"Devilpaw", la griffe du diable, est le surnom donné par les chasseurs au plus grand et plus intelligent grizzly de tout l'Ouest.
Quatre hommes le recherchent dans le feu du soleil d'été, dans les détours des immenses forêts de l'Ohio. Quatre hommes portés par la haine, l'amitié ou la cupidité. Quatre géants aussi sauvages que la nature qui les entoure (4° de couverture).
C'était le soir. Zaccur marchait parmi les piles de rondins entassés autour de la baraque de tri et son pas lourd foulait le tapis de copeaux qui jonchait le sol encore durci par le gel. De-ci de-là, des déchets de râperie brûlaient sans flamme, dégageant de grosses volutes de fumée qui s'élevaient haut, grises dans l'air translucide de ce nouveau printemps. On entendait des hommes s'interpeller, des billes claquer. Une bonne odeur de renouveau chatouillait les narines.
Zaccur s'assit au bord du fleuve, sur le gazon cassant. Il étira ses jambes et s'adossa à un piquet d'amarrage. Son regard traînait sur l'eau sombre.
A Ohio Spring, la rivière avait environ vingt yards de large et, pour l'heure, c'étaient encore vingt yards d'eau relativement calme, avec juste ce qu'il fallait de nervosité dans les vagues. Mais, bientôt, viendrait le temps des grandes fontes de neige et l'Ohio rugirait de colère, élèverait son niveau de plusieurs yards. Alors, les billes de bois entassées derrière les corrals tout au long du fleuve rouleraient sur l'eau folle, descendant à une allure démente les quelque cinquante miles séparant South Easter de Ohio Spring.
Il faudrait guider ces trains de bois, leur indiquer le bon chemin, les pousser dans le courant complice à coups de gaffes. Il faudrait rassembler l'étrange troupeau derrière les estacades de retenue qui ferment la gueule affamée des criques sournoises ; il faudrait le diriger le long des estacades de dérive qui étirent leurs bras devant le banc de sable ou de limon.
Magazine Marabout
Juillet-août 1966
"Devilpaw", la griffe du diable, est le surnom donné par les chasseurs au plus grand et plus intelligent grizzly de l'Ouest. Quatre hommes le recherchent dans la chaleur du soleil d'été, dans les profondeurs des immenses forêts de l'Ohio. Quatre hommes portés par la haine, la cupidité ou l'amitié… Quatre géants aussi sauvages que la nature qui les entoure.
Littérature de jeunesse
N° 182, t. 1, 1967. Jeanine STEYLAERS-GOLLIER
L'action se passe sur les rives de l'Ohio parmi le rude peuple des bûcherons et des draveurs. Le plus notable d'entre eux, Zaccur, ne participera pas, cette année, à la drave : il a juré d'abattre le redoutable grizzli, surnommé Devilpauw (Griffes du diable) qui a tué sa femme et son père. Se joignent à lui : Corrado, qui agit uniquement par intérêt et Malkija, le trappeur, pour lequel la forêt n'a pas de secrets et qui a lui-même de vieux conflits à régler avec l'ours ; enfin, deux Indiens, amis de Malkija. Et la longue chasse commence. Les compagnons doivent affronter tous les dangers de la forêt, les fatigues d'une marche interminable à travers une région inconnue. Zaccur et Malkija se lient bientôt d'une solide amitié, car ils sont bâtis de la même étoffe. Corrado, par contre, se révèle couard et cupide ; il ira jusqu'à trahir ses compagnons, mais payera sa mauvaise action de sa vie. Un inconnu, Zach, le remplacera. Son but est d'expier une lâcheté passée qui a causé la mort d'un ami et de se prouver à lui-même qu'il est capable d'agir en homme. Ainsi meurt-il heureux, ayant honorablement tenu son rôle de chasseur dans l'ultime combat contre l'ours. Le grizzli est tué, tandis qu'une amitié indestructible unit les compagnons de cette grande aventure, même l'indien qui s'était pourtant juré de tuer Zaccur, de la race des ennemis de son peuple.
Ce récit sort nettement des sentiers battus surtout parce que la longue chasse, très bien rendue, sert de prétexte à une étude de caractères. Quatre personnages d'envergure se détachent, magistralement campés et vivants. Accomplissant les mêmes gestes, dans des circonstances semblables, chacun est poussé par des motifs différents et plus ou moins valables. Il y a aussi le lien d'amitié qui se tisse entre ces rudes compagnons au cours d'une action qui rebondit sans cesse. Enfin, il faut signaler le style remarquable de l'auteur, simple, dépouillé souvent, duquel se dégage une âpre poésie quasi biblique. Que de grandeur dans les silences de Malkija ! Que de force dans les paroles du bûcheron ! Quel bel ensemble humain, équilibré et pourtant sauvage comme le pays grandiose où l'action se passe ! Certes, il y a des coups de feu, un traître, des pages brutales, qui font que le livre ne doit pas être lu par de trop jeunes lecteurs. Pour les autres, qui ont une sensibilité normale, La Longue chasse est une oeuvre de qualité, forte, originale et tonique, comme il en faudrait beaucoup à une époque où les jeunes ne songent que trop au confort qui alanguit. Les héros ne sont pas des supermen, mais de rudes gaillards, des hommes à la mesure de leur région et des aventures qu'ils vivent en commun. Un excellent livre !
Page créée le jeudi 9 octobre 2003. |