Pierre Pelot, William Camus, Jean Coué. Vous connaissez ? Certains l'un, certains l'autre. Certains les trois. Certains aucun. Qu'il vous suffise donc de savoir que ce sont là trois auteurs qui écrivent leurs rêves pour les partager. Ce sont aussi trois amis. Différents. Complémentaires. Inséparables.
Un jour, l'un d'eux eut une idée saugrenue : "Voilà, dit William : j'écris cinq pages. De l'action, des personnages, et chacun démarre son histoire seul. Je dis bien SEUL". "D'accord", a dit Pierre, enthousiaste. "D'accord", a dit Jean, enthousiaste. C'est ainsi que naquit Le Canard à trois pattes. Trois pattes différentes, complémentaires, inséparables. (4ème de couverture, 1978).
La petite histoire... Le titre est de Pelot. Le texte de Jean Coué fait de nombreuses allusions aux romans de Pelot dont il cite des titres (pp. 142-148).
Il s'éveilla, et avec lui l'angoisse.
Cette angoisse maintenant comme une sorte de double vivant, invisible mais présent, toujours, et qui ne le quittait plus.
Une ombre.
Une abominable habitude.
Un moment, Jonas demeura immobile dans le lit aux draps froissés, avec sur la peau cette moiteur désagréable qui subsistait de la nuit achevée. Il redoutait par-dessus tout ces réveils dans la glauque du matin et la fraîcheur du tee-shirt qui profitait du moindre mouvement pour venir lui caresser le dos : les ultimes attouchements du cauchemar qui n'avait pas manqué de lui rendre visite, au plus profond de son sommeil.
Jonas portait, pour dormir, son tee-shirt et son slip. Il ne s'était jamais habitué au pyjama.
Les yeux clos toujours, il bougea.
Les sous-vêtements conservaient, comme il le redoutait, la trace des sueurs qui avaient dû le détremper au cours de la nuit.
"Je ne me souviens plus", songea Jonas, paniqué.
Il ne se souvenait jamais.
Les rêves les plus horribles ont ceci de commun : ils se déchaînent et vous roulent follement dans les méandres de l'épouvante, mais ils crèvent au réveil, ne demeurent souvent que le temps d'un éclair dans la conscience retrouvée. Ils se changent en fumée, et pour les retenir, les efforts les plus ardus sont vains. Ils se liquéfient.
Pourtant, juste avant cette dissolution inéluctable, reste une fraction de souvenir, reste un fétu de terreur illustrée, comme une sorte de preuve glissée malicieusement sous cette énorme et terrifiante porte qui sépare l'éveil de l'inconscience, c'est ainsi que les choses se passent, habituellement.
Habituellement.
Le phénomène, dans les tentacules duquel se débattait Jonas depuis quelque temps, n'avait rien d'habituel. Ni de normal.
Les cauchemars, qui le tourmentaient régulièrement, n'avaient rien d'ordinaire - si tant est qu'un cauchemar puisse prétendre à l'ordinaire…Ils se manifestaient d'une façon tout à fait incompréhensible, et les traces qu'ils laissaient n'avaient rien à voir avec des bribes de souvenirs fumeux, directement en rapport avec le contenu du rêve.
C'était beaucoup plus fou. Aberrant.
C'était à n'y rien comprendre, et Jonas n'y comprenait rien.
Il se sentait terriblement petit, et nu.
Pour Michelle, Irma, Marguerite (Jacqueline), un bon coup de patte à
chacune.
Salut, Baloo !
Fiche Travelling
Gembloux (Belgique) : Éditions J. Duculot, 1978
Un début de récit commun est à l'origine de trois histoires très différentes. Voici saisis sur le vif les fantasmes, la personnalité, le talent de trois écrivains. Garçons et filles à partir de 14 ans.
Résumé : Le point de départ commun est imaginé par W. Camus. Un pilote tente vainement de rattraper le bolide conduit par son ami. A la suite d'une défaillance mécanique, le véhicule heurte violemment le rail de protection.
Pour P. Pelot, le récit s'éloigne radicalement du monde des compétitions automobiles. Un écrivain s'est réfugié dans une ferme perdue pour composer dans la solitude une série de romans. Mais il découvre avec angoisse qu'il rédige la nuit des pages troublantes dont il ne garde aucun souvenir à son réveil. Le dernier en date de ses récits relate une course automobile se terminant tragiquement. Peu à peu l'écrivain acquiert la certitude que ces récits émanent de son inconscient et qu'ils sont prémonitoires. En effet, les personnages qu'il tue dans ses rêves meurent dans la réalité. Profondément troublé, il déchiffre le symbolisme de l'ultime récit : l'annonce de sa propre mort. La prophétie ne tarde pas à se réaliser.
Très différente est la suite donnée par W. Camus. Après le grave accident survenu sur le circuit du Mans, le jeune pilote est transporté à l'hôpital où il reprend connaissance. Il constate qu'il est atteint de cécité. Handicap temporaire, affirment les médecins. Mais les jours se suivent sans apporter d'amélioration. Désespéré, le jeune homme est sur le point de se suicider quand il recouvre la vue. Jamais la vie ne lui a semblé aussi belle !
Quant à Jean Coué, il nous introduit dans l'univers d'un enfant qui par ses rêves échappe à sa misérable condition. Au fil des pages, les rêves s'amplifient puis se disloquent jusqu'à la retombée dans la platitude du réel.
Intérêt du livre, thèmes qui y sont développés : Les rapports de la création littéraire avec la psychanalyse. Le goût du risque né d'une ancienne infériorité physique. Les réactions d'un être jeune brusquement handicapé. La mythomanie d'un enfant frustré. Le monde des compétitions automobiles.
Écriture : Les trois écrivains ont opté pour un style direct et familier. Mais chacun d'eux révèle des aptitudes particulières : goût de l'action chez W. Camus, analyse psychologique chez J. Coué, intériorité et création d'atmosphères tragiques chez P. Pelot.
Les auteurs : W. Camus : cf. fiches Les Deux mondes et Les Ferrailleurs.
Pierre Pelot est un auteur très prolixe qui exerce ses talents dans des genres divers : romans policiers, science-fiction, fantastique, littérature pour enfants et adolescents.
Passionné de mer et de bateaux, Jean Coué a écrit plusieurs romans pour adolescents qui sont devenus des "classiques".
Suggestions pour le travail en classe :
- Lire la trame commune du roman et faire continuer le récit par les élèves travaillant en équipes. Les travaux fournis permettront une confrontation intéressante tant au niveau de l'imagination que du style.
- A travers ce livre, on peut tenter d'approcher ce qu'est la démarche de l'écrivain, comment il aborde un sujet en fonction de ce qu'il est et étudier les particularités du style de chacun.
- Les œuvres collectives : comment plusieurs écrivains peuvent-ils travailler ensemble ? Autres exemples.
- Recherche sur les autres romans de Coué, Pelot, Camus.
- L'acte d'écrire est libérateur d'obsessions, de rêves refoulés. Quelques exemples puisés dans la littérature contemporaine l'illustreront.
- Débat sur la moralité du suicide envisagé par le pilote handicapé. On pourrait lui opposer le cas de Le Breton qui perdit la vue et les mains et néanmoins trouvera le bonheur.
- Les causes profondes de la mythomanie.
Actuels Livres
15 avril 1978
Trois écrivains : l'un d'entre eux écrit le début d'un récit et tous les trois lui inventent une suite, chacun suivant son style et son tempérament. (A partir de 14 ans).
L'Écho de la bourse
17 avril 1978
A partir d'un point de départ commun, ces trois auteurs ont écrit chacun une histoire, sans se concerter. Cela donne trois récits où l'on perçoit très bien la démarche et la personnalité de ces écrivains.
Loisirs Jeunes
N° 1081, 25 avril 1978. Janine DESPINETTE
L'un dit : "J'écris cinq pages. De l'action, des personnages et chacun de nous démarre son histoire seul…".
Et nous, lecteurs, nous nous retrouvons devant Le Canard à trois pattes, signé Pelot, Camus, Coué… Trois noms qui marquent la littérature pour la jeunesse depuis une dizaine d'années (le dernier était le candidat français au prix Andersen 1978), trois écrivains à l'écriture bien définie, au tempérament personnel affirmé, se livrent pour leur public à une magnifique démonstration de créativité littéraire qui, de plus, est loin d'être un simple exercice de style.
Des mots "points de départ" exactement semblables et pourtant chacun réentraînera son lecteur dans son propre univers littéraire, ou presque. Car, et ce ne sera pas la moindre des surprises pour le lecteur attentif, chacun connaît parfaitement l'œuvre des autres - et pour les trois, la réflexion sur le travail littéraire qui a provoqué le jeu entre eux domine parfois l'imagination, mais le temps et l'espace d'une phrase, ici ou là. L'aventure de la vie qu'ils se sont donnés pour tâche, tous les trois, de faire mieux apprécier aux adolescents, ils ne la gâchent pas. Ils ne se prennent pas au sérieux. Mais c'est peut-être ni l'un ni l'autre dans ce roman à trois voix qui révèle leur amitié, que leurs lecteurs adolescents découvriront aussi que ces écrivains écrivent pour eux, sont des hommes qui, en fait, "écrivent leurs rêves" pour les partager ; et que leur plus grande crainte est de ne trouver personne avec qui les partager.
Pourquoi écrire un livre ? Comment ? sont sans doute les deux questions le plus souvent posées à un auteur - écrivain, poète ou illustrateur - lorsque lecteurs, enfants ou adultes, nous le rencontrons. Cette réponse à trois voix donnée aux adolescents mérite d'être lue attentivement par tous.
Trousse-Livres
N° 10, 1978. J. C.
Écrit par trois auteurs qui ne cherchent pas à fondre leur style en une plume unitaire, comme certaines doublettes célèbres de la littérature, c'est justement la volonté d'affirmer trois personnalités, trois imaginations, que ce livre accroche.
L'idée qui l'a fait naître est simple. Un des trois (Camus) écrit un argument présentant action et personnages, à partir duquel chacun (Pelot, Camus et Coué) développe son histoire, sans concertation avec les autres. Il y a du défi dans cette façon d'intégrer l'expression d'un autre et de la transcender par la sienne. Ce défi, ce pari, le lecteur les ressent, comme il ressent l'excitation complice que les auteurs ont dû prendre à l'écriture de ce livre, dont la lecture n'est pas de tout repos. En effet, ces trois nouvelles nous font tour à tour passer par les différentes phases du suspense, comprenant prélude, crise, libération (jusque là rien de bien différent d'une succession de nouvelles). Mais une histoire s'achève. La tension tombe. Une autre reprend, avec les mêmes personnages (on est en terrain connu ! Non, non, tout a déjà changé. Tout a déjà basculé ailleurs). Et l'argument initial que l'on croit fil conducteur confortable, nous guide vers de flagrants délits de lecture passive. Pourquoi le collage de ces 3 textes (les pattes) si originaux, si différents, forment-ils pourtant un tout (le canard) ? Un tout miraculeux (où la rapidité des actions, le rythme du développement, sont ficelés de maîtresses manières) qui n'est sûrement pas le fait du hasard.
Pour ce qui est de l'intrigue... lisez plutôt le livre. A partir de 14 ans.
Nous voulons lire
Talence, N° 24, 1978. D. E.
C'est d'une excellente idée de trois auteurs bien connus des jeunes qu'est né ce roman ou plutôt ces nouvelles. En effet les six premières pages écrites par Camus sont le début d'un récit que chacun des auteurs va terminer à sa façon, nous donnant ainsi trois nouvelles différentes.
Les premières pages racontent toutes les pensées qui traversent l'esprit de Phil qui conduit sa voiture comme un bolide, pensées qui concernent la conduite de la voiture aussi bien que les hommes ou les femmes qui jouent ou ont joué un rôle dans sa vie. Ces pages se terminent sur un accident dramatique.
Pour Pelot, ces premières pages ont été écrites par un auteur de roman policier fou. Jonas en effet ne se souvient pas les avoir écrites ; or il les trouve sur sa machine à écrire un matin. C'est un récit difficile dans lequel apparaissent les personnages mis en scène au début, un récit parfois chaotique, comme l'est l'esprit de Jonas qui se tuera comme Phil. Pour Camus, le récit est constitué par le journal que tient Phil à l'hôpital. Restera-t-il aveugle ? Non, mais chaque soir sera lourd d'angoisses, de doutes, de terreur, de révolte.
Pour Coué, il s'agit d'un rêve fait des résurgences d'événements et d'objets ou d'êtres quotidiens, incohérent comme le sont les rêves. On y retrouve Willy (W. Camus) et des Indiens, allusion aux sujets traités par Camus, puis "un extra-terrestre" (P. Pelot) : il est la Mauvaise Herbe (tiré d'un de ses romans, NVL, n° 12), il vient des Étoiles ensevelies (tiré d'un autre roman, NVL, n° 7).
C'est bien d'un canard à trois pattes qu'il s'agit, car ce livre ne ressemble à aucun autre et les auteurs ont bien dû s'amuser.
Notes bibliographiques
Juin 1978
Article repris par : Livres Jeunes Aujourd'hui (Paris), juin 1978.
Les trois auteurs se sont livrés à un jeu littéraire en continuant, chacun à sa manière, une histoire commencée par Camus : dans la nuit, sur le circuit du Mans, un bolide piloté par Phil s'écrase dans un virage... Jonas, le héros de Pelot, est un écrivain isolé en Lozère en proie à l'angoisse depuis qu'il retrouve chaque matin sur sa machine à écrire, pourtant rangée la veille, des récits apparemment tapés tout seuls la nuit. De quel présage est porteuse cette nouvelle histoire de pilote automobile accidenté ?... Camus nous fait retrouver Phil en clinique, aveugle peut-être, anxieux de son avenir... Enfin, Jean Coué plonge dans l'imagination d'un petit orphelin qui échappe à la grisaille de sa vie quotidienne en s'inventant un père qui joue avec lui au Circuit 24 et des copains pleins d'idées.
Trois nouvelles extrêmement différentes dans la conception et dans le style. Le récit de Camus est le plus banal. Pierre Pelot, en un nombre limité de pages, sait créer une ambiance originale très prenante avec plongée dans le paranormal : jeux de l'inconscient, pouvoirs cachés, coïncidences angoissantes. Beaucoup de talent aussi chez Jean Coué - un peu difficile à suivre cependant et dont on ne saisit vraiment le propos qu'en dernière page : il décrit à merveille les rêves éveillés du petit Paul qui contrastent de façon émouvante avec la réalité. Pour les habitués de ces trois auteurs, le récit comporte en sus des clins d'œil complices entre eux (allusions à leurs oeuvres, à leurs personnalités, petits pièges, gentilles blagues). A divers titres, ce livre ne manque pas de piquant et se lit agréablement. A partir de 14 ans.
Le Bibliothécaire
Juin 1978
Livre intéressant, intelligent, qui réunit trois grands auteurs pour les jeunes. Au départ, un point commun : cinq pages écrites par W. Camus. La donnée : un accident de voiture. Chacun brode sur ce canevas une histoire. Chez Pelot, un étrange pouvoir de prémonition hante un écrivain. Chez Camus, un coureur automobile devient aveugle, puis recouvre peu à peu la vue. La nouvelle de Coué, la meilleure, frôle le fantastique : le lecteur pénètre dans l'imagination d'un petit orphelin qui bâtit une histoire, s'invente une famille et un accident à partir d'un circuit électrique. Ouvrage excellent sur le plan humain et psychologique. A recommander. 14-16 ans.
Francs et Franches camarades
Juin 1978. R. DUBOIS
Article repris par : Les Cahiers pédagogiques, Nantes, février 1979, Les Livres, n° 244 (C.N.D.P., Paris), février 1979.
Partis d'un point de départ commun, trois auteurs se lancent dans une histoire. Pierre Pelot joue bien entendu sur les violons de l'angoisse, du malaise, de la folie qui gagne peu à peu. William Camus débouche de l'angoisse sur la vie, parce que pour lui l'optimisme foncier est la règle. Jean Coué joue, pastichant l'un et l'autre, multipliant les clins d'œil en virtuose qui manie la langue comme une sorte de canne à pêche en faisant admirer ses prises. Et il y en a !
Passionnant pour les adultes, le jeu le sera-t-il pour les adolescents ? A recommander aux plus de 14 ans.
Le Démocrate
Suisse, 17 juillet 1978
Une expérience très intéressante et inattendue est tentée dans ce livre. Trois auteurs :
- Jean Coué explique le pourquoi et le comment de l'idée ;
- W. Camus trouve l'idée : il compose cinq pages qui seront le début d'une aventure ou plutôt de trois aventures que chacun des auteurs composera seul ;
- Pierre Pelot en trouve le titre.
L'expérience me paraît concluante puisque le roman vaut vraiment la peine d'être lu.
Dossiers du CACEF
N° 58-59, 1978
De la collection Travelling : quelques nouveautés qui, comme il est coutume dans cette collection, allient la clarté, la valeur du style à la qualité du sujet traité. Au risque de me répéter : des romans que tous les jeunes lisent avec profit.
Très original ! Le commentaire de ce livre pourrait se réduire à cette exclamation. Et c'est un compliment. Chacun des auteurs - ils sont trois - a ses propres caractéristiques de style, mais surtout de personnalité.
Inutile d'ajouter qu'ils sont complémentaires, différents et inséparables. De cette association ne pouvait naître qu'un bon livre.
Livres Service Jeunesse
Revue de critique et d'information sur la littérature de jeunesse (Saint-Mandé). N° 65, 1978
Très sympathique initiative de William Camus, secondé par Jean Coué et Pierre Pelot. William Camus a écrit en six pages un début de roman : Phil, le héros, au volant de sa voiture de course pendant une compétition, pense à Anne sa compagne, à Madeleine qui l'attire et à Paul son ami. Dans un virage l'auto dérape et s'écrase.
A partir de ce début, chaque auteur a bâti une histoire originale et nous avons donc trois nouvelles totalement différentes.
1° Un écrivain harassé par ses veilles et drogué de café, lit le matin sur sa machine à écrire des textes prémonitoires qu'il est sûr de ne pas avoir écrit.
2° Le coureur automobile, à la suite de l'accident, vit pendant huit jours les affres de la cécité, aidé par son compagnon de chambre, amputé des deux mains.
3° Un petit orphelin rêve de père et mère affectueux et de foyers douillets.
Ces trois récits sont assez révélateurs des styles des auteurs et des genres qu'ils affectionnent et peuvent certainement être utilisés de manière vivante en classe pour un travail sur l'écriture : on peut étudier à partir de là les nombreuses possibilités de continuer une histoire.
Le récit de William Camus déçoit un peu mais cela est dû sans doute au fait que, seul, il a vraiment "joué le jeu" et gardé tout au long de son texte pour personnage principal le héros du premier passage : les deux autres auteurs ont repris par le biais le passage proposé et P. Pelot est même allé jusqu'à présenter ce passage comme quelque chose qu'il aurait écrit dans un état second et - précise-t-il en clin d'œil - "le style en a pris un coup !".
Infos Livres
1978. Michel BERNARD
Lorsque trois copains se rencontrent - a fortiori des écrivains -, ils en ont à se raconter. Ainsi naît parfois, d'un effort collectif, une oeuvre inhabituelle. C'est le cas pour ce Canard à trois pattes où W. Camus annonce la couleur : il écrit quelques pages, s'arrête… aux autres maintenant. Chacun à sa façon va donc poursuivre, sur le thème donné, un récit original, en tenant compte de l'inspiration du moment.
L'histoire lancée par Camus est celle d'un jeune pilote de course automobile qui manque un virage, faute de frein... Pelot intervient, transpose la suite à sa façon, nous campant un personnage-écrivain en proie à d'horribles cauchemars et qui découvre à plusieurs reprises dans ses cartons un manuscrit-fantôme qu'il entend n'avoir jamais écrit... Camus entreprend un séjour en clinique où notre pilote s'en tire miraculeusement après avoir cru devenir complètement aveugle. Coué, lui, se laisse aller au rêve par l'intermédiaire d'un jeune garçon orphelin et d'un circuit miniature,,.
L'ensemble donne une composition réussie, quoique Jean Coué s'adonne à une forme d'élucubration savante où les seuls familiers des auteurs retrouveront les thèmes essentiels et le monde particulier de chacune de leurs oeuvres. Une bonne détente pour les trois écrivains, comme pour leurs lecteurs. Tous trois ne manquent pas d'imagination et parviennent dans des registres différents, à signer un tri-roman qu'apprécieront les jeunes de 13/15 ans et plus.
L'École des parents
Paris, novembre 1978.
Article repris par : Le Ligueur (Bruxelles), 12 janvier 1979.
Camus donne un thème de départ, puis chacun va imaginer la suite de l'histoire. Une excellente idée originale et séduisante que l'un des trois a su exploiter, mais qu'un autre a bâclée (avec dialogues infantiles, étrange regard de consommateur sur les femmes), que le troisième avec un texte guère mieux travaillé, a fait basculé dans le piège de clins d'œil aux copains (donc incompréhensible pour le lecteur qui n'est pas "dans le coup"). Un canard ? Non, un canular qui a dû amuser beaucoup les trois larrons, mais qui n'a pas sa place dans la littérature que nous voulons défendre, et ce Canard à trois pattes n'est pas boiteux : il se casse tout bonnement la figure. Dommage.
La Dernière heure
Bruxelles, 20 février 1979. M. D.
Les Éditions Duculot, dans leur excellente collection Travelling, proposent pour les jeunes de 12 à 16 ans un livre pour le moins surprenant. Ce Canard à 3 pattes a une histoire, celle de ses auteurs.
Pierre Pelot, William Camus et Jean Coué ne sont peut-être pas très connus de tous, mais ils nous offrent leurs rêves.
Camus lance un scénario : des personnages, de l'action, et chacun imagine une histoire. Son histoire à lui, telle qu'il la voit.
C'est une expérience heureuse et le lecteur ne peut s'empêcher (même s'il a passé l'âge) d'apprécier.
Trois histoires issues d'une même idée et pourtant totalement opposées, insolites, violentes parfois, où l'humour et la révolte luttent contre l'injustice.
Tendre et savoureux, tel est le souvenir que l'on garde de ce livre même si l'on se sent, à plus d'une reprise, grincer des dents.
Fiches bibliographiques
Paris, avril 1979. Gérard MOUIZEL
Chacun de leur côté, trois auteurs écrivaient leurs rêves. Ils se rencontrent. W. Camus écrit cinq pages, plante l'action et les personnages. Et chacun, à partir de ce point commun, écrit son histoire, seul. Cela donne Le Canard à trois pattes. Il boite un peu au début. On se demande comment cela va tourner. Puis on se laisse prendre au jeu. On a même envie de poursuivre ces cinq pages à notre façon, d'élucider le mystère de ces pilotes de voitures qui se poursuivent à folle allure, si bien que l'un d'eux s'abîme dans la nature. Pour Pelot, il s'agit d'une mésaventure d'écrivain. Les cinq pages ont été écrites pendant le sommeil de Jonas, auteur de romans policiers, à son insu, sur sa machine à écrire. Est-il vraiment l'auteur de ce texte qui provoque le malheur ? En tout cas, Pelot se joue bien de ses personnages et du lecteur. Camus reprend son récit. A la suite de l'accident, Philippe Norval, pilote de courses, gît sur un lit d'hôpital. Il se découvre momentanément aveugle. Camus mène rondement son histoire et dans le style le plus direct. Le troisième compère, J. Coué, nous emmène aussi sur un circuit de courses. Mais il ferait une farce au lecteur, que cela ne nous étonnerait pas. Ce livre, parti d'une idée saugrenue et rédigé avec malice et vivacité, passionnera les 12-16 ans.
Page créée le lundi 27 octobre 2003. |