. Pelot écrit des romans situés en France, dans des milieux déshérites soigneusement choisis (la campagne, la montagne...), il y peint des personnages et des atmosphères comme lui seul sait en peindre... Et pourtant, on a l'impression parfois de lire James Cain - comme si le décor seul changeait, le paysage français remplaçant le middle-west!
Thriller
Revue bimestrielle, n° 7, Bayonne, 1983. Claude ECKEN, page 66
En Alsace, dans une forêt perdue, deux bûcherons voient passer une jeune fille et l'hébergent. A partir de ces éléments, Pelot raconte une très belle histoire à la limite du fantastique. Il s'agit d'un drame psychologique superbement mené, à la conclusion surprenante. Inutile de résumer, il faut lire ce livre très au-dessus du niveau des autres titres de la collection Sanguine.
Page créée le lundi 3 novembre 2003. |