La règle du jeu ressemblait à celle du 421, les participants lançaient les dés à tour de rôle ; le vainqueur avait le droit de découper un organe ou un membre... et celui qui en avait récolté le plus avait gagné....
L'un des joueurs planta un croc de boucher dans la langue de Fred, tira et coupa le bout qui dépassait avec un couteau. L'autre fit jaillir le globe oculaire à l'aide d'un tournevis... (4ème de couverture, 1988).
Marie-Ange Jardelle se regarda longuement dans le miroir du vestibule ; elle admirait toujours avec autant de plaisir sa rivière de diamants (vrais), ses dents éblouissantes (fausses), sa cape de vison (vrai), le blond vénitien de ses cheveux (faux), ses chaussures en crocodile (vrai) et ses seins arrogants (faux).
A cinquante ans elle en paraissait à peine quarante ; il est vrai que des soins réguliers, des régimes intensifs, des opérations esthétiques, liés à un égoïsme farouche et à des revenus considérables, jouaient un rôle primordial dans cette jeunesse rayonnante mais un peu figée.
Elle descendit au sous-sol, prit la Mercedes et conduisit rapidement jusque chez le docteur Mérignac ; comme elle était attendue, elle put se garer dans la cour de l'hôtel particulier de la rue Vaneau. Elle fut conduite immédiatement dans le bureau du praticien.
- Cher Raoul, dit-elle en l'attirant pour l'embrasser sur les joues.
Prudente, elle tordit la bouche pour éviter tout contact qui aurait pu abîmer son maquillage.
Soupçonnant qu'elle avait quelque chose de spécial à lui demander, il ferma la porte capitonnée à double tour.
- A voir votre mine resplendissante, chère amie, je suis sûr que vous êtes en excellente santé.
- Oui, ce qui m'amène est en relation avec vos autres activités.
- Donc vous avez envie de passer une soirée dans ma maison de campagne.
- C'est que cette fois-ci c'est particulier…
Il passa ses longs doigts blancs sur son crâne chauve, enleva ses lunettes cerclées d'or et plissa ses petits yeux gris au regard rusé ; il se méfiait toujours car il ne voulait ni opposer à ses clientes un refus, ni prendre des risques inutiles car souvent leurs demandes étaient inconsidérées.
Marie-Ange se mit à jouer avec son bracelet, le contact des pierres lui donnant toujours confiance en elle.
- Je veux que vous vous occupiez de Cécile.
- Vous m'en avez déjà parlé… C'est votre bru ?
- Enfin presque…
Quelques mois après la mort de son premier mari, vieux, désagréable, mais fort riche, Marie-Ange avait manœuvré pour faire la connaissance de Timothée Jardelle. N'avait-elle pas vu, dans un magazine qu'il faisait partie des plus grosses fortunes de France ? Il était encore plus odieux que son précédent époux mais, outre son compte en banque, il possédait un atout non négligeable : un fils, Simon, athlète à la peau hâlée, aux grands yeux bleus limpides et au charme souriant.
Chaque chose en son temps, avait pensé Marie-Ange en concentrant ses efforts sur le père !
Elle avait eu beaucoup de mal à se faire épouser et encore plus à obtenir un poste à l'usine de produits de beauté dont Timothée Jardelle était le fondateur. Elle fut d'abord stagiaire puis, comme elle avait fait de sérieuses études d'économie, elle eut un emploi au service étranger dont elle devint rapidement la responsable. Intelligente, tenace, ayant le sens des affaires, elle parvint à doubler le chiffre des exportations en un temps record.
Timothée Jardelle, convaincu des qualités de sa femme, proposa alors qu'elle entre au comité de direction. Elle y apporta des idées intéressantes et rentables, son autorité devint vite incontestée.
Le rapt, la séquestration, le viol ne sont plus de la galanterie (Théophile Gautier, 1811-1872).
Ici Paris
1988. Robert CHAIX
Est-ce d'Apollinaire ou du divin marquis
Cette œuvre où s'enlacent les cadavres exquis ?
Non, ces dards pustuleux forant de bruns viscères
Sont les rêves féconds tout habillés de deuil
D'un auteur géminé au doux nom de Verteuil.
Page créée le lundi 8 décembre 2003. |