L'Erreur

1ère édition, 1971

Publication en feuilleton dans l'hebdomadaire Tintin, "le journal des jeunes de 7 à 77 ans"

Avril - juin 1971.

Illustrations : Hermann.

- n° 1173, 22 avril 1971, couv. (ill. Hermann) et pp. 38-40, chapitre I.
- n° 1174, 29 avril 1971, pp. 14-16, chapitre II.
- n° 1175, 6 mai 1971, pp. 14-16, chapitre III.
- n° 1176, 13 mai 1971, pp. 34-35, 38, chapitre IV.
- n° 1177, 20 mai 1971, pp. 38-40, chapitre V.
- n° 1178, 27 mai 1971, pp. 38-40, chapitre VI.
- n° 1179, 3 juin 1971, pp. 14-16, chapitre VII.

2ème édition, sans date

Sans lieu : Éditions de l'Hydre 91, sans date.

21 cm, 13 p.

Illustration : anonyme (couverture).

(H 187).

Tirage offset de mauvaise qualité, sans doute à petit nombre, d'un montage photocopié des pages de "Tintin", sans les illustrations.

A Cuervo, la voie ferrée passait au centre du village. Juste au centre, et c'était pareil pour cette piste infâme qui descend de Tucumcart. En vérité, la ligne de la voie ferrée était là bien avant le village. Les hommes étaient venus, et ils étaient venus, et ils avaient construit leur maisons de chaque côté des rails. C'est souvent de cette façon que les choses se passent : les rails courent sur les pires déserts et il arrive des hommes qui se bâtissent une vie à tel ou tel endroit sur le chemin d'acier. Ça s'était passé de cette façon pour Cuervo, en Nouveau-Mexique.

Un soleil tout à fait blanc tombait lourdement sur la ville. Un soleil de midi, en août. A cette heure-là du jour, Cuervo n'était qu'une sorte de cadavre sec, vide, généralement. Ce jour-là, ce jour d'août 1867, sous le soleil blanc, le cadavre de la ville n'était même plus cadavre : il était pis. Il était une vague forme blanche de squelette.

Pourtant, la vie n'avait pas totalement disparu, dans Cuervo. Elle n'était pas partie, mais se cachait, fuyant la trop blanche chaleur, terrée dans l'ombre moite des maisons silencieuses. Même les chiens ne tenaient pas le coup en plein soleil : on les voyait se glisser prestement sous les trottoirs surélevés, ou bien ils se tendaient, comme des bêtes piégées, dans quelque grimace d'ombre, haletants, la langue rose pointant hors des crocs. C'était même un enfer pour les chiens.

Mais ce jour-là, ce jour d'août, une poignée d'hommes avaient décidé de subir l'enfer. Ils étaient deux au nord de Cuervo, dans cette tache d'ombre bleutée qui soulignait le pied d'un hangar déglingué. En plus de leurs ceintures d'armes garnies, ils tenaient chacun un méchant fusil sur leurs genoux. Leurs chevaux sellés attendait dans le hangar. Il y en avait deux autres, pareillement armés, sous un jet de cèdres, au sud du village, à la gueule de la piste qui s'en va. Quand on vient de Santa Rosa, c'est par le sud qu'on entre à Cuervo.

Les hommes attendaient.

Depuis trois jours, déjà - depuis que Feise avait été arrêté, et enfermé dans la prison blanche de Cuervo. Ils attendaient. Ce n'étaient pas toujours les mêmes, mais en général, depuis trois jours, il y avait toujours deux hommes en armes aux deux entrées de la ville. Qui attendaient.

Il y en avait deux, aussi, sur le quai de planches sèches et grinçantes de la gare, au beau milieu de Cuervo.