C'est l'histoire d'une femme qui a toutes les raisons de commettre un meurtre par jalousie, par intérêt. Elle seule a pu voler le poison. Elle seule a pu l'administrer. Elle seule n'a pas d'alibi. Pourtant elle n'a pas tué. Alors qui est coupable ? Une sexagénaire nymphomane qui se prend pour Marilyn ? Une snob qui ne craint pas de dire des rosseries et d'en faire ? Un ami qui a des distractions peu avouables ?
Il n'y a que l'embarras du choix parmi ces personnages pittoresques ou inquiétants. Oui, mais... aucun ne peut être matériellement l'assassin ! Et pourquoi y a-t-il des griffures sur l'épaule du cadavre... aux pieds de Virginie ? (4ème de couverture, 1981).
La petite histoire... Les auteurs connaissent bien le cadre de la rue Saint-Ferdinand, puisqu'ils habitent ce quartier !
Madame Bourdonnais s'admire dans le miroir à trois faces qui date de l'époque où elle était couturière. Elle regarde sa taille sans même apercevoir ses bourrelets tremblotants et drape avec art un coupon de satin bleu sur ses hanches sphériques.
- Ce sera ravissant, murmure-t-elle en extase.
Elle est fière également de ses seins plantureux qui se dressent comme des montgolfières trop gonflées prêtes à s'envoler…
Pour ses soixante ans qu'elle fêtera le dimanche suivant, elle s'offrira un repas dans un restaurant de luxe et tient à être encore plus élégante que d'habitude. Elle pourra raconter cette journée exceptionnelle à tout le quartier puisque, ayant triché sur son âge, elle parlera de son quarante cinquième anniversaire !
Lorsqu'elle avait quitté le Poitou à la mort de son mari, elle était venue s'installer à Paris et avait choisi un appartement tranquille rue Saint-Ferdinand. A l'époque, dans un moment de lucidité très rare chez elle, elle n'avait pas osé se rajeunir de vingt ans et maintenant elle le regrettait.
- Je suis trop modeste, c'est ridicule, dit-elle en sortant la photo de Marilyn Monroe.
Ah ! Si elle avait appris l'anglais à l'école, elle aurait pu la remplacer après sa mort, les spectateurs n'y auraient vu que du feu.
Elle se maquille avec soin, met en place ses fausses dents, relève ses cheveux décolorés et, comme elle a le temps, se livre à son passe-temps favori. Elle pose un disque de Marilyn sur l'électrophone et remue les lèvres pour chanter en play-back ; elle esquisse un pas de danse, se trémousse et lève les bras en l'air comme pour le final d'une revue.
Essoufflée, elle se laisse tomber sur le divan et lance en regardant la photo :
- Tu revis grâce à moi !
Elle retire sa robe puis enlève ses boucles d'oreilles en strass qu'elle a baptisé diamant ; elle est tellement convaincue par ses propres mensonges qu'elle n'ose plus les porter pour ne pas faire de jaloux !
Elle choisit un tailleur vert avec un imperméable et un parapluie de même couleur car le temps menace. Son horoscope lui est favorable et elle est bien décidée à faire aboutir ses projets. Elle ouvre le tiroir de sa commode, soulève des dessous en dentelle noire, s'empare d'une enveloppe épaisse et la glisse dans son sac.
Lorsqu'elle est sur le palier, elle s'apprête à appuyer sur le bouton de l'ascenseur mais, entendant du bruit au rez-de-chaussée, prend l'escalier.
- Bonjour, madame Bourdonnais, dit la concierge.
Courrier de l'Ouest
Mars 1981
Sans aucun rapport, s'empresse de déclarer l'auteur, avec Bernardin de Saint-Pierre, L'Épaule et Virginie est l'histoire d'une jeune femme qui aurait toutes les raisons de trucider son odieux mari. Le voilà justement empoisonné et dans leur propre appartement ! Les soupçons vont donc se porter immédiatement sur Virginie ; mais aussi, selon la tradition du genre sur les divers personnages qui gravitaient autour du couple. Selon la bonne tradition encore, nous ne révèlerons pas la solution. Cela se lit avec plaisir et vite, car le rythme est bon. En dépit du drame vécu par Virginie, avec de fréquents sourires aussi, car l'auteur ne manque pas d'humour.
Page créée le dimanche 7 décembre 2003. |