Des trois groupes d'hommes qui se sont lancés à la chasse au trésor, - certains parce qu'ils avaient connu El Paso -, il ne reste que six survivants, enfermés dans la jungle de Floride et livrés à la loi des fauves.
Au terme de ce voyage au bout de l'enfer, Kija, atteint de deux fractures à la jambe, et Dylan, à bout de force et fiévreux, rentrent à Sannactoochee où s'interrompt un long compagnonnage, une amitié forte et sans faille. Ils se séparent définitivement car Kija retrouve Mary, tandis que Dylan reprend en solitaire la piste vers l'Ouest. (Raymond Perrin, Dylan Stark 2, Lefrancq, 1998).
La petite histoire... La série ne se vend pas autant que l'éditeur l'aurait souhaité : il arrête la collection, tout en gardant les ouvrages au catalogue.
C'était fou, en vérité.
Mais Feershman était né sous le signe de la folie. Il vivait sa vie la dent découverte, rage et violence à fleur de peau. Feershman était une sorte de loup fait homme, que l'instinct plus que la raison guidait aveuglément.
Aussi, lorsque l'étroite lune du petit septembre se découpa haut dans le ciel, Feershman se dressa sur un coude. Tout le jour, il avait attendu et espéré cet instant. Cette seconde pendant laquelle il devait jouer le tout pour le tout, se dissocier une fois de plus, mais radicalement, des autres.
Les autres…Il eut un rictus froid. Ses yeux de félin se posèrent une brève seconde sur la silhouette recroquevillée dans le sommeil, au fond de la cabane. Celui-là s'appelait Teck et il dormait. Il n'avait plus sa raison. Les jours comme les nuits, il les passait enfermé avec lui-même dans sa pauvre carcasse. Lui aussi avait voulu dénicher le magot maudit d'El Paso. Le premier, il était arrivé au but…et le premier il s'était rendu compte que jamais cet illusoire magot ne serait récupéré par personne. Il en avait perdu la raison, sorte d'épave silencieuse qui ne réagissait plus qu'en automate après qu'on lui eut répété trois ou quatre fois ce qu'il devait faire.
Le rictus de Feershman tourna à l'aigre et prit la couleur du mépris. Des jours entiers, pendant que Stark et les autres creusaient le dugout, il avait pressé Teck de questions, mêlant la douceur à la rage, essayant vainement de tirer quelque renseignement positif de cette momie vivante…
Il se leva précautionneusement, s'approcha de la porte de la cabane et y demeura appuyé un moment. La lune éclairait mal la trouée de forêt bordant l'immense marais. Un vent léger grignotait le silence dans les arbres. Loin, brusquement, un singe araignée siffla… et Feershman maudit mentalement l'animal qui l'avait fait sursauter. Il dut attendre quelques secondes, que les battements de son cœur retrouvent leur rythme normal.
Il était le seul à n'avoir pas abandonné tout espoir au sujet du magot. Les autres, guidés par leur fichue logique, s'étaient accommodés un peu trop rapidement de leur déconvenue. Le magot immergé était irrécupérable : il avait coulé dans la vase, à une dizaine de yards de fond peut-être plus. Irrécupérable. Voilà. Et depuis une semaine, ils s'occupaient de leur retour en pays civilisé. Ils avaient dit : "C'est pour demain". Mais seul, Feershman n'avait pas jeté les armes.
Stark et son compagnon, Kija, étaient étendus à quelques dizaines de yards de là, près du feu. Endormis. Le vent avait repoussé le chapeau du métis et jouait avec une longue touffe de cheveux noirs. Le guide séminole s'était enroulé dans sa couverture, un peu à l'écart.
Feershman continua de scruter la clairière artificielle. Son regard passa sans s'arrêter sur la croix blême marquant la tombe de Dolm - encore un, de l'équipe de Stark, que le magot d'El Paso avait attiré en enfer. L'obscurité épaisse cachait l'autre cabane…construite par Teck, celle-là, bien avant qu'ils arrivent.
Le couard, c'est celui qui, dans une situation périlleuse, pense avec ses jambes (Ambrose Bierce).
Le Matin
4 septembre 1969
Article publié le même jour par La Métropole et La Flandre libérale
Voici un Pocket Marabout bien dans la note de cette collection pour adolescents. Il en constitue un des très bons titres.
L'épopée de la chasse au trésor est terminée. Il reste, au cœur de la forêt noyée, six hommes déçus, dont un criminel endurci et un malade. Le retour à des lieux habités sera long, cruel, impitoyable même, car la plupart des membres du petit groupe y laisseront leur peau. Les flèches des Séminoles, la dent des alligators, la force des serpents étrangleurs, tout est possible dans la boue, les eaux fétides, sous les pluies diluviennes de la saison chaude. Rien ne sera épargné à Dylan Stark et à ses compagnons.
Pierre Pelot ne songe même plus à raconter une histoire qui ait un début et une fin. Le style rude, puissant, poétique et réaliste à la fois, se suffit presque à lui-même. Et le plus surprenant, c'est que le livre reste passionnant comme le plus haletant des suspenses, en une montée de l'angoisse vers la fin étonnante et émouvante dont il faut laisser la surprise au lecteur.
Page créée le samedi 20 avril 2002. |